UE: « il faudrait scruter la stratégie tchèque à la lumière de la potentielle vague d'immigration ukrainienne »

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Retour sur les joutes diplomatiques de cette semaine à Bruxelles, où la République tchèque s’est illustrée comme l’un des pays d’Europe centrale et orientale les plus farouchement opposés au projet de répartition en quotas obligatoires de 120 000 réfugiés dans les 28 pays membres de l’UE. Pour en parler aujourd’hui, Pavel Fischer, aujourd’hui consultant, ancien ambassadeur tchèque à Paris et ancien directeur de cabinet du précédent chef de la diplomatie Karel Schwarzenberg:

Pavel Fischer,  photo: ČT
Dans quelle mesure la position tenue et maintenue fermement par la République tchèque peut-elle lui porter préjudice à l’avenir à Bruxelles ?

« Je crois qu’avant de répondre à cette question, il faudrait demander à notre gouvernement quelles étaient les solutions de repli, quelles étaient les alternatives. Car dans les négociations on a normalement toujours des options préparées. Pour rester sur un plan général, je dirais que l’UE a vécu beaucoup de sommets extraordinaires ces derniers temps et que cette semaine il y en a eu encore, et d’importance. Je crois que la position de la République tchèque a été défendue sans assez d’attention aux détails, et cela peut apporter des points négatifs, surtout dans la perception par les autres car il me semble que les gens n’ont pas compris notre position dans le détail. »

Il manquait donc selon vous un « plan B » à la diplomatie tchèque ?

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« Tout à fait. Je crois que chaque négociation difficile – et celle-ci a été particulièrement dure – doit comprendre une certaine vision alternative. Je crois que nous n’avons pas suffisamment bien défini cette position car si vous comparez la Hongrie et la République tchèque, ce sont quand même deux pays bien différents. La Hongrie a une frontière extérieure assez impressionnante et pourrait par exemple davantage se coordonner avec l’Espagne, qui a des barbelés importants autour de ses enclaves de Ceuta et Melilla. Je crois que la République tchèque a tout simplement fait coalition avec un pays qui a d’autres soucis que nous autres. »

Que pensez-vous de l’attitude des pays de Visegrad ?

« Je crois que les pays de Visegrad ont en commun la proximité avec l’Ukraine, un pays attaqué avec de nombreuses personnes déplacées et donc une vague de migrants potentiellement importante. Je crois qu’il faudrait peut-être scruter notre stratégie de négociation à la lumière de cette potentielle vague. Avons-nous été suffisamment écoutés et compris dans l’esprit de solidarité par rapport à cette vague qui peut se lever à l’Est. Ce serait peut-être un test pour voir si la position tchèque ou la position du groupe de Visegrad a été suffisamment stratégique. »

La présidence tchèque de ce groupe de Visegrad vous semble-t-elle efficace et réussie pour l’instant ?

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« On manque de recul et il faudrait attendre la fin de cette présidence pour juger. Plus largement, nous sommes témoins de beaucoup de défis dans la gestion desquels nous manquons d’uneapproche stratégique. Si on prend cette question des migrants, on ne parle pas assez des questions de sécurité et de défense. On ne parle pas assez à mon avis des moyens que l’UE a à sa disposition pour calmer la flamme de la guerre en Syrie. C’est un défi à relever avec une vision plus stratégique, à plus long-terme, car nous sommes vraiment interpellés sur notre manière d’être, de faire et sur le vrai sens du vivre ensemble dans l’UE. Nous devons nous poser des questions d’importance et ce n’est pas exclusivement des diplomates ou des ministres de l’Intérieur, avec tout le respect qu’on leur doit, qu’il faut s’attendre à obtenir une réponse exhaustive à toutes ces questions. »