A Prague, Thierry Repentin défend le bilan européen de François Hollande
Après la débâcle électorale du parti socialiste aux élections municipales françaises, le président François Hollande a décidé d’accepter la démission du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et de nommer à sa place Manuel Valls, peut-être pour tenter de satisfaire les électeurs de droite avec cet homme présenté comme un centriste par l’agence de presse Reuters. Son action sera en tout cas soumise à nouveau au vote populaire dès le mois de mai avec les élections européennes. Ministre délégué en charge des Affaires européennes dans le précédent gouvernement, Thierry Repentin sait peut-être s’il est reconduit à ce poste dans le nouveau cabinet mais le public pas encore. En visite à Prague au mois de mars, il a notamment défendu la politique européenne de son gouvernement à l’aune de ce scrutin européen à venir. Radio Prague lui a tout d’abord demandé de citer trois éléments qui lui déplaisaient dans l’Union européenne telle qu’elle se construit aujourd’hui.
C’est pour cela que nous avons voulu un gros budget. C’est aussi pour cela que nous avons voulu doubler le programme Erasmus sur 2014-2020 en l’ouvrant à des jeunes qui sont apprentis et à des jeunes qui sont en alternance dans les entreprises, et pas exclusivement à des jeunes qui sont l’enseignement supérieur. C’est pour cela que nous avons voulu trouver une solution politique sur la directive sur le détachement des travailleurs, qui pour nous avait un grand écho politique laissant penser à nos citoyens que l’on pouvait se faire concurrence entre salariés européens et que les salariés les moins payés faisaient concurrence aux salariés des pays qui avaient la chance d’avoir un salaire minimum. Nous n’avons pas voulu ça, nous voulons une Europe tirée vers le haut en matière de solidarité. Donc, si j’avais une critique ou frustration, ces sujets montrent que l’Europe n’a pas été suffisamment attentive par le passé sur cette dimension sociale pour l’avenir qu’elle doit accentuer pour l’avenir, y compris dans les politiques de l’Unions économique et monétaire.
Il faut aussi qu’elle se dote d’une vrai politique de sécurité et de défense commune. Je crois que c’est une politique tangible qui peut aussi faire comprendre à nos concitoyens que nous ne pouvons plus faire tout seuls. Notamment pour des enjeux de défense, il n’y a plus de pays aujourd’hui qui peuvent assurer leur défense ou des interventions sur des théâtres opérationnels extérieures sans une solidarité de l’Europe. J’attends aussi beaucoup – c’est une frustration en creux -, sur les politiques énergétiques, parce que là aussi nous pouvons parler aux jeunes générations pour redonner du sens à l’Europe. »
Dans un discours que vous avez prononcé à l’IFRI (Institut français des relations internationales) en mai 2013, vous appelez à un gouvernement économique de l’Union européenne. Quelle serait la couleur politique d’un tel gouvernement ?« Evidemment je suis social-démocrate et donc je souhaite qu’à l’issue des élections européennes du 25 mai prochain il y ait dans le Parlement européen une majorité social-démocrate, et qu’il y ait indépendamment du Parlement européen une majorité d’Etats en Europe qui épousent ce projet politique que nous portons, et qui est peut-être ici porté par la coalition gouvernementale tchèque. Ce gouvernement économique que nous appelons de nos vœux pour la zone euro dépendra aussi de la majorité politique des différentes Etats de la zone euro.
Le président Hollande a effectivement écris dans un document du 30 mai 2013 – d’ailleurs Madame Merkel l’a aussi signé -, pour que nous ayons une présidence à temps plein de la zone euro, pour qu’il soit plus réactif. Il faudra donc se poser la question d’une capacité financière propre à la zone euro, puis d’une capacité budgétaire dans un second temps. Et si on a une gouvernance à temps plein, à part entière de la zone euro, il faudra néanmoins qu’on trouve un pendant démocratique car il y a tout de même besoin d’avoir un contrôle démocratique. Cela veut dire que le Parlement européen doit s’organiser. Nous avions d’ailleurs demandé à Martin Schultz d’y réfléchir pour que le prochain Parlement européen intègre dans son organisation éventuellement une commission de la zone euro.
De la même façon, nous souhaitons qu’il y ait plus de dialogue au niveau européen, à Bruxelles, avec les représentants des salariés, donc la Confédération européenne des syndicats, et avec les représentants des entreprises. C’est donc un tout, qui porte effectivement une dimension social-démocrate. J’espère par exemple que nous arriverons à intégrer des indicateurs sociaux, le taux de chômage, la précarité de la population, le taux d’échec scolaire, la qualité de la formation professionnel… par exemple dans les sommets du Conseil pour les Affaires économiques et Financières (ECOFIN). »
Les sociaux-démocrates sont présents dans les majorités politiques de 19 pays de l’UE. N’y a-t-il pas déjà la possibilité de réorienter la politique européenne sans attendre les élections européennes plutôt que de critiquer au niveau européen des politiques que l’on applique au niveau national ?
« Mais si on peut le faire bouger. Je vous ai donné tout à l’heure des exemples précis de ce qui a bougé ces dix-huit derniers mois. Je vais en donner d’autres : quand nous sommes arrivés en juin 2012, une décision au Conseil avait été prise de supprimer par exemple le Fonds d’aide alimentaire aux démunis, ce fonds qui dans le budget accompagne les associations au niveau national qui aides les plus précaires. Nous avons dit qu’il n’était pas possible d’entériner cette décision même si elle avait été signée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. On nous a dit : « Mais, vous avez signé ! ». Oui, sauf qu’il y avait une nouvelle légitimité du nouveau président. Et dans le budget 2014-2020, vous trouvez 3,5 milliards d’euros d’aides aux associations accompagnant les plus démunis.Quand nous sommes arrivés, les discussions parlaient d’un budget de 800 milliards, on l’a monté à 1030. Donc oui, il est possible d’impulser un changement mais convenez que c’est tout de même plus facile quand vous avez une majorité établie. Il a fallu trouver des compromis. Je peux vous dire qu’Erasmus pour les apprentis, ce n’était pas dans les tuyaux. La directive sur le détachement des travailleurs n’était pas dans les tuyaux.
La lutte contre la fraude fiscale n’était pas une priorité. Cela fait sept ans qu’il y a des négociations pour une directive pour lutter contre la fraude fiscale, notamment la « directive épargne ». C’est l’expression d’une volonté politique. Il y a 1000 milliards d’euros qui échappent à toute fiscalité en Europe chaque année, parce qu’il y a des trous dans la passoire. Nous disons que plutôt que d’augmenter les impôts de ceux qui en paient déjà, il vaut mieux aller chercher de l’impôt chez ceux qui n’en paient pas, qu’ils soient d’ailleurs des entreprises ou des particuliers. Donc ça, c’est une impulsion politique mais c’est plus facile quand vous avez une majorité. »