Jiří Dědeček : à l’ombre de Georges Brassens
Le chansonnier Jiří Dědeček n’est pas un inconnu des auditeurs de Radio Prague. Et pour cause, depuis le début de sa carrière artistique dans les années 1980, celui qui fut champion de Tchécoslovaquie en skiff cadet a eu la bonne idée de traduire, d’adapter et d’interpréter les morceaux des meilleurs poètes de la chanson francophone : Georges Brassens, Boris Vian ou encore Jacques Brel. Un dimanche musical avait d’ailleurs déjà été consacré à l’album Musíme vidět dál, dans lequel Jiří Dědeček reprenait des chansons du Grand Jacques. Honneur à présent à Georges Brassens. Le parolier tchèque a traduit et chanté une partie de son œuvre impie, des chansons notamment compilées dans l’album Žalozpěv pro lehký holky – La complainte des filles de joie.
« Dans les années 1980, j’avais une amie, une correspondante française. On s’est rencontrés à Prague. Ensuite, elle est venue me voir, je voulais l’épouser. Finalement, j’ai épousé une autre fille, une Tchèque. Malgré tout, elle m’a offert comme cadeau de mariage ou de fiançailles, elle m’a donné quatre disques de Brassens. Elle m’a dit : c’est quelqu’un qui chante aussi mal que toi, qui joue aussi mal que toi de la guitare, alors écoute ça, peut-être que ça te permettra d’améliorer ton style ! J’ai écouté les vinyles et ça m’a beaucoup plu. J’ai essayé de traduire trois ou quatre chansons. »
Dans ces chansons, Georges Brassens, faisant parler sa verve libertaire, se moque avec drôlerie et parfois avec férocité des dépositaires de l’autorité. Dans Le Gorille (que nous venons d’écouter), le primate jouissant d’une liberté nouvelle ne ménage pas un pauvre juge et dans Hécatombe, ce sont des gendarmes, qui heureusement n’en ont pas, qui font malgré tout les frais de la furie de quelques Brivistes. Autant de textes qui, traduits en tchèque, pouvaient heurter la grande sensibilité des dirigeants communistes de la Tchécoslovaquie des années 1980. Pourtant, Jiří Dědeček raconte qu’interpréter ces chansons, qui dépeignaient les gloires et surtout les bassesses de la France des années 1950-1960, l’a aidé. Si on avait traduit Edith Piaf, on pouvait désormais faire de même avec Georges Brassens. On écoute Jiří Dědeček :« Par hasard, j’ai réussi à faire un recueil de poèmes de Brassens, j’ai traduit une cinquantaine de ses chansons. Ca a été publié par une maison d’édition spécialisée dans la musique. Vis-à-vis des communistes, du coup, ça me permettait d’avoir une justification. Je pouvais toujours dire : ‘Mais monsieur, je chante des choses qui sont publiées officiellement !’ Brassens m’a donc aidé car je me suis caché derrière lui. A l’ombre de Brassens, j’ai chanté des chansons qui autrement ne seraient pas passé. »A travers l’œuvre de Jiří Dědeček, les Tchèques non francophones ont la possibilité de découvrir les répertoires d’artistes ayant marqué des générations en France et au-delà par la qualité de leur écriture. D’autant plus que le chansonnier tchèque s’attaque souvent à des textes moins connus de Brassens, offrant ainsi un regard nouveau sur le plus beau moustachu à pipe de l’histoire de la chanson française.