Un été à la tchèque
Apprendre le tchèque, quelle drôle d’idée ! C’est pourtant à cette tâche ardue que s’attellent chaque été de nombreux tchécophones en herbe. A Prague, la 55e session de l’école d’été d’études slaves (LŠSS) s’est ouverte au début du mois à l’université Charles. La faculté des lettres accueille ainsi pendant près de quatre semaines spécialistes et passionnés de la République tchèque. Cours de langue, séminaires d’histoire ou de littérature et conférences sont dispensés tous les matins. L’après-midi et les week-ends, diverses activités culturelles et excursions sont proposées aux jeunes apprenants. L’occasion pour les voyageurs de découvrir les mille et un trésors de Bohême et de Moravie. Cette année pas moins de quarante-cinq pays sont représentés, un chiffre qui confirme que la langue et la culture tchèques semblent avoir de beaux jours devant elles…
Dans les couloirs de la « letní škola », l’école d’été, la question est récurrente : « et toi, pourquoi apprends-tu le tchèque ? » Parlée par à peine plus de dix millions d’habitants, la langue tchèque paraît de prime abord bien marginale par rapport à d’autres « géantes » tels que l’anglais, l’espagnol, le français ou encore le russe. La République tchèque et sa capitale aux cent clochers ont pourtant un charme bien particulier qui séduit chaque année des visiteurs des quatre coins du monde. Pour Pierre, étudiant en communication à la Sorbonne, apprendre le tchèque est intéressant à plus d’un titre :
« C’est vrai que c’est un peu curieux d’apprendre le tchèque comme c’est une langue qui n’est parlée que par 10 millions d’habitants. Dans le même temps, apprendre une langue slave quelle qu’elle soit, le tchèque ou une autre, c’est aussi la porte ouverte à d’autres langues slaves. Après, c’est aussi une question de culture. Je pense qu’on s’intéresse à une culture en particulier. C’est certainement intéressant en tout cas et c’est aussi un atout de parler une langue un peu rare.»
A la « letní škola », les parcours sont divers et les motivations multiples et variées. Un même intérêt pour la culture et l’histoire du pays réunit cependant tous les participants. Zdenka Tošovská enseigne le tchèque aux francophones depuis plus de dix ans à la faculté. Elle constate depuis quelques années un véritable rajeunissement du public :
« J’ai eu par le passé des étudiants assez âgés. Maintenant, il y a des étudiants beaucoup plus jeunes. Ca me fait vraiment plaisir que les jeunes veuillent apprendre le tchèque. Ils s’intéressent à la littérature tchèque, à la politique. Ils aiment voyager en République tchèque. Cela me fait vraiment chaud au cœur. »
Les jeunes s’intéressent donc à la République tchèque, mais apprennent-ils pour autant la langue par pur plaisir ? Prague est certes une ville splendide, mais est-ce une motivation suffisante pour endurer des cours de grammaire et passer l’été à tenter de mémoriser des déclinaisons interminables ? Qu’ils soient étudiants en langue, en sciences politiques ou encore en archéologie, les écoliers d’été comptent pour la plupart se servir du tchèque à des fins professionnelles. Etudiante en licence de russe à Aix-en-Provence, Anaïs a ainsi un projet bien précis en tête :
« J’apprends le tchèque parce que je m’intéresse surtout au commerce qui peut en découler. Je pense notamment à l’industrie de luxe, à l’import-export de produits français, tout ce qui concerne le vin, le chocolat, les bijoux, les grandes marques. Comme c’est un pays qui est entré dans l’Europe il y a quelques années, je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire. »
La République tchèque, pays de tous les possibles ? Il semble en tout cas que l’arrivée massive des touristes et l’entrée dans l’Europe aient permis de faire sortir la Tchéquie de l’ombre. Dans un climat de morosité accrue, les jeunes occidentaux de l’école d’été ont envie de tourner leur regard vers l’Est. Beaucoup évoquent en effet la qualité de la vie praguoise et l’atmosphère décontractée de la capitale. Qui aurait pu imaginer de telles déclarations il y a vingt ans ?
Thomas, étudiant à l’IEP de Bordeaux, souhaiterait lui aussi utiliser le tchèque pour travailler au sein de l’Europe. Selon lui, la letní škola est également un excellent moyen d’élargir ses horizons. Une expérience enrichissante pour laquelle il n’a d’ailleurs pas eu à dépenser une couronne !
« J’étudie le tchèque pour deux raisons : d’abord des origines familiales et aussi parce que j’espère travailler avec dans l’Union Européenne. Grâce à l’ambassade de la République tchèque, j’ai pu obtenir une bourse d’étude. C’est bien, cela me permet de voyager un peu, de découvrir un nouveau pays et de rencontrer plein de gens. C’est plutôt chouette ! »
L’Université d’été est pour beaucoup un excellent moyen de joindre l’utile à l’agréable, et ce sans finir sur la paille ! Les ambassades tchèques en Europe et dans le monde offrent ainsi de nombreuses bourses pour des séjours linguistiques dans plusieurs villes du pays. A Prague, avec un peu plus de 1 000 euros par étudiant boursier, le gouvernement tchèque parvient à financer logement, nourriture, carte de transport, matinées de cours et excursions en tout genre. C’est ainsi que pendant près d’un mois, la résidence universitaire de Kajetánka, dans le 6e arrondissement de Prague, se transforme en véritable « auberge tchèque » et accueille des pensionnaires du monde entier. Si l’heure est à la détente l'après-midi, le soir et le week-end, il ne s’agit pas pour autant de paresser… Le tchèque est une langue difficile qui demande beaucoup de travail. Zdenka Tošovska explique quelles sont les principales difficultés pour les francophones :
« Les Français ont beaucoup de difficultés avec les cas et les déclinaisons. Il faut qu’ils apprennent par cœur beaucoup de prépositions suivies de terminaisons particulières. La langue tchèque a des règles mais elle comporte aussi beaucoup d’exceptions. Il faut les retenir et c’est très dur pour les étudiants étrangers. C’est un problème pour eux, mais ils s’en sortent très bien ! »Pas évident pour un francophone d’apprendre une langue comme le tchèque. Il semble pourtant qu’avec un peu de motivation, un soupçon de bonne humeur et quelques encouragements, il soit possible de demander son chemin dans la rue et de prononcer quatre consonnes à la suite sans bafouiller !
La « letní škola » de Prague, subtil mélange de culture, détente et études, séduit chaque année un nombre croissant de slavophiles. Cette année, près de 180 participants ont répondu à l’appel.
Pour ceux qui souhaiteraient prendre part à cette expérience, toutes les informations sont disponibles sur le site de la Letní škola slovanských studií – l’école d’été des étude slaves : http://lsss.ff.cuni.cz/. Concernant les bourses d’études, les étudiants peuvent se renseigner auprès de l’Ambassade de République tchèque dans leur pays.
Il ne nous reste plus qu’à souhaiter un excellent séjour aux participants de la 55e édition !