« Plus on est immergé dans la langue tchèque, plus on apprécie les petites différences régionales »
Professeur à l’Université libre de Bruxelles, Jitka Hejlová est l’une des participantes du dernier symposium méthodologique pour l’enseignement du tchèque comme langue étrangère pour les professeurs à l’étranger, qui s’est tenu du 6 au 10 juin à Prague, juste avant le lancement de l’Université d’été du tchèque à Bruxelles le 13 juin 2022. Au micro de Radio Prague International, elle explique ce qui donne envie aux étudiants bruxellois d’apprendre le tchèque, et elle fournit quelques conseils aux débutants. Mais tout d’abord, elle rappelle ce qui l’a amenée à l’enseignement du tchèque aux étrangers.
« Je travaille à Bruxelles comme enseignante de langue tchèque à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Au début j’avais envie d’étudier le français. Je suis originaire d’Ostrava, où se trouve un lycée spécialisé sur la langue française. J’ai commencé cette langue à l’âge de 13 ans. J’ai également eu l’occasion de faire plusieurs stages en France et à Bruxelles. A la fin de mes études, j’ai eu l’opportunité de postuler à ce poste à l’Université libre de Bruxelles, et c’est comme ça que j’y travaille aujourd’hui. »
D’où vient votre passion pour la langue tchèque ?
« J’avais une passion pour la langue française, donc à l’époque où je réfléchissais à ce que je voulais étudier, j’ai cherché quelque chose que je pourrai apprendre avec le français. On m’a suggéré qu’il serait pratique que ma langue maternelle fasse partie de mon métier. J’ai commencé mes études à l’université Masaryk de Brno, où j’ai étudié la philologie de la langue française et de la langue tchèque. Je me suis ensuite spécialisée en éducation. »
Fière de la Tchéquie et de la langue tchèque
En quoi est-ce important de partager et d’enseigner le tchèque, non seulement dans le pays mais aussi à l’étranger ?
« Je dois l’avouer, je me sens de plus en plus fière de la Tchéquie et de la langue tchèque, et j’adore les partager avec les étrangers. C’est vraiment très enrichissant de pouvoir faire découvrir notre culture, notamment à travers la langue. Une grande partie dans mon travail y est consacrée. »
Pensez-vous que le tchèque n’a que pour vocation d’être parlé en République tchèque, ou est-ce une langue que l’on peut avoir envie d’apprendre juste pour le plaisir de l’apprentissage et d’ouverture ?
« Nos étudiants étudient les langues slaves, c’est-à-dire qu’ils n’étudient pas uniquement le tchèque, mais aussi le polonais et le russe. Leurs motivations sont souvent très diverses, et parfois ils ont vraiment juste pour le plaisir d’apprendre une langue ‘exotique’. Pour moi, l’exotisme, c’est vraiment autre chose ! Mais à Bruxelles, les étudiants ont très souvent des origines différentes et parlent donc généralement leur langue maternelle, mais également le français ou le néerlandais. Souvent les langues slaves sont la ‘partie manquante’, et c’est pour cela qu’ils commencent avec le tchèque. Par la suite, ils peuvent poursuivre leur carrière sur le marché du travail de ces pays grâce aux portes que leur ouvrent ces bases slaves. »
Parmi les langues slaves, laquelle serait la meilleure pour débuter selon vous ?
« Cela dépend de votre profil, mais je pense que les langues slaves de l’ouest sont beaucoup plus accessibles, car elles utilisent l’alphabet latin, ce qui nous permet dès le début de pouvoir lire les mots. »
Université d’été et symposium méthodologique
Pouvez-vous nous parler de l’Université d’été du tchèque, qui a lieu tous les ans, et du symposium méthodologique auquel vous participez ?
« A l’ULB, nous assurons non seulement des cours universitaires, mais nous avons également des cours du soir pour le grand public. Il y avait une forte demande de la part de nos étudiants pour que soit organisé un cours intensif, donc chaque année à la fin du mois de juin, nous organisons deux semaines de cours, à la fin desquelles nous pouvons vraiment constater des progrès importants chez nos étudiants. Ce cours intensif est organisé en coopération avec l’Université Charles, ce qui donne aux étudiants une chance d’avoir des professeurs venant de cette école. Nous allons commencer le 13 juin et il reste toujours quelques places libres pour les débutants, si quelqu’un veut y participer, d’autant plus qu’elle se tiendra également en ligne. »
« J’ai également la chance de participer au symposium méthodologique organisé pour les enseignants de tchèque qui travaillent à l’étranger, et c’est vraiment très enrichissant, de pouvoir travailler avec mes collègues venant des quatre coins du monde – car le tchèque est enseigné dans énormément de pays étrangers. Pendant ce symposium, nous pouvons suivre des formations préparées par l’Institut des langues et de la formation professionnelle de l’université Charles (ÚJOP UK). Il est intéressant d’échanger avec des collègues plus expérimentés lors de cet événement, qui est organisé chaque année en juin. En 2022 a eu lieu la quinzième édition. J’ai vraiment hâte de revenir l’année prochaine, car le travail de professeur tchèque à l’étranger est assez solitaire, et ce symposium est une occasion unique de comparer nos méthodes, nos vécus et notre travail avec les étudiants. »
Existe-t-il en tchèque des variations ou expressions régionales faisant l’objet de débats ou de clivages, comme en France le pain au chocolat et la chocolatine, par exemple ?
« C’est le cas, en effet, et cela doit être vraiment difficile pour les étudiants. Par exemple, s’ils viennent en Moravie, ils vont entendre des terminaisons différentes de celles utilisées à Prague. Il est bien connu qu’à Brno, par exemple, nous appelons les tramways ‘šalina’, et non ‘tramvaj’ comme dans le reste de la République tchèque. Parfois c’est l’accent qui varie légèrement, mais je pense que plus vous êtes immergé dans la langue, plus vous appréciez ces petites différences. »
Ecouter la mélodie et le caractère de la langue
Quels sont les principaux conseils que vous donneriez à quelqu’un qui se lance dans l’apprentissage de la langue tchèque sans aucune base ?
« Tout au début, je conseillerais surtout d’écouter le tchèque. Ne pas ouvrir de manuels, mais essayer de trouver des podcasts ou des enregistrements en tchèque pour tenter d’écouter la mélodie et le caractère de la langue. Ce qui pose le plus de problème, c’est la prononciation, alors si on se concentre sur celle-ci dès le début, cela évite de potentiels problèmes à l’avenir. »
Considérez-vous le tchèque comme une langue facile ?
« Je dirais qu’au début, si je vous disais qu’il y a toutes ces déclinaisons, ces 7 cas et ces sons qui n’existent pas forcément en français, forcément, cela fait beaucoup de nouvelles informations ! Mais dans l’apprentissage de la langue, on procède étape par étape ; ainsi, on découvre le tchèque au fur et à mesure. Un étudiant m’a dit que pour lui, le tchèque représentait le yoga pour le cerveau ! Cela montre bien que cette langue fait réfléchir, mais au final, il faut surtout réaliser qu’à travers cette langue, on peut communiquer avec les gens, donc il ne faut pas trop se prendre la tête sur la grammaire et les déclinaisons. »