Grève historique en République tchèque contre les « réformes injustes » du gouvernement
C’est un jour important dans l’histoire des mouvements sociaux en République tchèque. En effet, les syndicats de transport, ainsi que diverses autres organisations syndicales et citoyennes, avaient appelé à une grève de 24 heures ce jeudi. Or la grève et la manifestation ne font pas vraiment partie de la culture protestataire du pays. Ce mouvement témoigne donc d’une véritable colère contre un gouvernement perçu comme corrompu et contre ses projets de loi très libéraux dans les domaines de la santé et des retraites notamment. Aucun métro ne fonctionne donc aujourd’hui à Prague, le transport ferroviaire est paralysé dans la majorité du pays et les transports en commun de nombreuses villes sont également fortement perturbés.
Le mouvement de grève touche la plupart des transports en commun du pays et certains syndicats d’autres branches de métiers s’y sont également joints. Depuis son inauguration en 1974, c’est la première fois que le métro pragois n’assure pas son service pour cause de grève. 30% des tramways et autobus de la ville circulaient ce matin, pourcentage qui a diminué au cours de la journée.
Parallèlement à cette grève, quelques actions ont eu lieu toute la journée afin d’exprimer le ras-le-bol de la population. Ce matin, à 9 heures, un rassemblement d’environ un millier de personnes s’est tenu devant le ministère de la Santé, responsable de projets de loi visant notamment à diminuer le taux d’indemnisation du système de santé. Une des manifestantes, Iva, qui se décrit comme une simple citoyenne, nous explique sa présence :« Cette manifestation est contre le gouvernement car il y a énormément de corruption dans ce pays. Et le gouvernement ne fait absolument rien contre ça. Il s’imagine toujours qu’il est possible de faire payer ses erreurs aux simples citoyens. Le gouvernement avance le prétexte que nous pourrions nous retrouver dans une situation similaire à celle de la Grèce, mais c’est totalement différent. »
Etudiant, Lukáš Matoška est un sympathisant de l’association ProAlt, qui lutte contre les réformes du gouvernement qu’il juge antisociales et injustes, et propose certaines alternatives. Il estimait important d’être présent et nous explique pourquoi il rejette les projets gouvernementaux :« Ces réformes prennent clairement une direction antisociale. Dans toutes les sphères de la société, dans celle de l’éducation, dans celle de la santé et dans les autres, les réformes s’efforcent de mettre à mal la sphère publique, la société civile, et finalement de nous ramener au XIXème siècle avant les conquêtes réalisées par l’Etat social. »
Les manifestants se sont ensuite dirigés vers le ministère des Finances. Il s’agissait cette fois, de protester contre les multiples affaires de corruption qui touchent régulièrement les politiciens et ce, quelle que soit leur étiquette politique. Les manifestants ont joyeusement lancé quelques tomates sur le ministre des Finances, Miroslav Kalousek, qui les aurait provoqués selon Bohumír Dufek, le président de l’Association des syndicats indépendants. Par ailleurs, ce dernier envisageait déjà la suite du mouvement. Il sait que la partie est loin d’être gagnée face à la surdité du gouvernement :« Si, après cette journée de protestation, le gouvernement ne prend pas en compte nos revendications, je pense que nous disposons d’une large gamme de différentes possibilités pour que le gouvernement reconsidère sa position et fasse des réformes qui soient vraiment destinées aux citoyens. Nous refusons les réformes telles qu’elles sont envisagées pour l’instant. »Et il faudra certainement recourir à cette palette d’actions car le gouvernement s’est jusqu’alors montré très peu enclin au dialogue. Le Premier ministre Petr Nečas a critiqué le mouvement en le qualifiant de « prise d’otage ». Anecdotique satisfaction pour les manifestants cependant : le chef de l’Etat, Václav Klaus, très hostile à ce mouvement social, a été contraint d’annuler une réception destinée à célébrer son 70ème printemps.