Vincent Byrd Le Sage, porte-parole de la pensée de Barack Obama
Le 18 mars 2008, le futur président américain Barack Obama prononçait à Philadelphie un discours qui, sans le savoir, allait faire date. Le 18 mars 2009, c’est le comédien français Vincent Byrd Le Sage qui récitait ce même texte, dans la langue de Molière, au théâtre Archa à Prague. C’est le metteur en scène José Pliya qui lui a proposé une lecture, Vincent Byrd Le Sage nous raconte comment il a découvert ce discours fondateur, souvent comparé au fameux « I have a dream » de Martin Luther King.
« Je suis allé récupérer le texte, je l’ai lu. J’ai trouvé ça pas mal. Sans plus. On devait se voir pour répéter à voix haute, et je me suis dit : je vais quand même le lire à voix haute une fois, avant de travailler ensemble, pour me rendre compte. Et au cours de cette lecture à voix haute, je me suis mis à pleurer. On s’est vus avec José. J’ai refait une lecture. J’ai repleuré. Il a pleuré. On a fait une lecture devant son épouse. Nous avons tous pleuré. Là, on s’est dit : il y a quelque chose dans ce texte qui transcende vraiment la dimension politique, politicienne, même américaine, car ni José ni moi ne sommes américains, et ça nous parle beaucoup. Cela transcendait et la couleur et l’origine et la nationalité. On touchait à l’universel. »
Vous dites avoir pleuré, mais comment le public réagit-il à ce texte ?
« En général, on fait un débat ou plutôt des échanges après le spectacle pour que les gens puissent dire ce qu’ils ont envie de dire sur le spectacle. C’est un texte très doux, très bienveillant, et ce qui ressort dans les échanges, c’est cette bienveillance. Il y a des gens que ça amène jusqu’aux larmes, d’autres que ça amène dans une profonde réflexion politique, pas dans le sens : qui est élu où, mais : qu’est-ce que c’est censé faire à notre société et à nous-même, qu’est-ce que la politique pour nous ? Je pense que cela réveille le citoyen en chacun. »
Pensez-vous que ce type de discours soit possible en France par exemple ? Par une personne de la stature d’Obama.
« En fait, je pense qu’on a déjà eu un petit peu ou beaucoup, certains politiques qui ont tenu ce type de propos, à savoir à un niveau philosophique, spirituel sur le sens de leur rôle d’organisation de la société. La difficulté qu’on a en France c’est que cela reste au stade des paroles. Chez Obama, ce n’est pas un petit bout, ça a été redondant dans toute la campagne, ce niveau de réflexion-là. Ensuite il y a une très grande affirmation du ‘nous’. C’est cela la grande évolution par rapport à Martin Luther King. Lui dit ‘j’ai fait un rêve’. Pour ma communauté. Et Obama c’est ‘oui, nous pouvons’. C’est très important : il ne se met ni dans une position personnelle à part, ni en tant que leader (‘je vais résoudre vos problèmes’). Il dit : ‘nous pouvons, si nous travaillons ensemble, résoudre nos problèmes’. »
En dehors de cette lecture que vous disiez très émotionnelle, comment avez-vous abordé l’interprétation de ce texte sur scène ?
« L’idée de José, que j’ai rejointe immédiatement, c’était de ne pas chercher à copier Barack Obama, de ne pas chercher à refaire comme si on était à l’époque du discours. Ce n’est pas le cas : je ne suis pas américain, le public non plus. Nous ne sommes pas en mars 2008 et nous ne sommes pas en campagne électorale. Très vite, José m’a proposé de travailler dans le sens de quelque chose de simple où on restitue la parole. Nous sommes en fait des porte-paroles. On le fait de cette manière simple, sobre, sans emphase, ouverte. »
Le spectacle intitulé De la race en Amérique est présenté dans le cadre du festival Afrique en création. Retrouvez l’intégralité de cet entretien avec Vincent Byrd Le Sage dans la prochaine rubrique Culture sans frontières.