La statue du commandant militaire Radetzky doit-elle retourner à la place Malostranské náměstí à Prague ?
C’est pour la 7e fois que les festivités commémorant le séjour du maréchal Radetzky à Olomouc ont eu lieu au début du mois de septembre, dans cette ville universitaire de Moravie du nord. Le célèbre militaire des armées impériales, Joseph Radetzky, a été nommé commandant de la forteresse d’Olomouc en 1829. Une plaque au palais Edelmann, où il séjournait jusqu’en 1831, rappelle ses mérites pour la ville : il a amélioré ses conditions sanitaires, a fait assécher les terrains marécageux et planter des arbres. L’entrée du maréchal et sa suite en uniformes historiques sur la place centrale d’Olomouc, théâtre des festivités, se déroulait sous les tons de la célèbre marche viennoise de Johann Strauss père, dédié à Joseph Radetzky.
Tandis qu’Olomouc glorifie Radetzky, à Prague, son nom suscite de vives émotions. Pour les uns, il incarne les meilleures qualités d’un commandant militaire tchèque, d’autres le prennent en revanche pour un ennemi des Tchèques au service des Habsbourg. Les 150 années qui se sont écoulées depuis sa mort ont ravivé le débat sur le retour de la statue du maréchal à l’endroit qu’elle occupait jusqu’en 1919, sur la place Malostranské náměstí, au pied du Château de Prague. Du côté des adversaires, il y a aussi la Communauté des légionnaires et l’Union des combattants pour la liberté. La présidente de cette dernière, Anděla Dvořáková, est formelle :
« Nous ne sommes pas d’accord avec ceux qui veulent que Radetzky ait à nouveau un monument à Prague, mais il paraît que notre opinion n’y pourra rien. »
Non, rien n’est décidé, en ce moment. Voyons qui était celui qui suscite autant de polémique. Né le 2 novembre 1766, au château de Třebenice dans la région de Sedlčany, en Bohême centrale, le comte Joseph Wenzel Radetzky était issu d’une vieille lignée noble tchèque. Il entame sa carrière militaire comme cadet et fait ses premières armes durant la guerre contre l’Empire Ottoman : il sert alors dans l’armée autrichienne sous le célèbre général Laudon. Puis, ce sont les guerres contre la France révolutionnaire. Dès 1805, il combat sur le front italien, 4 ans plus tard, il est sur le front en Autriche, à Wagram. La défaite autrichienne aura des conséquences dramatiques pour le pays et ne restera pas sans suite sur sa carrière. L’armée impériale subit de profondes modifications et Radetzky devient le nouveau chef d’état-major de l’armée autrichienne. La situation n’est pas brillante au moment où il prend ses fonctions. L’Autriche perd des territoires significatifs, l’armée est réduite et une nouvelle guerre est pratiquement exclue. Or, Radetzky est d’un autre avis et le nouveau chancelier Metternich le soutient. Un moment propice se présente en 1813. L’Autriche rejoint la Prusse et la Russie et déclare la guerre à la France. Radetzky en tant que chef d’état-major met au point un plan d’opération qui va contribuer à la défaite de Napoléon à Leipzig. En 1818, Radetzky est appelé par l’archiduc Ferdinand en Hongrie où il va servir jusqu’en 1829. Cette même année, après 20 ans de services, il est promu général de cavalerie et reçoit le commandement de la forteresse d’Olomouc, un poste qu’il occupera jusqu’en 1831. De 1831 à 1847, Radetzky est préoccupé par la formation de l’armée autrichienne en Lombardie: encore à 82 ans, il commande les Autrichiens lors de la révolution à Milan contre l’armée sarde en remportant une victoire. C’est en l’honneur de la bataille de Novare, dans le Piémont, le 23 mars 1849 que Strauss écrira la célèbre marche de Radetzky.La capitulation de Venise est le résultat de cette brillante campagne qui vaut à Radetzky le poste de gouverneur civil et militaire du royaume lombardo-vénitien. En 1857, il a 91 ans, lorsqu’il sollicite de l’empereur sa mise à la retraite. Le meurt le 5 janvier 1858 à Milan. Durant sa vie, il a servi cinq empereurs, participé à 17 campagnes, 7 fois blessé il a été 46 fois décoré.
L’historien d’art František Dvořák ne doute pas qu’un homme d’une telle envergure mérite d’être rappelé par une statue :
« Je suis résolument pour, c’est un maréchal, un commandant militaire célèbre et il ne faut pas oublier que son monument était érigé à Prague à l’initiative des Tchèques. »
C’est en bas de la place Malostranské que le monument du maréchal Radetzky se trouvait, entre les années 1858 et 1919 :
« Cet endroit n’a pas été choisi au hasard car la maison avoisinante, le palais Kaiserstein, appartenait à la famille Radetzky. »
Après avoir été déboulonné, l’original de la statue du maréchal Radetzky a été déposé au Musée lapidaire de Prague. Aujourd’hui, on envisage d’en faire une copie. L’obstacle principal n’est toutefois pas le coût du moulage évalué à 8 millions de couronnes. Ce sont les grandes dimensions de la statue, l’objet des polémiques, explique Dana Stehlíková du Musée lapidaire :
« Le monument est haut de plus de 10 mètres et comme nous pouvons le voir sur le modèle, sa hauteur est encore multipliée par un immense socle. »
La hauteur du socle et la disposition du monument dans la partie inférieure de la place gâcheraient justement la vue d’ensemble de la statue et c’est pour cela que certains proposent déjà de remplacer le socle par un autre, plus bas. En dépit des remaniements nécessaires, le retour du monument a obtenu le feu vert de la majorité des conseillers municipaux de Prague. Il est toutefois difficile d’anticiper le résultat du vote.
Avant de terminer, ajoutons encore qu’à part la célèbre marche auquel il a donné son nom, le maréchal Radetzky s’est inscrit dans l’histoire de la gastronomie pour avoir importé d’Italie en Autriche la célèbre escalope viennoise … Nous lui devons aussi un plat baptisé au XIXe siècle par Magdalena Dobromila Rettigová, auteur du grand livre de cuisine tchèque, ‘riz au lait sucré à la mode de Radetzky’…