Il était une fois... les créatures fantastiques des contes de l'enfance
Qui se cache dans les bois et les forêts de Bohême ? Qui hante les abords des marais ? Qui se dissimule dans les sombres recoins de notre imagination, de notre inconscient ? En cette période précédant Noël, une exposition propose une série de tableaux et illustrations représentant des êtres sortis tout droit des contes de fées. Rencontre avec Petr Stepan, conservateur de cette exposition pragoise.
A quelques pas de la place de la Vieille-Ville, le Musée tchèque des arts plastiques est, pour près de trois mois, peuplé d'étranges personnages, nains, dragons, fées, diablotins, trolls et bestioles de tout poil. Petr Stepan a organisé cette exposition, il nous en détaille le point de départ :
« Nous sommes partis de l'idée de base des contes de fées et des êtres qui s'y manifestent au XIXe siècle, époque à laquelle ces êtres n'illustraient pas à proprement parler les contes de fées, mais en étaient plutôt les symboles, ils apparaissent plutôt comme une perception, une expérience de l'artiste par rapport au conte en question, comme tirés directement de son âme d'enfant. L'exposition concerne le tournant des XIX-XXe siècles où ces êtres de contes de fées sont vraiment caractéristique de la période (par exemple dans d'autres parties du monde, on retrouve la même chose avec des thèmes mythologiques) et on a ensuite la confrontation de cette période avec le tournant des XX-XXIe siècles, notre époque, où étonnamment, les thèmes se répètent ou en tout cas, sont similaires. »
Pour Petr Stepan, il n'est donc guère étonnant que des artistes contemporains puisent leur inspiration dans l'univers des contes et des monstres, plus ou moins grinçants, plus ou moins grimaçants, pas nécessairement méchants et cauchemardesques d'ailleurs, mais inquiétants, à coup sûr. Il rappelle la « dino-manie » par exemple qui trouve son illustration dans des films comme Jurassic Parc ou bien, autre exemple, l'engouement pour la culture celtique, où il décèle les mêmes aspects que dans le naturalisme ou le courant décadent, le primitivisme, le darwinisme, et tous ces courants en -isme qui fleurirent au XIXe siècle. Autant de mouvements de pensées d'ailleurs qui souvent ont et ont pu être dévoyés au cours du XXe siècle. C'est dans une période de « crise de la raison », des idéaux, qu'apparaissent tous ces courants, et que se développe cet engouement pour le conte, comme si la société en mal de repères cherchait du sens dans un passé mythique, rêvé ou réel.
De grands illustrateurs et peintres tchèques, Vojtech Preissig, Hanus Schwaiger, ou bien encore le sculpteur Ladislav Saloun ont représenté ces personnages fantastiques. Petr Stepan a expliqué au micro de RP, où ces artistes de l'ancienne génération allaient chercher leurs sujets :
« Je pense que ces artistes n'allaient pas puisser uniquement dans les contes. Comme je l'ai précisé, il ne s'agit pas d'illustrations à proprement parler. Mais ils allaient puiser dans cet aspect secret, mystérieux que l'on trouve beaucoup en Bohême, ou en tout cas en Europe centrale. D'où cela vient-il ? Du fait que c'était autrefois une région barbare, faite de forêts touffues. A côté de cela, le sud était plus rationnel. Le nord, lui, était plus mythique, il suffit de penser aux contes, germaniques notamment, où l'on retrouve cet aspect mystérieux des forêts, ou encore les régions vikings, où les trolls par exemple apparaissent toujours comme des personnages très vivants. Chez nous, on a l'équivalent avec les hastrmanns, les génies des eaux... »
Pour découvrir toutes ces représentations sous un jour nouveau, notamment lorsque la jeune génération d'artistes reprend à son compte le merveilleux des contes, rendez-vous du 15 décembre 2005 au 5 février 2006, au Musée tchèque des arts plastiques.