Des calendriers à l’effigie de nazis : bientôt une loi contre le commerce de ces produits en Tchéquie ?
Après les tasses et les T-shirts à l’effigie d’Hitler, le calendrier 2021 avec des portraits de Joseph Mengele, Adolf Eichmann, Reinhard Heydrich et d’autres criminels nazis. Spécialisée dans l’histoire militaire, la maison d’édition tchèque Naše vojsko a une fois de plus suscité un tollé à cause de la vente d’articles affichant des « personnalités du Troisième Reich ». Des députés tchèques entendent modifier la législation afin que ce type de commerce soit à interdit l’avenir.
Pour justifier ce commerce qualifié de « mauvais goût », d’« immoral » mais « pas illégal » par le ministre de l’Intérieur Jan Hamáček, le directeur de la maison d’édition ne dit d’ailleurs pas autre chose : « Ce qui nous intéresse, c’est le profit ».
Une affirmation qui met en lumière une réalité plus choquante : l’existence d’une vraie clientèle qui semble ne pas avoir de problème à débourser vingt euros pour un calendrier représentant les bourreaux de millions de personnes et dont les actes ont été condamnés au procès de Nuremberg.
L’argument commercial est en outre la défense toujours avancée par l’éditeur. En effet, comme l’a conclu la police à chaque fois qu’elle s’est saisie du problème : tirer profit de la vente de ces produits est permis s’il est impossible de prouver que le vendeur a l’intention de faire la promotion d’une idéologie haineuse. Une situation absurde selon Michal Klíma, président du Fonds pour les victimes de l’Holocauste, qui a porté plainte :
« C’est quand même paradoxal : vous faites quelque chose gratuitement et c’est illégal, mais si vous en faites commerce, alors ce n’est plus illégal ! »En République tchèque, promouvoir l’idéologie néo-nazie est un crime, faire le salut hitlérien et nier la Shoah également. Mais pas la vente de ces produits au genre très spécial.
Les ambassadeurs d’Israël et d’Allemagne s’en sont émus sur les réseaux sociaux, exprimant leur « choc » et leur « dégoût ». Après avoir rencontré mardi le représentant diplomatique de l’Etat hébreu, le ministre tchèque des Affaires étrangères Tomáš Petříček l’a informé du fait que le ministère de l’Intérieur venait de résilier le bail d’un entrepôt qu’il louait à la maison d’édition. Selon la Radio publique, la mairie de Prague avait fait de même en avril, pour celui d’une boutique située dans le quartier d’Anděl à Prague.
Le député tchèque chrétien-démocrate (KDU) Jan Bartošek a fait savoir qu’il allait soumettre au Parlement une proposition de loi visant à interdire le commerce de ces produits qui, vu d’Allemagne ou de France, où la législation en la matière est bien plus stricte, semble totalement inconcevable. Il y a quelques années, bien avant que Mein Kampf soit tombé dans le domaine public, un éditeur avait été condamné puis acquitté pour la traduction en tchèque du livre fondateur de l’idéologie nationale-socialiste.
Interrogé il y a deux ans par la Radio tchèque sur les raisons qui poussent certaines personnes à vendre et/ou à acheter ce type de produits, Tomáš Kraus, secrétaire de la Fédération des communautés juives de République tchèque, avait alors répondu :« 70 ans se sont écoulés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et les gens ne se rendent plus compte de la terrible tragédie que cela a représenté. Il y a donc une fascination pour le mal qui, parfois, peut prendre une forme commerciale. Dans ce cas, les intérêts commerciaux prennent le pas sur les valeurs éthiques et morales. Malheureusement, ce sont des choses qui arrivent. »
Et les intérêts commerciaux sont, comme souvent, de courte vue : si la maison d’édition incriminée propose entre autres des T-shirts à l’effigie du SS à la tête du Protectorat de Bohême-Moravie Reinhard Heydrich, on ne trouve par contre sur son site aucun produit arborant les portraits de Jan Kubiš et Jozef Gabčík, les deux résistants tchécoslovaques qui l’ont tué il y a exactement 78 ans.