L’œuvre de Petr Sís a inspiré un concours de dessin lancé par l’Ecole tchèque sans frontières
« La crise sanitaire que nous sommes en train de traverser nous permet d’apprécier réellement ce que nous avons, d’en profiter tous les jours et d’en être reconnaissants », estime Lucie Slavíková-Boucher, médecin et fondatrice de l’Ecole tchèque sans frontières à Paris. Dans cette émission culturelle, Lucie nous parle du concours artistique et littéraire que les écoles tchèques dans le monde ont organisé pendant la période de confinement et qui a mobilisé 200 enfants et adultes dans huit pays. Ensuite, nous irons à la rencontre de Robert Tamchyna, journaliste et directeur d’un théâtre pragois, pour en savoir plus sur la manière dont le monde du spectacle survit à l’incertitude de la crise du coronavirus.
Lucie Slavíková-Boucher est médecin-radiologue. Depuis maintenant trente ans, elle vit à Paris où elle a fondé l’Ecole tchèque sans frontières, destinée aux enfants tchèques issus de couples mixtes. Au fil des années, Lucie et ses amis ont mis en place un vaste réseau d’écoles sans frontières qui propose désormais à quelque 3 600 enfants bilingues un enseignement du tchèque dans plus de 100 villes du monde entier.
Pendant le confinement du printemps dernier, l’association l’Ecole tchèque sans frontières a lancé un concours de dessin et d’écriture, à l’intention des Tchèques de l’étranger, enfants et adultes. Les travaux de tous les participants, y compris des vainqueurs proclamés fin novembre, sont à découvrir sur le site de l’Ecole tchèque sans frontières (https://csbh.cz/novinky/vysledky-vytvarne-a-literarni-souteze-zed/). Le concours a été inspiré de l’œuvre du plasticien et illustrateur tchéco-américain Petr Sís, qui gravite auteur de la liberté, des rêves d’enfance et du désir du voyage. Lucie Slavíková-Boucher nous en dit plus :
« Le concours, qui était basé sur le livre de Petr Sís Le Mur, était inspiré d’une grande exposition de son œuvre qui a eu lieu à la fin de l’année dernière et au début de cette année à Prague à la galerie DOX. Elle a permis de montrer que son livre explique la situation de l’époque : le communisme, derrière le mur, et comment cette histoire disparait petit à petit pour les enfants qui sont maintenant à l’école primaire ou secondaire. Ce n’est plus du tout leur histoire. Progressivement, ce n’est plus du tout l’histoire de leurs parents non plus. C’est pour ces raisons que ce thème nous a intéressés. »
« Puis, le Covid est arrivé et à l’étranger nous avons senti cette oppression, de nouveau, avec la fermeture des frontières. On pouvait avoir l’impression que et que plus rien n’était possible. Nous sommes confinés chez nous au sens large du terme, nous ne pouvons plus voir librement nos parents, notre famille, les endroits qu’on aime en République tchèque. Nous nous sommes aperçu une fois de plus que la liberté n’était pas quelque chose d’automatique, gagné pour toute notre vie. Il faut toujours penser à la protéger. »
« Finalement, l’épidémie nous a poussés à réfléchir plus encore à ce qu’est la liberté et à en parler dans nos écoles. Nous avons donc lancé ce concours. C’est très plaisant de voir les manières dont a été traité le sujet dans les différentes écoles qui ont participé, ce que les enfants ont pu produire suite aux discussions. Tout a eu lieu en collaboration avec Petr Sís qui nous a beaucoup soutenus. En tant que président de la commission d’évaluation, il a vraiment apporté son regard sur la question et sur les œuvres. C’était une expérience très positive, y compris pour nous, les organisateurs. »
« Nous avons eu 200 enfants participants et quatre adultes. L’enfant le plus jeune avait quatre ans. Au total huit pays ont participé, en Europe et les Etats-Unis, cela représente quatorze endroits dans le monde. » C’était une participation relativement large. C’était positif. »
Est-ce que, malgré la difficulté de la situation, cette période de crise sanitaire vous a apporté à vous, qui partagez votre temps entre l’hôpital et l’Ecole tchèque sans frontières, d’autres expériences positives ?
« Je ne sais pas si c’est forcément positif, mais je dirais que j’essaye de trouver du positif dans la situation, donc sans doute en définitif ce sera profitable quelque part car cette limitation de nos activités habituelles et ordinaires permet de profiter un peu plus du moment présent, de structurer sa journée en dehors du travail, autour de petites activités. On prend beaucoup de plaisir à appeler ses amis, à se réunir autour d’un verre, même si chacun reste derrière son écran d’ordinateur… Pareil avec nos proches en République tchèque. On se focalise sur une séance de sport quotidienne chez soi... On prend du temps à profiter de ce qui est proche de nous et à le vivre pleinement. »
Théâtre : rien de peut remplacer le contact direct entre le spectateur et le comédien
Alors que le monde du spectacle espérait rouvrir ses salles début janvier au plus tard, le coronavirus en a décidé autrement. Au moment où les chiffres repartent à la hausse, la municipalité de Prague et les directeurs des théâtres soutenus financièrement par la mairie ont décidé de la fermeture des théâtres de la capitale au moins jusqu’au mois de février. Journaliste et directeur du café-théâtre Viola, Robert Tamchyna témoigne de la situation de la petite scène qu’il gère depuis cinq ans. Il nous la présente :
« Viola est une scène intimiste, située sur l’Avenue nationale. Son histoire est longue de plus de soixante ans. Pendant longtemps, c’était une salle, un café-théâtre destiné à la présentation de la poésie. Ce n’est qu’à partir de la moitié des années 1990 qu’on y fait du théâtre proprement dit. Comme c’est une petite scène, on y joue des pièces destinées à quatre comédiens au maximum. J’essaie d’élargir le répertoire : on présente à Viola aussi des soirées musicales et littéraires, ou carrément des concerts de musiciens de jazz, de blues ou de folk réputés, mais que j’invite à présenter ici un programme un peu différent par rapport à ce qu’ils jouent d’habitude. »
« Evidemment, on plonge dans l’incertitude : on se pose des questions sur le futur fonctionnement des théâtres. Lorsque nous allons rouvrir, les spectateurs n’auront-ils pas peur de venir ? Pour l’instant, on se débrouille comme on peut : à Viola, nous avons enregistré certaines de nos représentations qui sont à voir sur YouTube ou sur Facebook, nous avons diffusé en streaming des interviews avec les comédiens, des soirées littéraires et musicales, mais rien de tout cela ne peut remplacer le contact direct entre le comédien et le spectateur. Après tout, nous ne voulons pas que les gens apprennent à regarder une représentation théâtrale à la télévision ou à l’ordinateur. Nous voulons qu’ils reviennent au théâtre. Mais je crois bien que tant que la majorité de la population ne sera pas vaccinée contre le Covid, les théâtres ne pourront pas jouer normalement. D’ici-là, il faudra résoudre un tas de questions d’ordre économique. Car sans une aide financière, les théâtres ne pourront pas survivre. »