Un quart de députés femmes élues au Parlement : un record à relativiser
Pour la première fois, un député sur quatre élus aux élections législatives des 8 et 9 octobre est une femme. Ce chiffre constitue un record dans l’histoire du Parlement tchèque, qui n’a jamais promulgué de loi pour instaurer une parité homme-femme lors des élections. La société tchèque ne semble pas non plus encline à promouvoir l’égalité des sexes, mais c’est la mission que s’est donnée Fórum 50 %, une ONG qui soutient les femmes en politique. Sa présidente, Veronika Šprincová, nous explique pourquoi ce chiffre de 25 % est à considérer avec du recul :
« C’est la première fois qu’il y a un quart de femmes à la Chambre basse du Parlement. Mais cela signifie aussi que 75 % de la Chambre est encore constituée d’hommes. C’est un nombre record, mais dans le contexte de l’Union européenne, cela reste très bas, et j’ai bien peur que nous ayons encore un long chemin à parcourir avant d’atteindre la parité. »
Comment pouvons-nous expliquer ce record ? Est-ce que plus de femmes se sont présentées à ces élections ?
« Oui, nous avons aussi eu un nombre record de femmes se présentant aux élections. Ce chiffre dépassait les 30 %, c’était la première fois. Mais les partis pour lesquels les femmes étaient davantage présentes sur les listes sont des partis qui avaient très peu d’appuis, et qui n’ont pas été élus au Parlement. Les grands partis n’ont pas nommé beaucoup de femmes. De plus, les têtes de listes étaient souvent des hommes. Ce nombre record de femmes élues est dû au soutien direct des électeurs. Dans le système tchèque, nous avons un vote préférentiel, c’est-à-dire que vous pouvez choisir jusqu’à quatre candidats de la liste et cocher leurs noms afin qu’ils soient élus. Les électeurs ont, en partie, pu être motivés par la volonté de soutenir les femmes, mais ce qui est probablement plus important est que deux coalitions se sont présentées. La première était SPOLU avec trois partis, celle-ci n’a pas vraiment été affectée par le vote préférentiel, tandis que la seconde était une coalition entre deux partis, les Maires et Indépendants et les Pirates, pour lesquels les électeurs voulaient apparemment appuyer uniquement les Maires. Par conséquent, les femmes qui étaient au milieu de la liste (14e ou 15e) ont finalement obtenu le mandat et ont pris la place des Pirates qui avaient un meilleur rang. Ce n’est pas un changement dans la société, ni dans les partis politiques. Cela a été causé principalement par ce vote préférentiel. »
Si les femmes sont de plus en plus présentes dans la vie politique, est-ce qu’elles occupent pour autant les postes les plus importants ?
« Non. En général, les listes des plus grands partis politiques ont un pourcentage de femmes assez important dans leur base. Mais plus nous montons dans la hiérarchie des postes, moins il y a de femmes. Sans ce vote préférentiel, la place du candidat sur la liste est importante. Habituellement, les candidats en haut des listes sont les plus populaires, et il n’est pas fréquent que ceux en bas de liste les dépassent grâce au vote préférentiel, comme cela a été le cas aux dernières législatives. »
Quelle est la législation tchèque sur la parité ? Par exemple en France, depuis 2000, il doit y avoir une parité femme-homme pour les scrutins de liste.
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« La législation tchèque n’intervient pas sur ce point-là. Dans les élections, il n’y a pas de réglementation concernant l’égalité des sexes, il n’y a pas de quotas, et il revient entièrement aux partis de sélectionner leurs candidats. Il est légal d’avoir uniquement des hommes sur la liste. La République tchèque est l’un des seuls pays d’Europe où il n’y a pas de réglementation en la matière. Par conséquent, le résultat est toujours une loterie, comme le dit la sociologue tchèque Hana Havelková. A deux reprises, un projet de loi a été discuté par le gouvernement, mais il a toujours été rejeté. Il n’y a donc pas de lois qui instaurent des réclamations en faveur de l’égalité des sexes, même si je crains que ce soit la seule façon d’améliorer la situation à long terme. Mais d’un autre côté, je pense que le gouvernement n'est pas très ouvert aux questions d’égalité des sexes. C’est très controversé et je ne crois pas qu’il soit possible de présenter un projet de loi de sitôt. »
Qu'est-il possible de faire pour que ce chiffre soit encore plus élevé aux prochaines élections ?
« Les prochaines élections sont les sénatoriales et les municipales l’année prochaine. Le système de vote pour celles-ci est un peu plus compliqué et il n’est pas facile d’y trouver une solution pour supporter les femmes. Cependant, c’est le seul échelon politique où le nombre de femmes qui se présentent et sont élues est constamment en augmentation, donc nous pouvons espérer que cette tendance se maintienne l’année prochaine. Je dirais qu’au niveau local, il y a moins de barrières pour les femmes. Par exemple, il est plus facile pour elles de participer à des meetings quand ils ont lieu dans leur ville. Pour la politique nationale, les personnes venant des régions éloignées de Prague doivent venir pour une semaine entière sans voir leur famille, donc cela est plus compliqué. Le niveau local est ainsi plus accessible pour les femmes. J’espère que ces facteurs joueront encore un rôle positif. Pour essayer de soutenir les femmes candidates ou les femmes qui s’intéressent à la politique, nous menons un programme de mentorat et nous formons les femmes pour qu’elles acquièrent les capacités nécessaires pour réussir en politique locale. »
Est-ce que les partis qui vont prochainement former un gouvernement comptent appliquer des mesures pour une meilleure représentation des femmes ?
« Je n’en suis pas sûre. Les deux partis qui ont des quotas de genres sont le Parti vert et le Parti social-démocrate, mais ils ne seront pas représentés dans le prochain Parlement. Les autres partis sont plus sceptiques à l’idée d’adopter des mesures strictes en faveur de la parité. Je ne peux pas dire si un des partis au pouvoir, peut-être le Parti pirate, voudra instaurer des mesures internes et plus douces comme du mentorat, des formations ou toute autre forme de soutien dans leur parti. Mais je suis sûre qu’il ne s’agira pas de mesures strictes comme des quotas. »