9) Le Musée des costumes traditionnels d’Ostrov : une garde-robe du temps jadis
Rassemblant la plus importante collection privée de costumes traditionnels historiques sur le territoire tchèque, le Musée des costumes traditionnels d’Ostrov, en Bohême centrale, met en valeur la diversité vestimentaire régionale et le labeur des artisans d’autrefois.
Unique en République tchèque de par sa richesse et sa diversité, le Musée des costumes traditionnels du hameau d’Ostrov est installé dans un ensemble d’anciens bâtiments agricoles rénovés il y a une quinzaine d’années. Ainsi les costumes traditionnels de Bohême sont exposés dans une ancienne étable, et ceux de Moravie dans une ancienne écurie. Une façon, certainement, de rappeler les origines avant tout rurales et populaires des costumes traditionnels. Fondateur et propriétaire de ce musée qui ne manque pas de tenue(s), Jan Mičánek en détaille la collection :
« Notre exposition est organisée en fonctions des différentes régions géographiques. Elle comprend environ 260 costumes traditionnels complets présentés sur des mannequins, ainsi qu’un nombre très important de pièces d’habillement et d’accessoires. La collection de notre musée repose, pour la majeure partie, sur quatre collections privées, d’envergure et de qualité diverses. Pour le reste, il s’agit d’éléments de costumes – ou de costumes dans leur intégralité – que nous avons achetés ou qui nous ont été offerts par leurs propriétaires respectifs. Nous exposons également des pièces prêtées par 11 musées, afin de combler un manque lorsque nous ne disposions pas nous-mêmes des pièces nécessaires. »
Si le costume traditionnel est apparu sur le territoire de l’actuelle République tchèque dès le XVIIe siècle, il est surtout caractéristique de la culture populaire du XIXe siècle. C’est pourquoi la majorité des vêtements et accessoires exposés au Musée des costumes traditionnels d’Ostrov date de cette époque.
A l’origine, le costume traditionnel était un élément vestimentaire simple et pratique, destiné avant tout aux populations rurales et servant à protéger des intempéries. Il était traditionnellement fabriqué à partir de matières de production locale telle que le lin, le chanvre, la laine ou le cuir. Mais le vêtement traditionnel a ensuite évolué en différentes catégories : d’un côté, les vêtements de travail, de l’autre, les vêtements de fête (portés pour aller à l’église ou le dimanche), ou encore les vêtements de cérémonie (portés aux mariages et aux baptêmes, par exemple). Par ailleurs, certains types de costumes traditionnels ou éléments de ceux-ci étaient réservés à une catégorie d’âge ou à un statut social bien précis.
Des costumes ornés d’écailles de carpe
Les costumes traditionnels se sont développés différemment au gré des régions. Avec les chants, l’architecture, les traditions et les coutumes, la gastronomie et les dialectes, entre autres, les costumes témoignent de la diversité culturelle régionale des pays tchèques. Jan Mičánek présente quelques éléments caractérisant les costumes de Bohême-du-Sud :
« Les costumes traditionnels de la région ethnographique dite de Blata, en Bohême-du-Sud, entre Tábor et České Budějovice, méritent d’être mentionnés. C’était une région relativement riche et aux costumes spécifiques, présentant des broderies ornées de perles colorées. De cette façon, un foulard peut peser plus de 3 kg. »
« Sur les costumes typiques de la région de Blata, ou de celle de Třeboň, [où se trouvent de nombreux élevages de poissons], ce sont des écailles de poisson qui sont utilisées en guise d’ornement. Ils utilisaient des écailles de carpe, ou d’autres poissons, qu’ils nettoyaient avec du bicarbonate de soude avant de les repasser et de les découper pour leur donner une forme décorative. Nous exposons une bourse ainsi ornée d’écailles, et nous avons également un magnifique costume entièrement orné d’écailles. Il vient de la région de Bechyně. »
Des broderies au fil d’or
La région ethnographique de Haná, en Moravie centrale, présente également une spécificité vestimentaire intéressante :
« Les costumes de la région de Haná sont célèbres, et souvent qualifiés de ‘riches’, car la région de Haná était prospère. Les costumes étaient donc brodés de fil d’or. Nous avons ici des pièces exceptionnelles, comme par exemple ce que l’on appelle ‘úvodnice’. Il s’agit d’une bande de tissu qui servait lors des rituels. Le plus souvent, c’est la future belle-mère qui l’offrait à la fiancée de son fils. Cette bande de tissu servait par exemple pour la cérémonie dite ‘úvod’, qui consistait à amener un nouveau-né à l’autel. Ce rituel était lié au baptême, mais on suppose que ses origines sont païennes. Cette bande de tissu existait en Moravie, en Pologne, en Slovaquie et plus loin à l’est, mais pas en Bohême. Les femmes la portaient les jours de fête ; elles l’utilisaient également lors du baptême de tous leurs enfants. »
Avant de pouvoir être exposés, les quelques 4000 pièces d’habillement et accessoires du Musée des costumes traditionnels d’Ostrov sont passés entre les petites mains habiles d’une équipe de cinq restauratrices textile. Ils ont également fait l’objet de consultations avec des spécialistes.
Outre les costumes à proprement parler, le Musée des costumes traditionnels expose également des objets utilisés pour la transformation des matières textiles, pour le filage et le tissage. Y sont également présentées des collections d’écharpes et de dentelles, de rubans, de chapeaux, de boutons ainsi qu’une centaine de paires de chaussures. Et pour le plaisir des petits et des grands, l’exposition présente aussi quelques poupées elles-mêmes vêtues de costumes traditionnels.
Vie et mort du costume traditionnel
Les costumes traditionnels ont existé dans toute l’Europe. Leur utilisation au quotidien s’est progressivement éteinte au cours de la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle. Ce processus a connu des rythmes différents selon les régions tchèques. Ainsi c'est en Bohême occidentale, dans certaines zones du territoire habitées par les Allemands ainsi que dans le sud-est de la Moravie que le port du costume a survécu le plus longtemps. Pour récapituler les particularités régionales, mais aussi la disparition progressive des costumes en République tchèque, le Musée des costumes traditionnels se targue d’un objet sans égal :
« L’un des objets dont nous sommes les plus fiers, c’est cette carte des costumes en fonction des régions. Elle est inédite et unique ; elle a pu voir le jour après neuf mois de travail en collaboration avec des ethnographes. Nous avons défini et étudié 124 zones. Elle est complétée d’une carte indiquant la disparition des costumes. Cette ‘extinction’ est le résultat de plusieurs facteurs. C’est surtout le développement industriel qui a eu une influence sur le port des costumes. Mais ce n’est pas une règle absolue : la part de population urbaine dans les régions jouait également un rôle. Un élément décisif sur le territoire tchèque a également été l’abolition de la vassalité en 1848. Par la suite, dans la seconde moitié du XIXe siècle, les mouvements de population se sont accrus. Les villageois étaient en mesure de participer aux marchés dans les villes ; ils ont alors commencé à avoir honte de leurs costumes. »
« Les gens pensent souvent que les costumes traditionnels sont propres à la Moravie du Sud, mais il faut rappeler que toutes les régions de l’actuel territoire de la République tchèque en portaient. Cependant, en Bohême, cela fait bien plus longtemps qu’il ne s’en porte plus. »
En Moravie comme en Bohême et en Silésie, les costumes ne sont désormais plus portés qu’à l’occasion de festivals, commémorations, parades ou autres spectacles. De traditionnels, ils sont donc désormais qualifiés de folkloriques. Heureusement, le Musée des costumes traditionnels d’Ostrov est là pour rendre immortelles les traditions vestimentaires des pays tchèques et ainsi honorer la mémoire de ses petites gens.
Initiative privée, le Musée des costumes traditionnels d’Ostrov est ouvert sur demande. Avant de prendre la route, pensez donc à y passer un coup de fil – et aussi à vous assurer que c’est bien dans la direction de Kutná Hora ou Zruč nad Sázavou que vous partez. Car le petit hameau d’Ostrov, sur la commune de Zbraslavice, où se trouve ce musée, n’est que l’une des 27 localités portant ce toponyme en République tchèque. Pour plus d’informations, les coordonnées du musée sont sur notre site : https://www.muzeumkroju.cz/en