Il y a 25 ans, la Tchèque de naissance Madeleine Albright devenait secrétaire d’Etat des Etats-Unis
Elle a été la première femme à occuper ce poste. Madeleine Albright est récipiendaire de nombreuses récompenses, dont celle de l’ordre du Lion blanc tchèque ou encore la médaille présidentielle américaine de la Liberté.
Née à Smíchov, à Prague, le 15 mai 1937, Marie Jana Korbelová était surnommée « Madla » par sa grand-mère, « Madlen » par sa mère et « Madlenka » par tous les autres.
Née dans une famille d’origine juive convertie au catholicisme, elle a été élevée dans l’esprit démocratique de Tomáš Garrigue Masaryk. Peu après sa naissance, la famille a déménagé à Belgrade, où son père était alors diplomate à l’ambassade tchécoslovaque en Yougoslavie.
A l’automne 1938, au sommet de la crise entre l’Allemagne nazie et la Tchécoslovaquie, lorsque le président Edvard Beneš a décrété la mobilisation, Josef Korbel, le père de Marie Jana Korbelová voulait s’engager dans l’armée. Mais avec les accords de Munich et l’occupation allemande de la Tchécoslovaquie, la famille a opté dans la précipitation pour l’émigration.
De Belgrade, la famille est partie pour Londres, où Josef Korbel a travaillé pour le gouvernement tchécoslovaque en exil, et plus concrètement pour Jan Masaryk.
Dans cette période d’exil, la famille de Marie Jana Korbelová s’est agrandie d’une petite sœur, Kathy, et d’un petit frère, John.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Josef Korbel est rentré en Tchécoslovaquie, dans le même avion que le président Edvard Beneš et ses collaborateurs. La famille l’a suivi peu après. Pendant la Shoah, une trentaine de membres de la famille Korbel ont péri. Ce n’est que des années plus tard, alors qu’elle était secrétaire d’Etat, que Madeleine Albright s’est plongée dans son passé et a appris le destin de ses proches.
Première femme à la tête des Affaires étrangères aux Etats-Unis
Après le coup de Prague des communistes, en 1948, le père de Madeleine Albright a été condamné à mort en tant qu’ennemi d’Etat. La famille a alors choisi d’émigrer aux Etats-Unis. Madeleine a étudié dans un pensionnat en Suisse (c’est d’ailleurs là qu’elle a commencé à utiliser le prénom « Madeleine »), avant de faire, aux Etats-Unis, des études de science politique et de droit public, et de se spécialiser dans l’Europe de l’Est et les relations entre l’Est et l’Ouest.
Mariée à l’Américain Joseph Albright en 1959, elle a eu trois filles avant de divorcer.
Dans les années 1970, elle a fait partie de l’équipe électorale du Parti démocrate. En 1978, elle a été nommée au Conseil de sécurité nationale. Elle a également assisté les Démocrates dans leurs campagnes présidentielles. Lorsque Bill Clinton a remporté les élections, en 1992, il l’a nommée ambassadrice américaine aux Nations unies. En 1997, elle est devenue la première femme – et la première personne non américaine de naissance – à être nommée secrétaire d’Etat. Elle a joué un rôle important dans l’élargissement de l’OTAN aux pays de l’ancien bloc de l’Est, à savoir notamment la République tchèque. A l’époque, elle était considérée comme la femme la plus puissante au monde.
Conseillère de Václav Havel
Madeleine Albright – qui parle non seulement l’anglais et le tchèque, mais aussi le polonais, le russe et le français – rend régulièrement visite à son pays natal. Après la révolution de Velours, elle a été conseillère du président Václav Havel. En 1997, c’est de ses mains qu’elle a reçu la plus haute distinction d’Etat tchèque : le Lion blanc. En 2011, elle était présente – avec Bill Clinton – aux obsèques nationales du premier président de la République tchèque. Elle a également visité à plusieurs reprises le Mémorial de Terezín, où elle a d’ailleurs inauguré, en 2015, une plaque commémorant sa famille.
Elle est par ailleurs connue pour sa riche collection de broches, qu’elle utilisait pour indiquer son humeur et ses intentions. Ses « broches diplomatiques » font d'ailleurs l’objet d’un ouvrage intitulé « Le langage secret des broches – Histoires de mon coffret à bijoux ». Les lecteurs francophones peuvent également lire ses titres « Madame le secrétaire d'État : Mémoires » (Albin Michel, 2003) ou encore « Dieu, l’Amérique et le monde » (essai avec préface d’Hubert Védrine, éditions Salvator, 2008). Son ouvrage le plus récent, « Fascism: A Warning » (2018), n’a pas encore été traduit en français.