Prague expulse un diplomate de l’ambassade russe déjà réduite en 2021
Le ministère des Affaires étrangères a annoncé mardi qu’un employé de l’ambassade de Russie était expulsé de République tchèque. Cette décision intervient dans un contexte où plusieurs autres pays européens ont annoncé de leur côté l’expulsion de diplomates russes accusés d’espionnage, et alors que Prague a réduit l’an dernier de manière significative le nombre de diplomates russes sur son territoire suite aux révélations de l’affaire de Vrbětice.
Arme diplomatique claire et nette, l’expulsion de diplomates russes décidée mardi conjointement par plusieurs pays de l’Union européenne, dont la Tchéquie (1 personne), pourrait faire des émules : après la Belgique (21 personnes), les Pays-Bas (17 personnes) et l’Irlande (4 personnes), l’Allemagne pourrait leur emboîter le pas. Plus tôt ces dernières semaines, à la suite de l’invasion russe en Ukraine, les Etats-Unis, la Pologne, la Bulgarie et les pays baltes avaient déjà eu recours à ce levier plus que symbolique. Le ministère russe des Affaires étrangères a sans surprise annoncé que des mesures de riposte équivalentes seraient prises.
Plus qu’un symbole en effet dans le cas de la Russie, car dans ces équipes diplomatiques la plupart du temps hypertrophiées se cachent souvent des représentants de divers services de renseignement russes. En clair, des espions qui agissent sous couvert d’étiquettes diverses comme attaché culturel ou autre, ainsi que le détaille David Stulík, analyste au Centre de sécurité des valeurs européennes :
« Ce travail dans le pays où ils sont envoyés peut prendre des formes très différentes. C’est en effet souvent sous couvert d’une vraie fonction diplomatique : en tant que diplomate, vous participez à différents événements, conférences, vous rencontrez des gens, et vous créez des contacts. Les services de renseignement évaluent l’intérêt de ces contacts et au bout d’un certain temps, on peut proposer à ces contacts une collaboration comme on l’a vu récemment dans un cas en Slovaquie. Ils font votre profil psychologique, trouvent vos points faibles, même en utilisant des renseignements publics et vous recrutent. C’est une des tâches de ces agents du renseignement qui travaillent officiellement en tant que diplomates. »
Pour sa part, la Tchéquie est aguerrie en la matière : en avril 2021, quelques jours après les révélations des autorités tchèques attribuant les explosions de deux dépôts de munition à Vrbětice sept ans plus tôt à des agents de services de renseignement russes, Prague avait décidé d’expulser d’abord 18, puis 63 diplomates et employés de l’ambassade russe à Prague. Alors que les relations diplomatiques entre Prague et Moscou sont tendues depuis plusieurs années, de nombreuses voix se sont fait entendre ces derniers temps dans le pays, questionnant l’intérêt de maintenir une représentation diplomatique russe eu égard à l’engagement du gouvernement tchèque en faveur de l’Ukraine et de sa population. David Stulík :
« Il est toujours bon de maintenir quand même des relations. Même l’Ukraine continue à entretenir des relations diplomatiques avec la Russie. En 2020 déjà, avec des collègues, nous avions appelé le gouvernement tchèque à réduire drastiquement le personnel de l’ambassade russe en ne maintenant que l’ambassadeur et son chauffeur. C’est aussi tout à fait possible de réduire la voilure en n’autorisant la présence que d’un chargé d’affaires. Dans le cas présent qui nous intéresse, ce n’est plus possible car c’est justement le chargé d’affaires qui est expulsé. »
En effet, selon le quotidien Deník N et l’hebdomadaire Respekt, c’est l’adjoint direct de l’ambassadeur, Feodosij Vladichevski, qui s’est fait signifier mardi par le palais Černín son départ sous 72 heures.
« Les services de renseignement russes ont l’habitude d’envoyer leurs propres agents sous couvert de fonction diplomatique. Ils sont souvent placés très haut dans la hiérarchie parce que justement, vu de l’extérieur, il est toujours plus délicat d’expulser quelqu’un de très haut placé, comme un ambassadeur par exemple. C’était la pratique en tout cas, en tant de paix, mais aujourd’hui, nous sommes dans une situation de conflit avec l’Ukraine donc je pense que plus personne ne va prendre des pincettes vis-à-vis de ces diplomates haut placés. »
Dans la foulée de l’invasion russe en Ukraine, la République tchèque avait immédiatement annoncé qu’elle suspendait les activités des consulats généraux tchèques à Saint-Pétersbourg et à Ekaterinbourg. Elle a avait également annoncé la fermeture des consulats russes de Brno et Karlovy Vary, cette ville thermale par ailleurs très prisée des ressortissants russes. Dans le même temps, le gouvernement tchèque a décidé de ne plus délivrer de visas aux citoyens russes, puis biélorusses, sauf dans des cas humanitaires.