Dans le sillage de la guerre en Ukraine, l’alliance Tchéquie-Etats-Unis renforcée
Après la ministre de la Défense Jana Černochová (ODS) la semaine dernière, c’était au tour du chef de la diplomatie tchèque Jan Lipavský (Pirates) de se rendre à Washington cette semaine. La situation géopolitique mondiale en lien avec l’invasion russe de l’Ukraine était évidemment au cœur de cette visite officielle qui a été également l’occasion de rendre hommage à l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright, dont les funérailles se sont déroulées mercredi.
La guerre en Ukraine n’a pas seulement dessillé les yeux d’une partie du monde sur la nature du régime de Vladimir Poutine. Elle a également entraîné une clarification assez nette des positions des gouvernements. La Tchéquie en est un bon exemple : si le nouveau cabinet de coalition de Petr Fiala (ODS) aspirait à revenir à une politique étrangère inspirée par les idéaux à la fois humanistes et atlantistes de l’ancien président Václav Havel, la guerre en Ukraine lui a donné l’occasion d’en faire la preuve. D’ailleurs, c’est par une visite au Congrès américain que le ministre des Affaires étrangères Jan Lipavský a inauguré son voyage aux Etats-Unis, ne manquant pas de faire un détour devant le buste de l’ancien dissident et dramaturge tchèque.
Lors de la rencontre organisée deux jours à peine après le retour du secrétaire de d’Etat américain de Kyiv, les deux chefs de la diplomatie ont réitéré l’importance du maintien de la souveraineté de l’Ukraine et ont condamné les exactions commises par l’armée russe dans le pays. Anthony Blinken a souligné que les Etats-Unis et la République tchèque étaient de solides alliés de longue date, et des partenaires en accord sur de nombreuses questions, notant que la solidité de cette alliance se trouvait aujourd’hui confirmée au regard de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
« La République tchèque s’est distinguée par son soutien remarquable de l’Ukraine dans cet effort. Elle a accueilli plus de 300 000 réfugiés ukrainiens, ce qui en fait l’un des plus grands foyers de réfugiés en Europe. Elle a été un partenaire loyal de l’OTAN alors que nous nous efforçons de renforcer les défenses de l’OTAN contre une éventuelle agression russe. »
Le chef de la diplomatie tchèque Jan Lipavský a pour sa part souligné l’importance, pour les pays d’Europe centrale et orientale, de savoir qu’ils n’étaient pas seuls et qu’ils pouvaient compter sur le soutien de l’OTAN. Et il a constaté la convergence totale des deux pays sur la question de la résolution de la crise en Ukraine :
« La République tchèque et les Etats-Unis ont une position très forte et unie sur cette question. Il faut stopper la Russie et réduire le plus possible sa possibilité de mener la guerre. Cela signifie renforcer l’aile orientale de l’OTAN, renforcer les sanctions, et en même temps, soutenir l’Ukraine par tous les moyens à notre disposition afin qu’elle remporte cette guerre, afin qu’elle puisse résister à cet agresseur qui s’efforce de la détruire. »
A la faveur d’un entretien accordé au Washington Post, le ministre tchèque a également appelé la Chine à cesser de soutenir la Russie tout en revendiquant être neutre par rapport à la guerre en Ukraine. Pour Prague, cette position d’équilibriste vise en réalité à permettre à Pékin de tirer parti de cette crise, et il souligné la nécessité de prise de conscience côté occidental des conséquences sur l’ordre mondial que peut avoir l’alliance entre la Chine et la Russie.
Au menu des discussions tchéco-américaine également, la collaboration dans les domaines de la défense, de la sécurité énergétique et des droits de l’homme. Les Etats-Unis ont également déclaré vouloir approfondir la coopération avec la République tchèque pendant la présidence de l’UE, assurée par Prague au cours du second semestre de cette année.
Jan Lipavský a également estimé que la candidature de la Tchéquie au siège désormais vacant de la Russie au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies était une idée qui avait été accueillie favorablement par les responsables américains. L’éventuelle visite du Premier ministre tchèque Petr Fiala à la Maison Blanche, où il pourrait rencontrer Joe Biden, a également été évoquée.
Dans ce contexte, les funérailles de l’ancienne secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright, née à Prague en 1937 et décédée il y a quelques semaines, ont été un moment-phare de la visite du ministre tchèque des Affaires étrangères à Washington. Retransmis en direct à la Télévision tchèque, le service funèbre a été suivi en direct par des milliers de Tchèques, ravivant le souvenir des années post-communistes où la République tchèque a rejoint l’OTAN. A l’époque, de par ses origines tchèques, Madeleine Albright avait joué un rôle clé dans les relations bilatérales et dans l’accession de son pays natal et des autres anciens Etats satellites de l’URSS à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord. Cette appartenance de la Tchéquie à l’OTAN a pris un sens tout particulier au regard des menaces brandies actuellement par la Russie, comme le président américain Joe Biden n’a pas manqué de le souligner dans son éloge funèbre :
« Lorsque j’ai appris le décès de Madeleine, j’étais en plein vol vers l’Europe, pour rencontrer nos alliés de l’OTAN à Bruxelles afin de contribuer à maintenir l’alliance forte et unifiée en réponse à la guerre brutale et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine. Il ne m’a pas échappé que Madeleine y était pour beaucoup dans la raison pour laquelle l’OTAN est toujours forte et galvanisée, comme elle l’est aujourd’hui. »