Parc national Křivoklátsko : nouveau statut ajourné à septembre
Le ministère de l’Environnement a annoncé que le lancement du processus de déclaration du parc national Křivoklátsko serait reporté à début septembre. Il accède ainsi à la demande récente des maires des communes de la région, qui estiment suffisant l’actuel statut de territoire naturel protégé.
Il faudra encore attendre pour voir une partie du territoire naturel protégé (CHKO) Křivoklátsko obtenir le statut de parc national. En effet, la ministre de l’Environnement Anna Hubáčková (KDU-ČSL) vient d’annoncer sur Twitter qu’elle reporterait à septembre le lancement du processus de déclaration de parc national, qui devait à l’origine avoir lieu le 9 juin. Les maires des communes concernées par ce changement de statut avaient demandé ce report lors d’une réunion avec la ministre fin mai, arguant qu’avec la date de lancement initialement prévue, la période de 90 jours durant laquelle ils peuvent faire part de leurs commentaires se serait terminée seulement quelques jours avant les élections communales. Ainsi, avec le report à septembre, les nouvelles équipes municipales disposeront de plus de temps pour formuler leurs commentaires.
102 km2 de faune et de flore à protéger
Il est prévu que le parc national couvre 102 km2 de la région de Křivoklát, ce qui représente 16 % du territoire naturel protégé actuel, qui s’étend sur 618 km2. La seule commune se trouvant dans la zone du futur parc national est le village de Karlova Ves. Le changement de statut vise à mieux préserver la diversité de forêts, de falaises et de vallées qui composent les alentours du canyon de la rivière Berounka, mais aussi la richesse de sa faune et de sa flore. En mars 1977, l’UNESCO a d’ailleurs déclaré la zone réserve de biosphère mondiale, et le territoire naturel protégé (CHKO) Křivoklátsko fait également partie du système européen Natura 2000.
Parmi les dizaines d’espèces menacées présentes dans la région, on citera la cigogne noire, la salamandre tachetée ou encore le milan royal ; et pour ce qui est du royaume végétal, l’if commun et la potentille blanche. Tous vivant et poussant dans ce que le ministre délégué de l’Environnement František Pelc a identifié comme « le plus grand complexe forestier sur le territoire tchèque ». Le parc ainsi créé serait le premier parc national tchèque à ne pas être transfrontalier, ce qui est le cas des quatre parcs nationaux déjà existants (Šumava, Podyjí, Suisse tchèque, Krkonoše).
Manque d’informations et précipitation ?
En dépit des arguments environnementaux avancés par le ministère et repris par les élus régionaux de Bohême centrale, à l’échelon local, le projet est loin de faire l’unanimité. Ainsi, début juin, une trentaine de maires et représentants de communes ont adressé une lettre ouverte au Premier ministre Petr Fiala, lui demandant d’arrêter le processus de déclaration du parc national Křivoklátsko. Les maires se félicitent donc de la récente décision du ministère, a déclaré Lukáš Kocman, maire de Běleč, au nom des communes concernées par la déclaration de parc national. Les élus locaux estiment en effet manquer d’informations pertinentes et déplorent la précipitation de la démarche. On rappellera toutefois que l’idée d’un parc national dans la région de Křivoklát a été évoquée pour la première fois en 2008, avant d’être réellement lancée il y a déjà plus de 10 ans, en mars 2010… Par ailleurs, les maires estiment que la protection existante – assurée par le statut de territoire naturel protégé (CHKO) déclaré en 1978 – est suffisamment fonctionnelle, et qu’elle permet tout à fait le développement durable de la région.
Protection mieux garantie
Cependant, selon le ministère de l’Environnement, le nouveau statut de parc national vise à assurer une protection complète de cette zone naturellement riche, une protection que le statut de territoire naturel protégé ne peut garantir sur le long terme. C’est pourquoi il est nécessaire de faire de la zone la plus riche du territoire naturel protégé un parc national, comme l’a expliqué à la Radio tchèque le conseiller de la ministre de l’Environnement Ladislav Miko :
« La valeur actuelle du territoire n’est nullement garantie si la gestion du territoire concerné ne change pas. A l’inverse, le statut de parc national permettrait de protéger ces valeurs. Tout dépend de la façon dont on gère la zone, notamment en ce qui concerne la gestion des forêts dans les zones au relief accidenté. Si la gestion repose sur des principes économiques et de résultats, il est évident que la priorité principale n’est pas la préservation de la biodiversité de genres ni la qualité des forêts. Ainsi, malheureusement, le système économique actuel ne garantit rien sur le long terme. Je n’entends pas par là qu’il n’est pas possible de communiquer et de se mettre d’accord sur certains points précis avec le gestionnaire actuel, qui sont les Forêts de République tchèque ; c’est juste qu’il s’agit d’un organisme dont l’objectif final est un résultat économique. »
Les maires répliquent que les forêts à objectif commercial pourraient devenir des forêts à vocation spéciale, même dans les zones protégées actuelles, ce qui est d’ailleurs autorisé par la loi sur les forêts. Mais Ladislav Miko estime que cela n’apporte pas de garantie suffisante :
« Même si les forêts à vocation spéciale bénéficient d’un système de gestion spécifique, et qui ne devrait pas être primordialement économique, dans de nombreux cas, il s’avère que la zone est gérée d’une façon non compatible avec l’objectif de protection. Je ne dis pas que ce n’est pas possible en théorie, mais cela n’est pas toujours garanti. »
Inquiétudes fondées… ou non
La grande majorité des terres concernées par le projet de parc national appartiennent à l’Etat. Cependant, ce nouveau statut pour la zone inquiète nombre de ses résidents, qui craignent de voir leurs habitudes contrariées, notamment en ce qui concerne l’accès à leur source de chauffage principale : le bois. Les habitants craignent également que le nouveau statut de parc national n’augmente la popularité de la région, générant ainsi plus de circulation de véhicules, ainsi qu’une augmentation des déchets, ce qui serait d’ailleurs contradictoire en termes de préoccupations environnementales. En début d’année 2022, certaines communes concernées ont organisé des sondages pour connaître la position de leurs concitoyens sur le sujet : à Karlova Ves, par exemple, 103 habitants sur 137 s’étaient prononcés contre le statut de parc national.
Les débats sont donc loin d’être terminés, mais le gouvernement n’a pas l’air de vouloir lâcher pas le morceau, comme l’a expliqué à la Radio tchèque le ministre adjoint de l’Environnement Tomáš Tesař :
« Il est évident que les changements ne sont en général pas vus de façon positive. Mais il est nécessaire de prendre en compte les arguments rationnels dont nous disposons. Mais lorsqu’un maire affirme aux habitants qu’ils n’auront plus le droit d’aller en forêt, nous n’avons pas d’autre réponse que de dire que ce n’est pas vrai. En revanche, certaines inquiétudes des habitants sont pertinentes, et il est nécessaire de continuer à en parler avec eux. Lorsque le processus de déclaration de parc national sera lancé, les communes disposeront ensuite d’un délai légal de 90 jours pour envoyer leurs commentaires et leurs objections sur des points concrets. Et le ministère de l’Environnement est tenu d’y répondre. »