Programme Barrande : une coopération franco-tchèque pour la remédiation des zones humides contaminées
Un projet conjoint de l’université d’Orléans et du centre CATRIN – RCPTM, qui dépend de l’université Palacký d’Olomouc, étudie l’efficacité des nanoparticules de fer dans la remédiation des zones humides contaminées. Cette coopération s’est établie dans le cadre du programme Barrande, dont l’objectif est de développer les échanges scientifiques et technologiques d’excellence entre les laboratoires de France et de République tchèque, en favorisant les nouvelles coopérations et la participation de jeunes chercheurs et doctorants. Un programme bilatéral qui porte d’ailleurs le nom du géologue et chercheur français Joachim Barrande, qui a passé la plus grande partie de sa vie en Bohême, où ses recherches paléontologiques l’ont rendu célèbre au point qu’un quartier de Prague (Barrandov) porte son nom.
Au micro de Radio Prague International, le chercheur postdoctoral à l’université d’Orléans Gildas Ratié détaille les propriétés des nanoparticules de fer et définit le terme ‘zone humide’. Mais tout d’abord, il explique que ce projet conjoint de l’université d’Orléans et de l’institut CATRIN est né après trois années passées à travailler à l’Université agricole tchèque (ČZU), et il précise comment le projet Barrande est géré dans les deux pays.
« Côté français, le projet Barrande est géré par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ainsi que par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ; côté tchèque, par le ministère de l’Education, de la Jeunesse et des Sports. Ensuite, les collaborations sont réalisées en fonction de nos relations. Pour ma part, j’ai travaillé pendant trois ans à l’université de Prague avec Veronika Veselská. Depuis un an et demi, elle travaille au centre de recherche CATRIN ; pour ma part, je suis rentré en France, à l’université d’Orléans. Nous avons donc monté ce projet sur une thématique commune. »
En quoi consiste ce projet ?
« Ce projet s’intéresse particulièrement à l’étude de nanoparticules de fer utilisées pour la stabilisation et la remédiation de sites contaminés par des contaminants de type métallique ou organique. Nous nous intéressons à la propriété de ces nanoparticules de fer, que l’on peut injecter dans l’environnement pour voir l’impact de la matière organique naturelle sur l’efficacité de ces nanoparticules pour la remédiation de ces contaminants. »
« Pourquoi les nanoparticules de fer sont vraiment utiles ? Parce que plus les particules sont petites, plus la surface de réactivité sur les contaminants est importante, et donc plus c’est efficace. Placer ces nanoparticules de fer dans un endroit présentant beaucoup de matière organique a un désavantage : la matière organique s’agglomère autour de ces nanoparticules, favorisant même l’agrégation entre ces nanoparticules, et diminuant son efficacité. Il est donc important de comprendre le rôle de la matière organique colloïdale particulaire sur ces nanoparticules. »
Quels types de sites contaminés sont concernés ?
« Dans un cadre général, ce genre d’étude peut être appliqué à différents sites, principalement des anciens sites miniers ou industriels. Nous, nous nous intéressons principalement aux zones humides, que l’on considère comme des zones extrêmement fragiles par l’alternance de leur niveau d’eau. Elles créent donc des conditions physico-chimiques particulières dans lesquelles ces nanoparticules de fer vont se comporter différemment en fonction des épisodes climatiques. »
Qu’entendez-vous par ‘zones humides’ ?
« Le terme ‘zone humide’ est général ; il regroupe un nombre important de zones géographiques. Il peut donc s’agir de marais, de mangroves, de bassins versants soumis à des variations d’eau créant des inondations aux alentours des berges, etc. C’est donc un terme très large. »
Comment se déroule la coopération entre l’université d’Orléans et le CATRIN, concrètement ?
« Le projet a commencé en janvier 2022 et nous avons déjà des applications sur le terrain : Veronika Veselská et Jan Filip [de l’institut CATRIN] sont déjà venus à l’université d’Orléans pour une semaine. Nous avons procédé à des applications sur le terrain, sur des sites aux alentours d’Orléans et que nous suivons depuis plusieurs années, des sites contaminés et non contaminés, afin de voir la différence entre les interactions de cette matière organique dans différentes conditions. Nous avons également lancé des expérimentations en laboratoire, avec des conditions contrôlées et des contaminants connus. Nous pouvons ainsi reproduire et alterner les conditions oxydantes et réductrices, et procéder à l’analyse du solide et de la solution. Alors que sur le terrain, nous avons dû réfléchir à des protocoles pour appliquer des nanoparticules puis les récupérer au bout d’un mois. Toute cette partie du projet sur le terrain et en laboratoire se fait à Orléans. »
« En revanche, pour la partie ‘caractérisation des nanoparticules’, c’est du ressort du centre de recherche CATRIN, qui est spécialiste dans la caractérisation solide de ces nanoparticules que ce soit en taille, pour leur produit de transformation ou pour leur analyse élémentaire et microscopique. De notre côté, à Orléans, nous nous focalisons sur la caractérisation de la matière organique qui vient se fixer sur ces nanoparticules. »
Des expériences sur le terrain sont-elles prévues en République tchèque ?
« C’est une discussion en cours. Lors de la première visite [du CATRIN à Orléans], nous avons mis en place des études de terrain en utilisant des dispositifs déjà connus, à savoir des pièges à sédiments protégés dans les rivières ou les zones humides. Nous avons pu mettre nos sachets de nanoparticules et les récupérer un mois après. Il s’agissait de manipulations test ; actuellement, nous avons entamé des discussions pour obtenir des sites d’étude en République tchèque pour pouvoir y mener la même expérimentation et compléter les résultats obtenus [à Orléans]. »
Combien de temps durera la collaboration entre le CATRIN et l’université d’Orléans ?
« Le projet Barrande est un projet d’une durée de deux ans, mais il constitue souvent le point de départ d’une collaboration plus large avec des projets européens à financements plus importants. Sachant que le projet Barrande 2022 est un projet de financement de mobilité, c’est-à-dire qu’il vise à faciliter les échanges entre des étudiants en thèse, des jeunes chercheurs ou des post-doctorants, et à initier les collaborations pour participer à des appels à projets plus importants. »
Pensez-vous déjà à des universités en Europe ou ailleurs dans le monde et qui pourraient rejoindre ce projet à l’avenir ?
« Nous travaillons déjà avec l’université espagnole d’Oviedo, dont un représentant, Diego Baragaño, était présent lors des expérimentations de terrain à Orléans. Cette université travaille beaucoup sur la remédiation des sites contaminés, mais dans un contexte minier. Nous envisageons à l’avenir un consortium rassemblant nos trois universités pour participer à des appels à projets tels que Marie Curie ou le projet européen Staff Exchanges, pour participer à des projets plus importants et avec plus de financements et de collaboration. »
Qu’est-ce que les découvertes et nouvelles connaissances apportées par votre projet vont pouvoir amener dans notre vie de tous les jours ?
« Les nanoparticules de fer constituent vraiment un moyen simple d’immobiliser les contaminants sur des sites contaminés. Notre étude montre l’interaction avec les particules déjà existantes dans la fraction particulaire colloïdale sur l’efficacité de ces nanoparticules. Ainsi, en montrant les interactions de la matière organique naturelle dans des zones humides sur l’efficacité des nanoparticules de fer, nous allons pouvoir développer des moyens de remédiation dans des sites spécifiques qui répondent à des conditions alternantes de conditions oxydantes et réductrices, à savoir les zones humides. Notre étude est vraiment axée sur les zones humides, et vise à savoir si l’on peut y utiliser ce type d’approche pour la remédiation. »