Tunisie : « les touristes tchèques sont de plus en plus exigeants »
Dagmar Pecháčková est installée depuis une quinzaine d’années sur l’île tunisienne de Djerba, où elle élève ses trois enfants avec son mari tunisien. Employée par une agence tchèque, elle travaille dans le tourisme depuis son arrivée la première fois en 2005 en Tunisie, un pays qu’elle a vu passer de la dictature à la démocratie après la révolution de Jasmin, il y a 11 ans.
Depuis quand et pourquoi êtes-vous installée à Djerba ?
« Depuis 2007 et cela s’est fait par hasard, avec mon travail. En 2005/2006 je travaillais au nord du pays, entre Hammamet, Sousse et Mahdia. Puis dans mon agence de voyages quelqu’un est tombé malade ici et on m’a envoyée à Djerba en urgence. Depuis j’y suis restée… »
Vous parliez français avant d’arriver ici ?
« Oui, j’ai appris le français dans mon lycée à Jaroměř en Tchéquie puis à l’université à Prague. »
Que voit-on d’où nous sommes ?
« Une plage… et on ne dirait pas qu’on est seulement à 2h30 de vol de Prague. On pourrait même penser qu’on est aux Caraïbes ! L’été presque toute l’année ici, même si c’est vrai que la mer est un peu froide entre décembre et février… »
Les touristes tchèques ne viennent pas toute l’année, les charters s’arrêtent en novembre, un mois qui a été particulièrement chaud cette année. Comment est la vie ici à Djerba en tant qu’étrangère, une fois vos clients partis ?
« Ce n’est pas toujours facile. Je ne parle pas l’arabe alors je ne peux pas aider mes enfants avec les devoirs par exemple. Les enfants, qui connaissent la vie en Tchéquie, comparent souvent. Quand ils n’étaient pas encore scolarisés, on passait les hivers en Tchéquie, maintenant on doit rester ici pour l’école. Pour eux, c’est mieux là-bas parce que c’est en Tchéquie qu’ils passent leurs vacances ! »
Le tourisme n’est pas un métier facile, est-ce que la clientèle tchèque a beaucoup changé en une quinzaine d’années ?
« Oui, ils ont plus d’expérience de voyages et peuvent comparer les destinations, donc ils deviennent beaucoup plus exigeants. Après la révolution, les Tchèques commençaient tout juste à voyager et étaient contents avec tout parce que tout était nouveau pour eux – maintenant cela a beaucoup changé ! »
Révolution de Jasmin : « la déception absolue »
Vous parliez de la révolution de Velours à Prague en 1989. Ici en Tunisie il y a eu en 2011 la révolution de Jasmin. Où étiez-vous ?
« C’était en hiver et on le passait en Tchéquie donc on a tout suivi à la télévision. Au retour, on a vu que les gens avaient beaucoup d’attentes, il y avait beaucoup d’optimisme, mais cela n’a pas duré longtemps… »
Onze ans après, est-ce la déception qui domine dans votre entourage ?
« La déception absolue. Je pense que la majorité de la population pense que la vie était plus facile avant la révolution. Le niveau de chômage et l’inflation sont vraiment élevés ici et les gens ne sont pas contents. »
Est-ce que la vie quotidienne est compliquée pour vous aussi avec trois enfants à Djerba ?
« Oui, parfois, parce qu’il y a des pénuries de certains produits, comme le lait, la farine, le riz... Et cela a commencé même avant la guerre en Ukraine. Par exemple ces dernières semaines on ne trouve pas de beurre. Il y a toujours quelque chose qui manque. Bon, ce sont des choses sans lesquelles on peut vivre mais la vie a changé. »
Prochain charter en avril
Le Sommet de la Francophonie a été organisé en ce mois de novembre à Djerba. L’île a-t-elle beaucoup changé pendant les semaines et les mois qui ont précédé cette échéance ?
« Oui, beaucoup. Vraiment, chapeau, ils ont beaucoup travaillé. L’île a été nettoyée, plein de fleurs ont été plantées, on espère tous que ça va rester comme ça ! »
Les charters qui viennent de Prague s’arrêtent donc en novembre ; quand arriveront les premiers l’année prochaine ?
« Début avril. Je crois que le premier charter est prévu le 8 avril. En attendant, je prends des vacances, parce que pendant la haute saison on travaille 7j/7, alors maintenant mes vacances commencent ! »