Protection du climat : malgré ses engagements, la Tchéquie peut mieux faire
Alors que la Semaine européenne du développement durable a débuté lundi et que se tient, à New York, le Sommet des objectifs de développement durable de l’Assemblée générale des Nations unies, dans quelle mesure la Tchéquie respecte-t-elle ses différents engagements en matière de protection du climat ? Pour ce qui est de l’Accord de Paris, et notamment la difficile décarbonation de son bilan énergétique, la Tchéquie s’efforce, avec plus ou moins de bonne volonté, de remplir les objectifs fixés.
En théorie, si tous les Tchèques arrêtaient de rouler en voiture et de manger de la viande, les émissions annuelles de gaz à effet de serre en Tchéquie diminueraient d’environ un dixième. Mais si réduire sa consommation et faire évoluer certains comportements est une nécessité à l'échelle individuelle, le rôle de l’État pour mener une transition la plus rapide possible vers une énergie, un chauffage et des transports durables est bien évidemment prépondérant.
Pour la Tchéquie, les engagements en matière de protection du climat découlent principalement de l’Accord de Paris, un traité dans lequel 195 pays signataires ont convenu de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour maintenir l’augmentation de la température moyenne de la planète causée par l’activité humaine à un niveau inférieur à 2 °C, de préférence même de la limiter à 1,5 °C. Et si le ministre de l’Environnement, Petr Hladík, assure que « jusqu'à présent, nous respectons les objectifs de l’Accord de Paris », la réalité est toutefois un peu plus complexe.
S’il est impossible de déterminer précisément dans quelle mesure chaque pays contribue à la réussite de l’Accord de Paris, ce qui est acquis, en revanche, selon le dernier rapport de l’ONU, c’est que le monde en général, depuis l’entrée en vigueur du traité en 2016, est déjà très en retard sur les objectifs établis. Et que la Tchéquie ne fait pas spécialement figure d’exception, et ce même si le ministre de l’Environnement se veut rassurant pour ce qui est de la transition énergétique à moyen terme :
« Nous respectons actuellement nos engagements, y compris l’Accord de Paris. Cependant, pour atteindre ce que nous devons pour 2030, nous devons en faire davantage sur le plan des rénovations, de la réduction de la consommation d’énergie et pour parvenir à une part plus importante d’énergie renouvelable. »
« Le gouvernement a donné un coup de fouet à son développement, en particulier du photovoltaïque. Je pense que nous sommes sur la bonne voie, mais nous devons aller plus loin, qu’il s'agisse de l'éolien ou, par exemple, des pompes à chaleur industrielles, qui peuvent remplacer certaines sources fossiles. »
Actuellement, la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique tchèque est légèrement supérieure à 15 % (contre environ 35 %, par exemple, pour le nucléaire). En la matière, à l’échelle de l’Union européenne, où seule la Pologne est plus dépendante qu’elle du charbon, la Tchéquie figure parmi les cinq derniers de la classe.
Pour décarboner un système énergétique hérité de l’époque soviétique, où les centrales à charbon produisent encore l’essentiel de l’électricité, et ainsi remplir l’ojectif « ambitieux mais réaliste » selon le ministre de 30 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030, bien du travail reste donc encore à accomplir.
Par ailleurs, la Tchéquie ne s’est pas encore engagée officiellement à atteindre la neutralité carbone, seulement indirectement en tant que membre de l’UE, et les émissions de gaz à effet de serre dans le pays n’ont commencé à diminuer qu'en 2019, selon les données de l’Institut hydrométéorologique tchèque.
Une étude des engagements tchèques a été récemment publiée par « Fakta o klimatu » (littéralement « Faits sur le climat »), une organisation indépendante qui regroupe différents experts. Selon celle-ci, la Tchéquie n’en fait pas suffisamment pour atteindre les objectifs, comme l'explique Ondráš Přibyla, directeur du projet « Fakta o klimatu » :
« La Tchéquie apparaît comme un pays relativement riche qui doit beaucoup à l'exploitation des combustibles fossiles. Cela signifie que son impact sur le réchauffement climatique, si nous le calculons par personne, est relativement élevé. Nous sommes un pays qui peut se permettre de décarboner rapidement, de faire évoluer les technologies de sa production d’électricité et de chaleur, et de transformer son industrie. Mais nous ne le faisons pas et nos dirigeants politiques préfèrent ne pas en parler. Si nous considérons l'Accord de Paris comme un engagement, alors je dirais que la Tchéquie se contente de suivre le courant, mais qu'elle n'en fait pas davantage. »
C’est dans ce contexte que le président tchèque s’est envolé pour New York, où il faisait partie des dizaines de dirigeants qui se sont retrouvés à l’ONU, lundi, pour le sommet sur le développement qui doit permettre de relancer les promesses déçues d’améliorer le sort de l’humanité. Même si le sommet risque d’être éclipsé par la présence du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, dans un contexte géopolitique particulièrement tendu, cette semaine de haut niveau de l’Assemblée générale doit permettre de discuter des dix-sept Objectifs de développement durable adoptés par les États membres il y a huit ans.
« Nous nous engageons à contribuer à hauteur de quatre millions de dollars au Fonds vert pour le climat pour la période 2004-2027. »
Outre la promesse de renouveler l’engagement financier tchèque pour soutenir la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, Petr Pavel a également prononcé un discours long de cinq minutes au nom d’un groupe de 46 pays, parmi lesquels figurent notamment les États-Unis, l’Espagne, l’Allemagne et le Brésil.
Une allocution au cours de laquelle le chef de l’État tchèque a reconnu que le chemin vers la réalisation des Objectifs de développement durable définis dans le cadre de ce qui est appelé l’Agenda 2030 était « semée de multiples embûches », et ce plus encore depuis l’agression russe de l’Ukraine.
« Cette guerre provoque non seulement d’immenses souffrances humaines, mais aussi une crise alimentaire et énergétique de grande ampleur », a-t-il ainsi d’abord constaté, avant de souligner que « pour atteindre notre objectif commun d’ici à 2030, nous devons d’urgence mettre en évidence le lien entre la paix, la sécurité, le développement, le climat, l’environnement et les droits de l’homme, et mettre davantage l’accent sur la paix, la justice et des institutions fortes ».
Reste que quels que soient les mots, et alors que, face à l’urgence, le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a appelé les pays de l’OCDE, avant le sommet, à abandonnder pour de bon les énergies fossiles, le gouvernement tchèque, qui en mars dernier a accepté de prolonger l’exploitation de la mine de Bílina à Teplice (Bohême du Nord) jusqu’en 2035, continue d’envisager l’horizon 2033 pour créer les conditions nécessaires à une sortie définitive du charbon. Le ministre de l’Environnement n’en démord cependant pas : comme l’ensemble de l’UE qui en a pris l’engagement, la Tchéquie, elle aussi, se dirige vers la neutralité carbone en 2050.