Presse : se comporter comme un prédateur sexuel n’est plus accepté en Tchéquie
Cette nouvelle revue de presse se penche d’abord sur une affaire très médatisée de violences sexuelles dans laquelle un très jeune et pourtant déjà ancien député tchèque a récemment été condamné à trois ans de prison. Autres thèmes au sommaire : une vidéo virale mettant en scène le Premier ministre Petr Fiala en train de faire ses courses alimentaires en Allemagne, l’absence totale de lauréats tchèques des prix Nobel ou encore la prochaine vente aux enchères de deux tableaux et d’un manteau de l’ancien président Václav Havel.
L’affaire mettant en cause l’ancien député du parti conservateur TOP 09 Dominik Feri, condamné la semaine dernière en première instance à trois ans de prison ferme après avoir été reconnu coupable de deux viols et d’une tentative de viol, a largement résonné dans la société tchèque, comme le constate le quotidien Deník N :
« Les réactions dans l’espace public aux faits révelés il y a deux ans et demi suite à une vaste enquête menée par deux médias, ont confirmé la méfiance qu’entretient la société tchèque à l’égard des victimes de violences sexuelles. Nombreux sont ceux qui ont défendu l’accusé, un jeune politicien très populaire, estimant qu’il était la victime de témoignages inventés de toutes pièces, d’un lynchage médiatique ou encore d’une attaque motivée par des raisons politiques. De même, une grande place a été réservée aux déclarations de Dominik Feri lui-même et de ses défenseurs qui ont publiquement mis en doute la crédibilité et les motivations des femmes qui ont témoigné contre lui. Il a ainsi fallu attendre ces derniers jours pour que les témoignages d’experts et les déclarations de victimes soient davantage cités ».
Comme le note encore le journal, le verdict rendu dans cette affaire par le tribunal de Prague démontre que lorsque les victimes de violences sexuelles s’appuient sur le droit pénal, ce qu’elles ont vécu n’est ni négligée ni minimisée. « Le fait que l’accusé soit une personnalité publique et un homme politique autrefois populaire d’un parti aujourd’hui au pouvoir n’a pas d’importance », souligne encore Deník N, avant de faire la conclusion suivante :
« Il s’agit là d’un signal important, non seulement pour les femmes qui ont témoigné publiquement de leur expérience dans l’affaire Dominik Feri. Le plus marquant est qu’elle a permis de modifier notre perception de la violence sexuelle, contribué à transformer notre vision des victimes et renforcé notre confiance dans leurs témoignages. Elle a contribué à créer un environnement dans lequel il est désormais possible de parler de violence et de harcèlement sexuels. Des maux dont une femme sur deux a fait l’expérience en Tchéquie. »
Vidéo virale : quand le Premier ministre tchèque s’en va faire ses courses alimentaires en Allemagne
« Le Premier ministre Petr Fiala n’est pas fait pour les réseaux sociaux. » C’est le jugement sans appel fait par un chroniqueur du site Aktualne.cz suite à la mise en ligne d’une vidéo produite dans le cadre de la série intitulée « Questions et réponses de la villa Kramář » (siège du gouvernement) qui montre Petr Fiala s’apprêtant à faire des courses alimentaires dans un supermarché allemand. Une initiative vivement critiquée par l’auteur :
« Le chef de gouvernement semble découvrir l’Amérique en constatant ce que tout le monde sait depuis belle lurette, à savoir que l’alimentaire est plus cher en Tchéquie qu’en Allemagne. »
Aktualne.cz souligne que le but poursuivi par cette vidéo marketing était évident, à savoir faire remonter dans les sondages la principale formation de la coalition gouvernementale, le parti conservateur ODS, et avec elle l’ensemble d’un cabinet dont les préférences sont au plus bas moins de deux ans après sa nomination :
« Mais au lieu d’annoncer que le gouvernement allait faire pression sur les grands groupes agroalimentaires et les producteurs responsables des prix élevés en Tchéquie, la vidéo se termine sur le constat que le pouvoir d’action du gouvernement est très limité. Ce que Petr Fiala aurait également pu rappeler, c’est que l’ancien Premier ministre et chef du mouvement ANO Andrej Babiš, qui contrôle le géant agroalimentaire Agrofert, possède la cinquième plus grande fortune du pays avec plus de 170 milliards de couronnes, alors qu’elle n’était encore ‘que’ de 108 milliards l’année dernière. De même, Daniel Křetínský, co-propriétaire du groupe énergétique EPH, est la deuxième fortune du pays avec 210 milliards de couronnes, soit près de 100 milliards de plus en l’espace d’un an. »
« Cette vidéo embarrassante, maladroite et avisée ne rapportera pas de nouveaux électeurs à Petr Fiala », estime le chroniqueur d’Aktualne.cz :
« Elle en dit beaucoup plus sur la faiblesse du Premier ministre que sur sa force, sa détermination et sa capacité à aider et sur le fait qu’il est coupé de la réalité en découvrant des choses notoirement connues. Cette vidéo confirme aussi que son équipe ne sait pas quoi faire pour stopper la chute de sa popularité. Et encore moins comment s’y prendre pour faire baisser les prix des produits alimentaires et de l’énergie. »
À quand donc un prix Nobel tchèque ?
« Où sont les lauréats tchèques des prix Nobel ? », se demande le journal Hospodářské noviny dans un commentaire dans lequl on peut lire :
« Le chimiste Jaroslav Heyrovský et le poète Jaroslave Seifert restent à ce jour les seuls lauréats tchèques, sans compter quatre autres lauréats germanophones nés sur le territoire de la Bohême, de la Moravie et de la Silésie. Depuis 1945, pour faire simple si on compare avec d’autres pays, la Hongrie a gagné onze prix Nobel, la Pologne onze et l’Autriche quatorze. Depuis 1989, il n’y a eu aucun lauréat chez nous, pas plus en Slovaquie, alors que la Hongrie en a eu six, la Pologne cinq et l’Autriche sept. Nous nous situons à peu près au même niveau que d’autres pays géographiquement plus éloignés comme le Portugal ou la Grèce. »
Certes, tous les prix Nobel ne sont pas comparables, comme le souligne le chroniqueur du quotidien économique, parce que des motifs politiques et autres entrent en ligne de compte surtout quand il s’agit de la paix et de la littérature. Ceci dit, il est, selon lui, regrettable que de nombreuses institutions économiques tchèques de premier plan soient incapables de faire émerger des candidats potentiels ou que les économistes tchèques ne soient pas en mesure de s’établir suffisamment dans les grandes universités étrangères :
« Ce constat illustre assez bien quelques-uns des défauts de l’économie tchèque actuelle, en particulier ceux qui sont apparus ces dernières années et font aujourd’hui l’objet d’un large débat public. Le problème est que notre structure économique, l’orientation de la recherche, l’enseignement supérieur ne sont pas organisés de manière appropriée. Et ce bien qu’il existe des domaines très innovants, le taux d’acceptation des nouvelles technologies dans notre pays étant généralement élevé. »
Pas la peine, donc, de se bercer d’illusions pour les prochaines années non plus, toujours selon l’auteur. « Ne nous attendons pas à un prix Nobel dans un proche avenir, même pas, hélas, à celui de la paix », conclut-il.
Deux tableaux et un manteau de Václav Havel vendus aux enchères
Le nom de Václav Havel est très peu lié aux beaux-arts. D’après le quotidien Lidové noviny, deux tableaux de l’ancien président tchèque et dramaturge, qui seront vendus aux enchères fin novembre, pourraient pourtant être cédés contre plusieurs millions de couronnes. L’objectif est de financer la rénovation du palais Lucerna dans le centre de Prague, construit il y a près d’un siècle par le grand-père Havel. L’auteur précise à ce propos :
« Il s’agit de deux tableaux que Václav Havel a peints dans les années 1950. Celui qui s’intitule ‘Autoportrait de Vincent van Gogh’, huile sur toile, est une variation libre de l’un des célèbres autoportraits du peintre. La deuxième œuvre proposée, le tableau expressif ‘Paysage ensoleillé’, est également une peinture à l’huile. Par la même occasion, le manteau que l’ancien dissident tchécoslovaque avait l’habitude de porter lors des événements qui ont mené à la chute du régime communiste en novembre 1989 sera lui aussi mis aux enchères. La mise à prix de ce manteau vert foncé, qui a été immortalisé à de nombreuses reprises par les photographes, a été établiée à 200 000 couronnes, mais selon les estimations, son prix de vente pourrait grimper jusqu’à quatre millions. »
Comme le rappelle aussi le chroniquer de Lidové noviny, le palais multifonctionnel Lucerna, premier bâtiment en béton armé à Prague doté d’une arcade couverte et vitrée, est devenu, peu après sa construction, le centre de la vie culturelle et sociale de Prague. « Après le coup d’État communiste de 1948, il a été nationalisé avant d’être restitué aux frères Václav et Ivan Havel après la révolution pour finalement devenir la propriété de l’épouse de ce dernier. En 2017, le palais Lucerna a été déclaré monument culturel », ajoute-t-il encore.