Les Tchèques accros aux jeux de grattage : quels sont les risques ?
Disponibles partout - dans des points de vente, dans les bureaux de poste ou stations-services - mais également en ligne, les tickets à gratter sont le jeu de hasard le plus répandu et le mieux accepté socialement en Tchéquie. Telle est la principale conclusion d’une étude menée à ce sujet par les chercheurs de l’Université Palacký d’Olomouc. Selon eux, les jeux de grattage peuvent toutefois induire un comportement à risque.
À en croire les chiffres, les jeux de hasard séduisent de plus en plus de Tchèques : d’après le rapport annuel publié ce mardi par le gouvernement, les Tchèques ont misé 873,5 milliards de couronnes en 2023, soit 114 milliards de plus que l’année précédente, dans les salles de jeu, les bureaux de paris ou encore sur Internet. Une somme qui a doublé depuis 2020. Celle du volume de l’argent perdu s’accroît également : 59 milliards de couronnes l’année dernière, soit 5,4 milliards de plus par rapport à 2022.
Si l’État mène toutefois, depuis une dizaine d’années, une politique de régulation des jeux de hasard qui a fait notamment disparaître les machines à sous automatiques des villes tchèques, les tickets à gratter et autres jeux de loterie échappent à la réglementation, si ce n’est celle d’âge : ils ne peuvent pas être vendus aux mineurs.
Et les Tchèques, les femmes notamment, y sont de plus en plus accros : selon les données de l’administration financière, les Tchèques ont dépensé presque 5 milliards de couronnes en jeux à gratter au cours du premier semestre de 2024, soit dix fois de plus que sur l’ensemble de l’année 2012. Dans un bureau de tabac de Brno, une femme nous décrit son système de jeu :
« Lorsque je pars en excursion, j’achète au moins deux tickets à gratter. J’en achète environ 130 chaque année, ce qui me fait à peu près 40 000 couronnes. Avec ça, j’achète des cadeaux de Noël pour mes quinze petits-enfants ».
La vendeuse de ce même magasin a toutefois observé que la plupart de ces clients avaient un autre comportement :
« Souvent, les gens qui viennent acheter les tickets dépensent ainsi tout leur salaire. Quand ils gagnent, ils achètent encore et ainsi de suite. Ils espèrent gagner toujours plus. »
Selon l’un des auteurs de l’étude, David Fiedor de la Faculté de géographie de l’Université Palacký, même si les jeux à gratter peuvent entraîner un comportement problématique, les Tchèques sous-estiment largement leur danger :
« 61 % des personnes que nous avons interrogées les désignent comme un jeu à faible risque. Les jeux à gratter sont généralement perçus comme un divertissement acceptable. Par ailleurs, notre étude a révélé un paradoxe : les gens qui achètent ces tickets sont, en même temps, souvent partisans de la régulation des jeux de hasard. »
Les chercheurs estiment que cette acceptabilité sociale des jeux à gratter influence les mineurs : 84 % des personnes interrogées ont offert un ticket en cadeau à leurs proches, parmi lesquels les enfants et les adolescents. On écoute la psychologue Eva Aigelová :
« Pour les enfants, ce genre de jeu devient alors normal. En plus, les tickets à gratter sont faits pour plaire : ils sont en couleurs, brillants, avec différents slogans et images. On fabrique même des tickets parfumés. »
David Fiedor décrit une autre stratégie des fabricants :
« Par exemple, après avoir gratté, on obtient quatre chiffres qui doivent être identiques pour gagner. Si on a seulement trois chiffres identiques, on se dit que l’on est très proche de gagner et on a envie de retenter sa chance tout de suite avec un autre billet. »
Un autre risque tient au fait que les billets à gratter peuvent être joués en quelques secondes. Cet aspect est encore plus marquant lors de jeux de grattage pratiqués en ligne, également de plus en plus populaires en Tchéquie. Les spécialistes sont unanimes : des mesures devraient être prises pour limiter l’accès à ce type de jeux de loterie, ainsi que la publicité qui en fait la promotion.
