Nous sommes un pays d’Europe : les sénateurs tchèques approuvent le Traité de Lisbonne
„C’est une grande journée pour la République tchèque“. C’est par ces paroles que Alexander Vondra, vice-ministre sortant chargé des Affaires européennes, a réagi à l’approbation du Traité de Lisbonne par la Chambre haute du Parlement… Le reflet dans les média tchèques de cette démarche, très suivie dans le pays et sur la scène européenne, est le thème de cette émission.
« Nous souhaitons que notre pays soit plus intégré dans les activités de l’Union européenne. D’un autre côté, nous éprouvons une très forte crainte de voir notre pays repoussé à la périphérie. Il faut que notre pays soit digne de confiance. Nous avons sapé cette confiance en faisant tomber le cabinet au milieu de la présidence tchèque. En rejetant le Traité de Lisbonne, notre confiance serait ébranlée encore davantage ».
Le risque de perte de confiance aux yeux des partenaires européens et de glissement du pays vers un certain isolement a été d’ailleurs souvent mis en relief, aussi, dans les interventions des représentants politiques, lors du débat, plus correct que jamais, qui s’est déroulé mercredi sur le sol du Sénat. « Notre encrage euroatlantique serait menacé. On perdrait nos alliés. Les pays comme la Pologne, le Danemark, les Pays-Bas, la Suède, la Grande-Bretagne qui partagent notre vision d’une Union plus libérale, auraient du mal à comprendre notre « non ». C’est ce qu’a souligné dans son intervention d’ouverture le Premier ministre Mirek Topolánek.
Alexander Vondra, considéré comme l’architecte principal de l’adoption du Traité au Sénat estime que le « oui » pourra augmenter le prestige de la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne que presque personne, d’après ses propres paroles, « ne prend plus au sérieux ».Les journaux rappellent, et ils l’ont fait déjà avant l’adoption du Traité de Lisbonne, que c’est le président Václav Klaus qui aura le dernier mot et que compte tenu de ses positions eurosceptiques et anti-Lisbonne, l’enjeu ne sera pas facile. La Constitution stipule effectivement que pour la ratification des documents internationaux, la signature du président de la République est nécessaire.
Dans sa courte intervention, prononcée une heure après l’annonce du résultat du vote et qui est retranscrite dans son intégralité par l’ensemble des journaux de ce jeudi, le président a confirmé cette réputation en exprimant sa profonde déception. Il a dit entre autres, nous citons :
« Nous avons tourné le dos aux intérêts de longue haleine de la République tchèque, privilégiant ceux à courte haleine des représentants politiques d’aujourd’hui. C’est un témoignage particulièrement triste de l’échec d’une importante partie de nos élites politiques, dont nous avons déjà été les témoins lors des moments cruciaux de notre histoire nationale. Nos politiciens avaient toujours tendance à trouver des justifications lâches… Avons-nous voulu retrouver après novembre 1989 notre souveraineté, ou bien s’agissait-il d’une erreur tragique ? ».
Václav Klaus conclut en disant que le Traité de Lisbonne est mort, l’idée qu’il avait déjà formulée plusieurs fois dans le passé. Accéder à sa ratification n’est donc pas pour lui à l’ordre du jour
Cette intervention a provoqué de nombreuses réactions dans la presse de ce jeudi. Nous avons retenu celle du politologue et journaliste, Jiří Pehe, qui écrit :
« Il est déplacé de sortir l’argument selon lequel les élites politiques tchèques auraient échoué. Tout ce que les législateurs ont fait, c’est qu’ils ont adopté un traité international que le Premier ministre Mirek Topolánek avait signé en décembre 2007. Ils ont adopté un document qui avait déjà obtenu l’aval de 25 parlements des pays membres de l’Union européenne. Václav Klaus veut-il donc prétendre qu’il s’agit d’un échec de l’ensemble des élites politiques européennes ? … Aujourd’hui, « l’eurodissident » Klaus représente l’unique figure noire sur l’échiquier politique européen, au milieu de l’armée victorieuse de figures blanches ».Un commentaire publié dans le journal Právo s’interroge : « Quand est-ce qu’en fait, la Tchécoslovaquie ou bien la République tchèque a-t-elle été réellement libre ? La réponse est simple : nous n’avons jamais été véritablement souverains. Et insister sur la souveraineté des petits et moyens pays, à l’époque de l’économie et de la sécurité globale, est vraiment dépassé ».
« La valeur qu’apporte Lisbonne ». Un article paru sous ce titre éloquent dans le quotidien Hospodářské noviny souligne l’importance de la volonté de compromis. Son auteur écrit :
« Le fait qu’on trouve en Europe vingt-sept représentants des volontés nationales qui arrivent à trouver un compromis, constitue une grande valeur, un grand engagement. Les sénateurs tchèques l’ont compris. Dommage que la magie de la volonté de compromis ne se présente qu’au moment où la Tchéquie entre dans un jeu international ».
Une bonne nouvelle. C’est ainsi que le feu vert qui a été donné au Traité de Lisbonne par la Chambre haute du parlement est perçu par la scène européenne. De l’avis général, le moment où le document entrera en vigueur s’est depuis considérablement rapproché. Le résultat tchèque du vote donne aussi un bon signal en direction des Irlandais.
Le président français Nicolas Sarkozy s’est félicité « de cette étape importante vers une Europe unie et forte ». L’agence DPA cite la chancelière allemande Angela Merkel qui fait mention « d’une très bonne nouvelle pour l’Europe ».La décision des sénateurs tchèques a été saluée, à Prague, par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui a déclaré dans un communiqué : « Je suis très content de l’approbation du Traité de Lisbonne par le Sénat tchèque qui achève le processus de ratification parlementaire en République tchèque ».
La diplomatie slovaque, elle aussi, salue le feu vert des sénateurs tchèques et se déclare convaincue que le processus de ratification par les vingt-sept sera bientôt mené à bien.Un commentaire publié dans le quotidien Hospodářské noviny déjà cité évoque pourtant, malgré cet optimisme généralement partagé, tout ce qui doit être fait pour y arriver et que la route s’annonce encore longue. L’organisation d’un nouveau référendum en Irlande et la signature du texte non seulement par Václav Klaus, mais aussi par le président polonais Lech Kaczynski sont les principaux points sur cette voie. Et il rappelle que l’Allemagne figure aussi parmi les pays retardataires, car sa Cour constitutionnelle doit se prononcer sur la compatibilité du Traité avec la constitution allemande.