O Přibjehi : « Les témoignages de ces trois Roms ne sont pas lugubres, même s’ils sont durs »

Trois volumes de BD consacrés à trois destins de Roms en République tchèque, c’est le résultat du travail documentaire de trois auteurs tchèques, Markéta Hajská, Máša Bořkovcová et Vojtěch Mašek. Ferko, Keva et Albina sont les trois personnages centraux de ces livres qui sont paru en un volume, en août 2011, aux éditions Cà et Là en France. Serge Ewenczyk, l’éditeur a rappelé au micro de Radio Prague comment il avait découvert la trilogie O Přibjehi - Histoires :

Serge Ewenczyk
« C’est par le plus grand des hasards. J’étais à la foire internationale du livre de Francfort et en faisant le tour des éditeurs, je suis tombé sur le stand collectif des éditeurs tchèques où j’ai vu la trilogie. Graphiquement cela m’a bien plu et ensuite j’ai vu que ça traitait de la question rom, un sujet qui m’intéresse énormément. Ni les auteurs ni les éditeurs n’étaient sur le stand donc il m’a fallu un bon mois pour récupérer leur contact. Je leur ai demandé de m’envoyer quelques pages en anglais histoire de pouvoir lire un peu le contenu. Ca m’a beaucoup plu, je leur ai dit que je voudrais les publier en France rapidement. La foire de Francfort était en octobre 2010 et le livre était sorti en République tchèque en juin 2010. »

Après cette première approche de lecture en anglais, qu’est-ce qui vous a séduit dans la trilogie ?

« Ce qui m’intéressait essentiellement, et c’est d’ailleurs lié au fond et à la forme, c’est le témoignage brut, c’est la volonté de retranscrire au plus près de ce qui a été dit au cours de ces entretiens qu’ils ont eus avec les trois Roms. C’est quelque chose à quoi je suis sensible : quand la bande-dessinée est au plus près du réel, quand il y a cette volonté documentaire, voire sociologique dans le cas de cette trilogie. Il me semblait intéressant qu’ils aient conservé toute l’oralité des témoignages, qu’ils aient retranscrits presque de façon brut de décoffrage la tonalité des entretiens. La partie illustration est à la mesure de cela puisque en fait c’est un travail d’après photo, d’après vidéo, d’après tous les enregistrements qui ont été faits au cours de leurs entretiens. On est dans un témoignage très documentaire, très oral. On est donc plongé dans la vie de ces trois personnes, c’est très édifiant et intéressant. »

La question rom est une question sensible en République tchèque, en Slovaquie, mais également en France. Est-ce aussi pour cette raison que l’idée vous a séduite, car tout ceci a des résonnances avec des événements de l’année passée, et une actualité récente ?

« Malheureusement notre gouvernement s’est complètement focalisé sur les Roms avec une campagne de dénigrement et d’ostracisation assez avancée. Le but du gouvernement est de faire un maximum de reconduites à la frontière et d’expulsions manu militari. Du coup, il me semblait intéressant que les lecteurs français et sensibilisés sur cette question puissent voir comment ça se passe dans le pays d’Europe centrale et de l’Est où la population rom est très importante, beaucoup plus qu’en France. »

Et puis c’est une population sédentarisée contrairement à la population rom en France…

« Tout à fait. Mais il me semblait intéressant de montrer quel est le quotidien des Roms en République tchèque et en Slovaquie, de montrer que c’est loin d’être rose et que des expulsions vers des pays d’origine ne sont pas anodines. Ce qui est intéressant dans les témoignages de Keva, Albina et Ferko, c’est qu’ils ne sont pas lugubres. On ne sent pas de ressentiment, mais ce qu’ils décrivent est dur, malgré tout. Notamment pour Keva, il y a des choses qui m’ont impressionné, comme le problème des écoles spéciales, un phénomène mal connu en France. Je pensais que c’était important que le public français puisse savoir de manière originale et inédite, par la bande-dessinée, comment ça se passait pour les Roms tchèques et slovaques. »