Perception de la corruption : la Tchéquie enregistre de mauvais résultats
Le rapport 2016 de Transparency International sur la perception de la corruption, publié ce mercredi, est sévère pour la République tchèque. Le pays se classe 47e au classement mondial, en chute de dix positions par rapport à 2015. Des mauvais résultats attribués à l’introduction de législations inopérantes et à la puissance des groupes de pression, comme l’a expliqué pour Radio Prague David Ondráčka, le directeur de la branche tchèque de l’ONG.
De nouvelles formes de corruption face auxquelles la République tchèque aurait du mal à faire face si l’on en croit le nouveau classement proposé par Transparency International où elle se positionne au niveau de pays comme Malte ou Chypre. Avec un indice de 55 sur une échelle de 0 à 100, la Tchéquie perd un point en termes de perception de la corruption par rapport à 2015.
Pourtant le gouvernement de Bohuslav Sobotka a été très actif avec de nombreuses lois impulsées et votées par les parlementaires ces dernières années. On peut citer par exemple la loi sur la fonction publique, législation que la Tchéquie a été l’un des derniers Etats en Europe à adopter et dont l’un des objectifs est de limiter les risques de conflits d’intérêts au sein de l’administration publique. Il n’empêche, ces textes législatifs, inaboutis, ont largement manqué leur cible selon David Ondráčka :
« Nous avons eu beaucoup d’activité législative récemment mais les lois acceptées sont pauvres, médiocres ou inefficaces. Je pense notamment à la loi sur les conflits d’intérêts, à la loi sur le financement des partis politiques ou à la loi sur la fonction publique. Beaucoup de lois sont influencées par des lobbys. C’est la raison pour laquelle ces législations manquent d’efficacité. »L’influence grandissante des groupes de pression sur le processus législatif serait une autre raison qui expliquerait le mauvais résultat enregistré par la République tchèque. Pour évoquer ces liens troubles entre sphère politique et le monde des affaires, David Ondráčka parle d’une « privatisation de l’intérêt public ».
Le ministre des Finances Andrej Babiš serait une illustration, parmi d’autres même si particulièrement signifiante, de ce phénomène. Le milliardaire, donné favori des sondages avec son mouvement politique ANO, est à la tête du plus grand groupe agroalimentaire tchèque et est devenu ces dernières années un acteur important du monde des médias avec l’acquisition de deux des quotidiens parmi les plus lus en Tchéquie. La récente loi sur les conflits d’intérêts, surnommé « Lex Babiš », le visait particulièrement. Pour Transparency International, elle ferait partie de cet arsenal législatif incomplet qui ne parviendrait pas à saisir le problème efficacement et dans sa globalité.
David Ondráčka cite un troisième facteur d’aggravation de la perception de la corruption en Tchéquie : les lenteurs et les lourdeurs de la justice. D’après lui, les procédures judiciaires sont longues et peu lisibles pour le public et les verdicts seraient même parfois douteux. A cet égard, l’affaire David Rath, débutée à la mi-2012, est un cas d’école. Condamné en 2015 à huit ans et demi de prison ferme pour corruption, trucage d’appels d’offres publics et détournement de fonds européens, l’ancien social-démocrate vient de voir son jugement purement et simplement annulé pour des raisons de procédure.Là comme ailleurs, David Ondráčka estime que c’est à la société civile de faire preuve de la plus grande vigilance :
« Le plus important est le contrôle public, avec les médias, avec les ONG, avec les citoyens, avec les partis d’opposition. Parce que sans contrôle public, je pense que le système peut se détériorer vers quelque chose qui ne serait pas vraiment libéral ou démocratique. Nous avons les exemples de nos voisins comme la Hongrie, la Pologne ou la Slovaquie. J’espère que la République tchèque va rester un pays démocratique. »
C’est de patience également dont il faudrait s’armer pour voir un jour mis en place des textes de loi efficients. Le diagnostic n’est toutefois pas partagé par le gouvernement. « Nous avons significativement baissé la corruption ces trois dernières années et ce gouvernement a été épargné par les scandales de corruption », a commenté de son côté le premier ministre Bohuslav Sobotka.