Petr Uruba, pilote de la RAF
Ancien combattant en France et en Grande-Bretagne, chevalier de la Légion d’honneur, Petr Uruba a vécu tous les moments-clé de l’histoire du XXe siècle – les événements de Munich, l’occupation nazie, les combats aériens, la condamnation à mort par les nazis, ainsi que les représailles communistes.
Petr Uruba a 23 ans lorsqu’il rejoint l’armée tchécoslovaque, en 1935. Deux ans plus tard, il termine sa formation de pilote de bombardier. Ainsi, avant son départ en Occident, il avait passé plus de 340 heures dans l’air. Il a rejoint la RAF en passant par la Pologne et par la France, raconte Ladislav Kudrna, historien de l’Institut d’études des régimes totalitaires et auteur du livre ‘Un des hommes oubliés’ dont Petr Uruba est le personnage central :
« En France, Petr Uruba n’a pas eu le temps de prendre part à des actions de combat : une fois Paris tombé, il a commencé sa carrière de pilote de guerre sur le sol britannique, dans le cadre du 311e escadron tchécoslovaque dont il était membre fondateur. »
Le départ des engagés volontaires tchèques en Occident, au printemps 1939, a été une grande inconnue, lit-on dans le livre ‘Un des hommes oubliés.’ On ignorait ce qui allait arriver. La France et la Grande-Bretagne où ces hommeshistorie/uruba_petr1 ont décidé de rejoindre la résistance à Hitler étaient alors dirigées par les mêmes chefs d’Etat qui avaient signé les accords de Munich. Il a donc fallu beaucoup de courage et de détermination pour faire face aux dangers qui les attendaient. Ladislav Kudrna :« Le colonel Uruba, à l’époque sergent de l’aviation royale, a pris part à six missions extrêmement dangereuses se déroulant dans le ciel de l’Europe occupée et du IIIe Reich. Il était le deuxième pilote dans l’équipage du lieutenant František Cigoš. Le 6 février 1941, l’équipage a été fait prisonnier après que leur avion ait atterri, par erreur, sur le territoire de France occupée. Les circonstances de cet atterrissage n’ont jamais été élucidées, on se demande si ce n’était pas un piège de la part des Allemands. »
Petr Uruba a passé plus de 4 ans en captivité. En 1944 il a été condamné à mort pour avoir ‘levé son arme contre le IIIe Reich’, mais il a échappé à l’exécution de la peine grâce à une intervention rapide des Britanniques :
« Une chose très importante est qu’il ait été fait prisonnier en uniforme d’officier britannique. Il ne faut pas oublier que le sort des premiers pilotes tombés en captivité en septembre 1940, donc pendant la période de la bataille d’Angleterre, était très incertain et que les nazis voulaient réellement les exécuter. Heureusement, la réaction britannique qui a suivi, lorsque Churchill a menacé de représailles des otages allemands, a eu un écho positif et sur intervention personnelle du commandant du camp de prisonniers, l’équipage de l’avion dans lequel le sergent Uruba servait n’a pas été remise entre les mains de la Gestapo mais transporté dans un camp pour prisonniers de guerre. »En 2005, le colonel Petr Uruba a été décoré par l’ancien président français Jacques Chirac des insignes de la Légion d’honneur. Lors de la remise de la distinction, à l’ambassade de France à Prague, le rôle des combattants tchèques dans le combat pour la liberté avait été évoqué par l’ambassadeur M. Joël de Zorzi :
« Près de 50 000 d’entre eux auront ainsi servi pendant la Deuxième Guerre mondiale aux côtés des forces alliées. Engagés dès 1940 dans la bataille de France où plusieurs d'entre eux y laisseront leur vie, les combattants tchécoslovaques continuent la lutte en Angleterre, avec les autres pays alliés et les Forces françaises libres. La brigade autonome tchécoslovaque incluse dans le dispositif des forces britanniques comptera ainsi 4 à 5000 hommes et fera partie des troupes débarquées en Normandie. Elles seront engagées, en septembre 1944, dans la bataille de Dunkerque. Au total 2200 pilotes tchécoslovaques dont certains s'étaient déjà illustrés dans la bataille de France, en 1940, serviront dans la Royal Air Force au sein des célèbres 310e, 311e, 312e et 313e escadrons. »
Dans leur pays, la Tchécoslovaquie, les combattants des fronts de l’Ouest ont connu les prisons communistes, les camps de travaux forcés et les mines d’uranium. La problématique des persécutions subies par les pilotes tchécoslovaques de la RAF entre 1948 et 1989 est analysée pour la première fois dans son ensemble dans le livre ‘Un des hommes oubliés’ paru à la fin de l’année 2008. Petr Uruba en est le personnage principal mais il y sert aussi de guide à travers des événements du XXe siècle. On y apprend qu’il a été mis à la porte de l’armée, poursuivi systématiquement par la StB qui, lors de l’un des interrogatoires, l’a battu si violemment qu’il ne pouvait plus marcher. On écoute l’auteur de la publication :
« Il est certain qu’après février 1948 Petr Uruba est devenu du jour au lendemain ‘un serviteur de l’Occident’ haï, puisqu’il avait combattu pour les intérêts du capitalisme en Grande-Bretagne. Sur injonction de Bedřich Reicin, vice-ministre de la Défense nationale qui en janvier 1949 a établi une liste de 137 anciens membres de la Royal Air Force qui devaient être renvoyés de l’armée, le capitaine de l’aviation Petr Uruba devait être dégradé sans appel. Il se souvient, dans le livre avoir été obligé de se présenter immédiatement dans les casernes et qu’ensuite, il a été escorté par la police militaire… »Le pilote Petr Uruba qui parlait cinq langues a occupé jusqu’en 1963 des postes ouvriers non qualifiés. Dans les années 1960, il a été partiellement réhabilité et rappelé dans l’armée qu’il a dû quitter à nouveau pendant la période de normalisation. Petr Uruba a eu la chance de vivre la chute du régime totalitaire : après 1989, il a été entièrement réhabilité et élevé au grade de colonel de l’aviation. Le parcours exceptionnel du doyen des pilotes de guerre tchécoslovaques Petr Uruba s’est achevé le 1er mars 2009.
Rediffusion du 4/3/2009