Pierre Haski : « Le nom Václav Havel résonne chez toute personne qui défend les droits de l’Homme »

Le Prix Václav Havel a été décerné à la militante biélorusse Maria Kalesnikava

Le Prix Václav Havel a été décerné à Prague ce mercredi 29 septembre à la militante biélorusse Maria Kalesnikava. Parmi les nominés, l’association Reporters sans Frontières luttant pour la liberté de la presse. Son président, Pierre Haski, présent dans la capitale tchèque pour l’occasion, revient sur l’évènement au micro de Radio Prague International :

Pierre Haski | Photo: fhimt.com/Wikimedia Commons,  CC BY 2.0

« C’est toujours un honneur d’être nominé, même si nous ne recevons pas le prix à la fin, pour un prix des droits de l’homme. Il est certain que la référence à Václav Havel est importante pour tout le monde. A titre personnel, il se trouve que j’ai fait un documentaire sur Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix chinois et mort en prison. En travaillant sur le personnage et sur la vie de Liu Xiaobo, j’ai réalisé à quel point Václav Havel était son modèle. Il fait énormément de références au parcours, aux écrits et à la pensée de Václav Havel donc ce nom résonne chez toute personne qui s’intéresse, participe ou qui défend les droits de l’Homme. »

La biélorusse Maria Kalesnikava a remporté le prix Václav Havel cette année, pourriez-vous revenir sur cette victoire et sur ce que cela signifie pour la liberté d’expression ?

Maria Kalesnikava | Photo: Сильные Новости: GomelTube,  Wikimedia Commons,  CC BY 3.0

« Le cas de cette militante biélorusse nous avait tous frappé l’année dernière. J’ai un souvenir très précis d’être tombé en arrêt d’admiration devant ce geste où elle est poussée vers l’Ukraine par les autorités biélorusses, elle déchire son passeport et décide de rester en sachant ce qui l’attend c’est-à-dire la prison, les mauvais traitements, les humiliations. Il y a donc une évidence devant une telle attitude et un comportement aussi courageux et déterminé donc je pense que c’est ce qui a frappé le jury. Ce prix est absolument mérité par cette femme qui symbolise le combat que mènent tous les biélorusses depuis un an, depuis l’élection confisquée par Alexandre Loukachenko. Le fait qu’elle soit condamnée à 11 ans de prison est un scandale que ce prix met en évidence. Sa sœur était présente pour recevoir et témoignait qu’elle-même est exilée en Pologne. Elle est très active dans le mouvement pour la démocratie en Biélorussie donc elle a pu témoigner à la fois du sort de sa sœur et de ce combat qui continue. »

Reporters sans Frontières a dénoncé ce matin l’interdiction d’accès de certains journalistes lors de la conférence de presse des premiers ministres tchèques et hongrois organisée mercredi. Votre organisation est-elle inquiète quant à l’état de la liberté de la presse en République tchèque ?

« Reporters sans Frontières suit avec attention, intérêt et inquiétude l’évolution de la presse dans le monde entier et, en particulier dans les pays démocratiques où il existe des menaces et des possibles régressions. Il y a eu plusieurs exemples récemment dans des pays d’Europe centrale et orientale où des menaces réelles ont été exprimées. La République tchèque ne fait pas exception avec notamment certains comportements du Premier Ministre menaçant directement les journalistes qui ont choqué et qui ont été dénoncés par notre organisation. Donc oui, nous sommes très vigilants parce que si au sein de l’Union européenne, où il y a un pacte démocratique liant théoriquement tous les pays membres, il y a de telles régressions, alors cela en dit long sur l’état de la liberté de la presse et les possibles menaces dans le monde entier. Nous sommes donc également vigilants à ce qu’il peut se passer à l’intérieur de l’Union européenne parce qu’il y a une sorte de devoir d’exemplarité à l’intérieur d’un ensemble qui s’est fondé sur la démocratie. »