Plébiscité par les siens, Andrej Babiš a été réélu à l’unanimité président du mouvement ANO

Andrej Babiš, photo: ČTK

Andrej Babiš, actuel vice-Premier ministre et ministre des Finances, a de nouveau démontré ce week-end, que c’est bien lui qui tient les rênes de son parti. Lors du congrès du mouvement ANO, le richissime homme d’affaires converti à la politique depuis quelques années a été réélu président de l’une des deux principales formations de la coalition gouvernementale en recueillant 100% des voix. Les nouveaux statuts d’ANO, mouvement populiste d’orientation libérale, marquent une plus grande centralisation de son pouvoir de décision. Mais d’un point de vue idéologique, le parti reste dans le flou.

Jaroslav Faltýnek et Andrej Babiš,  photo: ČTK
Le congrès, le troisième du nom, s’est tenu dans les locaux pragois du géant agroalimentaire Agrofert, histoire peut-être de ne pas oublier que le chef de la deuxième principale force à la Chambre des députés reste aussi le chef d’une société qui brasse les milliards. Et que c’est avec le même style, qu’il entend diriger son parti, son ministère des Finances et aussi, tant que faire se peut, le gouvernement.

En tête du programme des délégués présents au congrès figurait l’élection, ou plus précisément la réélection, du leader du parti et de ses collaborateurs les plus proches. Certains postes de vice-président étant restés vacants depuis deux ans, sept figures réputées pour leur loyalisme envers leur chef ont été élues à l’étage inférieur de la direction, parmi lesquelles notamment Jaroslav Faltýnek, chef du groupe parlementaire ANO à la Chambre des députés, Jaroslava Jermanová, vice-présidente de la Chambre basse, ou encore Radmila Kleslová, leader du mouvement à Prague. Unique candidat à sa succession, la réélection d’Andrej Babiš par 186 voix sur 186 s’est apparentée à un plébiscite qui n’aurait pas déplu aux anciens dirigeants communistes du pays. Andrej Babiš n’a d’ailleurs pas manqué d’exprimer une petite gêne par rapport à ce résultat :

« Je suis un peu embarrassé d’avoir été élu au poste de président en recueillant totalité des voix, même si c’est logique car je n’avais pas d’adversaire. Mais j’ai été élu à l’issue d’un vote à bulletin secret et je suis vraiment surpris d’avoir obtenu 100% des suffrages. Cela peut sembler bizarre, mais croyez-moi, si j’avais su, j’aurais demandé à au moins deux ou trois collègues de voter contre moi, car là je suis vraiment un peu embarrassé. »

Andrej Babiš,  photo: ČTK
Il est néanmoins fort peu probable que les deux ou trois voix de faux opposants auraient modifié l’impression générale laissée à la majorité des commentateurs et observateurs extérieurs du congrès, à savoir que son déroulement avait été dûment orchestré. Dans ce sens, tous ont notamment relevé l’absence quasi-totale de débat. Les délégués n’ont pas même discuté des amendements aux statuts du parti qui aboutissent à une plus grande centralisation des pouvoirs. Ainsi, des compétences renforcées ont été conférées à la direction du parti. C’est désormais elle et elle seule qui décidera des chefs régionaux d’ANO, une désignation généralement laissée aux comités locaux. La direction sera également amenée à évaluer toute demande d’adhésion au mouvement. Son président, quant à lui, a le champ libre pour décider du sort de chaque membre de la formation.

Dans son discours d’une vingtaine de minutes, Andrej Babiš est revenu sur certaines des priorités politiques de son mouvement. Il s’est exprimé en faveur de l’introduction d’un scrutin majoritaire, de la suppression du concept de salaire « super brut » et contre toute hausse d’impôts. Le président du parti a également souligné que seules les personnes ayant suffisamment bien réussi dans leur vie professionnelle pour ne plus avoir besoin de profits supplémentaires devraient s’engager en politique. La suite du discours d’Andrej Babiš a été consacrée à la critique de celui qui est à la fois son principal partenaire de coalition et son principal rival électoral, le parti social-démocrate. Une façon, pour certains analystes, de déjà lancer la campagne électorale pour les régionales de 2016 :

« Nous siégions au gouvernement avec la social-démocratie et ce siège n’est pas toujours confortable. C’est un parti politique établi, paradoxalement un parti parmi ceux contre lesquels notre mouvement s’est constitué. Son passé controversé pèse sur la social-démocratie, qui est habituée à acheter le soutien électoral en dépensant l’argent public sans tenir compte du budget de l’Etat et de l’endettement du pays. Son objectif est d’augmenter les impôts, ce que nous refusons. »

La plupart des commentateurs s’accordent sur le fait que les idées d’ANO restent floues. Pour ses partenaires de coalition, cette absence de vision à plus long terme se traduit par son caractère imprédictible. Mais pour le mouvement, cela permet aussi d’attirer et de rassembler sous une même bannière des électorats éclectiques aux intérêts différents.