Législatives : les Tchèques tournent la page Babiš
En fin de semaine dernière, les Tchèques se sont prononcés en faveur d’un changement politique dans leur pays : à l’issue de deux jours de scrutin, les élections législatives ont été remportées par l’opposition conservatrice. Après quatre ans au pouvoir, le mouvement ANO du Premier ministre Andrej Babiš, pourtant désigné comme favori, est arrivé deuxième de ce scrutin le plus serré de l’histoire de la République tchèque.
Seules 36 000 voix (ou 0,67%) ont en effet séparé la coalition SPOLU (Ensemble), vainqueur des élections avec 27,79% des suffrages, du mouvement ANO. Grand vainqueur des précédentes législatives de 2017, le parti ANO, souvent désigné comme populiste, a donc perdu de peu les législatives, même si les sondages lui prédisaient un succès presque certain.
Fiala : « Notre pays ne sera plus aussi endetté »
Avant les élections, trois partis de droite, à savoir le Parti civique démocrate ODS, TOP 09 et le parti chrétien démocrate KDU-ČSL ont réuni leurs forces et formé une coalition avec l’objectif de faire front à Andrej Babiš, Premier ministre et cinquième fortune du pays, accusé de conflit d’intérêts et de fraudes aux subventions européennes. Mais ceci n’est pas la seule devise de la coalition Ensemble, comme l’a souligné son leader et président de l’ODS Petr Fiala après l’annonce des résultats du scrutin :
« Ensemble, nous avons donné à la République tchèque la chance d’avoir un avenir meilleur, la chance que notre pays cesse de s’endetter, qu’il continue de faire partie de l’Europe démocratique. Nous voulons redonner de l’espoir aux jeunes et permettre aux personnes âgées de vieillir dignement. Mais surtout, ces élections représentent la victoire d’une politique décente et de valeurs. »
Historien de formation, chercheur en sciences politiques et professeur d’université avant son entrée en politique, Petr Fiala, 57 ans, semble être le mieux placé pour devenir nouveau Premier ministre. Avec une autre alliance de deux partis d’opposition, à savoir du Parti pirate de tendance libérale et du mouvement centriste des Maires et indépendants (STAN), la coalition Ensemble disposera d’une majorité confortable de 108 sièges à la Chambre basse du Parlement, le principal organe législatif tchèque qui compte au total 200 députés.
Babiš : « Je resterai à la Chambre des députés »
Ces élections sont donc une désillusion pour un Andrej Babiš, critiqué par beaucoup du fait de son style de leader tout-puissant, dont la popularité auprès d’une partie toujours assez importante de l’électorat est due, entre autres, à la prospérité économique de la République tchèque, freinée certes par la pandémie, et à sa générosité envers les fonctionnaires et les retraités. Dimanche, dans son intervention régulière sur les réseaux sociaux, le Premier ministre tchèque d’origine slovaque a annoncé que malgré la défaite de son parti, il ne se retirerait pas de la scène politique, comme il l’avait envisagé :
« J’ai sacrifié les dix dernières années au bien-être de ce pays, la République tchèque, qui m’a accueilli, où j’ai ma famille et dont je suis le Premier ministre. Je suis fière d’être Tchèque et je ne jetterai pas l’éponge. Alors, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous : je resterai à la Chambre des députés, même si mon parti finit dans l’opposition. Je serai là pour voir comment M. Fiala remplit ses promesses, comment il arrivera à économiser 100 milliards de couronnes par an et tous ces bla-bla. »
La Chambre des députées renouvelée doit se réunir dans les trente jours qui suivent les élections. Des négociations en vue de la formation du nouveau cabinet sont déjà en cours et concernent les deux coalitions d’oppositions, prêtes à constituer un gouvernement majoritaire. Le mouvement ANO et le parti d’extrême-droite SPD, qui auront respectivement 72 et 20 députés dans la nouvelle Chambre, en sont pour l’instant exclus. Il en est de même pour les sociaux-démocrates, membres de la coalition gouvernementale sortante, et les communistes. Les deux partis ont essuyé un échec historique, n’ayant obtenu aucun mandat de député.
Hospitalisation du président au lendemain des élections
Les dés sont donc jetés et pourtant, une grande incertitude règne en République tchèque dont le président, de santé fragile, est hospitalisé en soins intensifs depuis dimanche, sans que son diagnostic soit révélé par le Château de Prague.
Pourtant, la Constitution attribue à Miloš Zeman un rôle clé dans les négociations post-électorales qui consiste à nommer le nouveau Premier ministre et son cabinet. Petr Fiala, Andrej Babiš, ainsi que tous les Tchèques suivent donc attentivement l’évolution de l’état de santé du président, qui sera décisive pour la suite des pourparlers.
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