Prague : du rififi à la mairie

Photo: Filip Jandourek, ČRo
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La coalition municipale à Prague est-elle en train de s’effriter ? Deux membres ODS du conseil de la ville ont claqué la porte la semaine dernière. Un coup de théâtre qui n’est que le dernier rebondissement d’une collaboration de trois ans marquée une escalade des bisbilles internes.

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
Voilà qui ne devrait pas améliorer la coopération entre l’ODS et TOP 09, les deux principaux partis de droite alliés au sein du gouvernement comme dans certaines collectivités locales. Alors qu’à un an des législatives, les deux formations sont d’ores et déjà en compétition pour le leadership auprès de l’électorat conservateur tchèque, les remous atteignent désormais la coalition municipale de la ville de Prague : deux conseillers ODS ont démissionné de leurs fonctions le 25 avril dernier dénonçant des pratiques antidémocratiques et une alliance qui fonctionne mal.

Boris Šťastný,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
Peu avare d’interventions télévisées depuis son annonce, Boris Šťastný, le premier des démissionnaires, ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit d’expliquer sa décision radicale : « La direction de la ville est complètement verrouillée, par une gestion incompétente de ses fonds, par un grand niveau d’opacité, de clientélisme… J’ai décidé de refuser de poursuivre les responsabilités politiques qui sont les miennes dans ces conditions. »

Le second contestataire se nomme Milan Richter, et n’est autre que le maire du dixième arrondissement de Prague. Lui aussi pointe des dysfonctionnements, et les deux rebelles l’ont ouvertement fait savoir lors de discours offensifs à l’occasion du dernier conseil municipal, jeudi dernier.

Bohuslav Svoboda,  photo: Tomáš Adamec,  ČRo
Jamais directement nommé de la bouche des deux démissionnaires, l’actuel maire de Prague, l’ODS Bohuslav Svoboda, n’en est pas moins sous le feu des critiques, et se devait donc de répondre publiquement. Affublé, comme toujours, d’un large nœud papillon qui lui donne un air avenant, sa réplique télévisée aux attaques de ses nouveaux opposants est pourtant d’une ironie cinglante : « En réalité, ce sont des gens d’une autre époque, qui sont restés bloqués à une époque ancienne et à de vieilles pratiques, alors qu’ils étaient entre amis et que le système fonctionnait ainsi. Aujourd’hui, ils découvrent la transparence du fonctionnement du nouveau conseil municipal, et cela ne leur convient visiblement pas. »

Milan Richter,  photo: Archives de Radio Prague
Ce que pointe ainsi Bohuslav Svoboda, ce sont des alliances et des jeux de pouvoir au sein même de l’ODS, le second parti en termes d’élus à Prague. Boris Šťastný et Milan Richter sont proches de Pavel Bém, le précédent maire de la capitale tchèque qui est aujourd’hui soupçonné d’être impliqué dans diverses affaires de corruption.

Difficile donc d’y voir vraiment clair dans ce qui ressemble au énième épisode d’une collaboration tumultueuse au conseil municipal de Prague. Formée en 2010, la première coalition comportait d’abord un accord bien surprenant pour les électeurs, qui, ayant placés TOP 09 en tête lors des élections, se sont retrouvés avec un maire ODS faisant alliance avec les sociaux-démocrates. Mais les petites combines ne durent qu’un temps, et en 2011, la coalition tombe à l’eau pour laisser place à une logique alliance de droite entre les deux principaux partis conservateurs.

Photo: Kristýna Maková
Assurément, une telle genèse ne pouvait que déboucher sur une coopération tendue. Ces deux dernières années, les conflits entre partis ainsi que ceux internes à l’ODS se sont multipliés. TOP 09 a ainsi, la semaine dernière encore, menacé de quitter la coalition pour cause de désaccords sur l’ordre du jour. Leur réaction à cette double démission était donc en toute logique très attendue. Le porte-parole du parti s’est voulu rassurant, affirmant que la coalition pouvait poursuivre son travail une fois les conseillers remplacés. Mais en coulisses, l’opposition fait toujours rage, notamment sur la question du financement des transports de la ville. Une dizaine de conseilleurs municipaux, dont le maire, sont d’ailleurs poursuivis par la justice pour abus de confiance dans le dossier de la gestion de l’Opencard, une carte de services et de transport utilisée au quotidien par les pragois et dont la gestion semble pour le moins opaque.

Les prochaines élections municipales auront lieu en 2014, la même année que les législatives et les européennes. Des remous dans la coalition aux commandes de la capitale restent donc à prévoir pour l’année à venir.