Prague extrade Nikouline vers les Etats-Unis et mécontente la Russie

Evguéni Nikouline, photo: ČT

La Tchéquie a extradé dans la nuit du 29 au 30 mars le présumé hacker russe Evguéni Nikouline vers les Etats-Unis. Le jeune homme de 29 ans est soupçonné par les autorités américaines de vol de données sur des réseaux sociaux comme Linkedin, mais aussi d’opérations visant à manipuler la présidentielle de 2016. Une décision qui, après l’affaire Skripal, ternit un peu plus les relations tchéco-russes, alors que Moscou demandait également son extradition.

Evguéni Nikouline,  photo: ČT
La récente visite non-officielle à Prague de Paul Ryan n’est peut-être pas étrangère à ce nouveau développement. Face à ses interlocuteurs tchèques, le président de la Chambre des représentants a plusieurs fois insisté sur son espoir de voir Evguéni Nikouline, arrêté à Prague en octobre 2016 suite à une demande américaine, extradé vers les Etats-Unis. Un espoir qui a donc été satisfait et c’est dans un avion du ministère américain de la Justice que le présumé hacker a atterri vendredi non loin de Washington.

Le ministre tchèque de la Justice du gouvernement démissionnaire, Robert Pelikan (ANO), a donc décidé de satisfaire les Américains, au dépend des Russes, qui accusent leur concitoyen de fraude sur internet et de vol en ligne, pour une somme représentant moins de 3 000 euros, et qui demandaient également son extradition. Il a expliqué ce choix :

Robert Pelikán,  photo: Noemi Fingerlandová,  ČRo
« Dans le cas de ces requêtes concurrentes, il faut comparer l’importance des incriminations. Celles sur lesquelles se fonde la demande américaine sont bien plus graves. Dans le même temps, il convient de dire que les Etats-Unis ont eux-mêmes demandé son arrestation via un mandat d’arrêt, alors que la Russie ne s’est manifestée qu’au moment où il a été arrêté. »

Evguéni Nikouline, dont la demande d’asile en Tchéquie a été refusée, risque trente ans de prison aux Etats-Unis, où il est poursuivi pour des attaques informatiques à l’encontre des réseaux sociaux LinkedIn et Formspring et de l’application de stockage Dropbox. Mais le FBI le soupçonne également d’être impliqué dans des opérations menées par la Russie et visant à manipuler l’élection présidentielle américaine en affaiblissant le camp démocrate. Pour la presse américaine, la demande d’extradition des autorités russes et leurs efforts pour mettre la main sur le présumé hacker ne feraient qu’accroître les soupçons à son égard…

Alors que la Maison-Blanche salue la République tchèque pour une décision qui correspondrait « aux principes de responsabilité et de justice », Moscou la critique sévèrement, affirmant qu’elle aura des répercussions sur la qualité des relations tchéco-russes et qu’elle répondrait avant tout à des motivations politiques. C’est la ligne de l’avocat tchèque Martin Sadílek, dont la plainte auprès de la Cour constitutionnelle a été rejetée ce mardi et qui n’exclut pas de porter l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne :

« Personnellement, en tant qu’avocat, je trouve que le signal qu’a envoyé Monsieur le ministre est alarmant. Je considère que la société tchèque ne prend pas la bonne direction quand des considérations politiques prévalent sur les règles déterminées par les législateurs. »

Jiří Dolejš,  photo: Luboš Vedral,  ČRo
Globalement, le monde politique tchèque est pourtant en phase avec le choix fait par le ministère de la Justice. Voix discordantes, le chef de l’Etat Miloš Zeman avait cependant fait connaître sa préférence pour une extradition vers la Russie et les communistes, tels que le député Jiří Dolejš, craignent l’escalade des tensions avec Moscou :

« Pour ce qui est de la communication avec la partie russe, la détérioration n’est pas liée seulement à cet incident, mais également à l’expulsion des diplomates. Il est clair que ces derniers temps, il y a des nuages dans les relations entre la République tchèque et la Russie, et il serait bon de prendre du recul pour évaluer tout ce qui peut les concerner. »

L’affaire Skripal a récemment jeté un froid entre Prague et Moscou. En réaction à l’expulsion du territoire tchèque de trois diplomates russes, le Kremlin a réagi en déclarant persona non grata trois de leurs collègues tchèques. Ils ont jusqu’au 5 avril pour quitter la Russie.