Prague retire contre son gré ses troupes d’Afghanistan
Dimanche 27 juin, les dernières troupes tchèques de la mission de l’OTAN Resolute Support présentes sur le sol afghan sont rentrées de leur opération. Cet appel au retrait lancé par le président américain mi-avril laisse sceptique l’exécutif tchèque, qui s’inquiète de la reprise des conflits une fois le rapatriement des troupes occidentales arrivé à son terme.
Malgré les mises en garde lancées par l’exécutif tchèque, le retrait d’Afghanistan des troupes de l’OTAN se poursuit semaine après semaine. Les responsables politiques tchèques avaient pourtant tenté en vain ces derniers mois de convaincre leurs partenaires de la pertinence de l’implication des troupes de l’OTAN en Afghanistan. Le Président tchèque avait qualifié l’hypothèse d’un retrait des troupes d’ « erreur » qu’il convenait de « corriger » afin d’empêcher que l’Afghanistan ne puisse redevenir à l’avenir le foyer de cellules terroristes. Le ministre des Affaires étrangères tchèque avait également exprimé son inquiétude quant à un retrait précipité d’Afghanistan qui pourrait s’avérer dangereux à terme pour l’OTAN et la République tchèque.
Prague a finalement consenti à retirer ses forces militaires dimanche dernier. La Tchéquie figure parmi les derniers Etats à procéder au rapatriement de ses troupes. Seule l’unité de la police militaire KAMBA devrait rester déployée en Afghanistan afin de protéger les membres de la mission diplomatique tchèque et le bâtiment de l’ambassade. Andrej Babiš a, quant à lui, souligné qu’il se tenait prêt à « continuer à entraîner les forces armées locales », même si cela devait s’effectuer dans un pays tiers.
L’heure est désormais au bilan. Sur Twitter, le ministre de la Défense, Lubomír Metnar, a salué le 30 juin l’engagement des soldats tchèques dans ce qui fut la plus longue mission de l’armée tchèque à l’étranger et a rendu hommage aux 14 soldats tchèques qui ont perdu la vie au cours de cette dernière. Au total, pendant 19 ans, de 2002 à 2021, ce sont près de 11 500 militaires tchèques qui se sont relayés sur le sol afghan, a rappelé le Lubomír Metnar :
« La décision de se retirer d’Afghanistan a été prise au niveau de l’Alliance sur la base d’un consensus politique. Mon opinion personnelle et celle d’autres représentants de la République tchèque et d’autres pays est que ce retrait est mal planifié dans le temps et que la stabilité et la situation sécuritaires ne sont pas encore à un niveau qui permette à l’Afghanistan de reprendre sa souveraineté entre ses mains – nous pensons que les problèmes vont continuer. Mais le fait que nos soldats soient partis ne signifie pas pour autant que nous abandonnons l’Afghanistan. »
M. Metnar a partagé son espoir de voir maintenus les avancements réalisés ces vingt dernières années, notamment dans le domaine de l’éducation. Il a également déclaré s’être entretenu avec l’ambassadeur afghan à Prague sur la poursuite de la coopération entre les deux Etats.
L’intervention en Afghanistan a été utile à plusieurs égards selon Prague. Le ministère de la Défense, dans un rapport publié le 30 juin, met l’accent sur l’ « expérience inestimable » acquise par l’armée tchèque durant ce déploiement sans précédent. Ce fut ainsi l’occasion de « vérifier l’état de préparation et d’entraînement au combat réel », de « tester les équipements », de se familiariser avec des opérations de vol « dans des conditions extrêmes de haute montagne » ou encore de mettre en application les connaissances relatives à la chirurgie de guerre. Les 170 tonnes de matériel rapportées d’Afghanistan seront, elles, désinfectées et restaurées pour un usage ultérieur par le Centre d’appui aux opérations de Pardubice-Semtín.
De son côté, le Premier ministre Andrej Babiš a soutenu que la participation de la République tchèque à l’opération avait permis de resserrer les liens avec l’OTAN et les Etats-Unis. « Grâce à nos soldats, la Tchéquie est perçue comme un partenaire digne de confiance et fiable. L’OTAN contribue à garantir notre sécurité et nous garantissons à notre tour la sécurité des autres pays de l’OTAN », a-t-il déclaré lors de la conférence « Notre sécurité n’est pas une évidence », organisée le 22 juin dernier.
Reste à savoir à présent comment évoluera la situation politique en Afghanistan après le départ complet des troupes américaines, dont la date limite est symboliquement fixée au 11 septembre. La situation demeure sur place encore bien délicate. Selon un rapport de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan du 14 avril 2021, 1 783 victimes civiles auraient été recensées durant le premier trimestre 2021, soit une augmentation de 29 points par rapport à l’année précédente - des chiffres peu encourageants auxquels s’ajoutent des pourparlers de paix entre les différentes parties, initiés à Doha en septembre 2020, toujours au point mort.