Presse : l’illibéralisme en Europe centrale, une fatalité ?
Cette nouvelle revue de presse s’intéressera tout d’abord à la COP28 à Dubaï. Elle se penche ensuite sur la fragilité des régimes démocratiques dans les pays de l’Europe centrale, avant de se pencher sur la situation économique en Tchéquie. Deux autres sujets traités : la domination des femmes écrivains tchèques et la controverse liée à la vente de carpes vivantes dans les rues des villes tchèques à l’approche des fêtes de Noël.
« Le fait d’être organisée à Dubaï n’est pas la plus grande bourde de la dernière COP sur le changement climatique. Ce qui mérite d’être dénoncé plus encore, c’est que la Fédération de Russie soit toujours considérée comme un Etat lambda de l’ONU ». Un avis exprimé par l’éditorialiste du quotidien Deník qui précise encore :
« On n’y parle presque pas de la guerre en Ukraine. Comme si l’agression russe était autre chose que la production de gaz à effet de serre, la construction de nouvelles centrales électriques au charbon ou l’énorme pollution produite par les navires géants. L’agression de la Russie contre l’Ukraine comporte tous ces éléments qui ont des impacts négatifs sur le changement climatique. Elle est aussi, à bien des égards, la pire chose qui se déroule aujourd’hui dans le monde. La Russie et sa guerre contre l’Ukraine représentent donc le plus grand désastre écologique que la planète connaisse. »
Selon l’éditorialiste de Deník, le Kremlin n’accorde aucune importance et aucun respect à l’environnement lors des opérations militaires. Ce qui rappelle, d’après lui, le drame écologique qu’a connu dans les années 1970 et 1980 la Tchécoslovaquie, en lien avec la présence de bases militaires soviétiques sur son territoire. Et d’ajouter :
« Mais il ne s’agit pas seulement de la façon dont la guerre en Ukraine est menée. L’agression russe épuise les ressources, russes, ukrainiennes, les ressources de l’Occident et celles de l’ensemble de l’humanité. Des centaines de milliards de dollars qui auraient pu être utilisés, entre autres, aux fins de l’économie verte et améliorer ainsi les perspectives du changement climatique, doivent être consacrés à la défense de l’Ukraine contre l’agression de Poutine. Et encore, pour remplacer le gaz russe, l’Union européenne a dû revenir au charbon, beaucoup plus nocif. »
Les régimes illibéraux vont-ils être dominants en Europe centrale ?
« Doit-on s’attendre à une année 1989 inversée ? » Cette question a été soulevée et examinée par un chroniqueur du journal en ligne forum 24.cz :
« Après la vague de liberté apportée par la chute des régimes communistes en 1989, la situation que l’on peut observer aujourd’hui semble se caractériser par une nouvelle vague inversée. En Hongrie et en Pologne, on a vu émerger des régimes illibéraux qui contredisent d’importants aspects du projet européen. En Slovaquie, les récentes élections législatives ont entériné la victoire de Robert Fico et de son parti populiste SMER. En Tchéquie, les sondages favorisent clairement l’oligarque Andrej Babiš et son mouvement ANO et tout indique qu’il reviendra au pouvoir après les prochaines législatives. »
Certains se consolent, selon le chroniqueur, en se disant que ces changements, contrairement à ceux de 1989, ne sont pas irréversibles. Mais il estime que c’est loin d’être certain :
« La fragilité des démocraties post-communistes d’Europe centrale est si frappante précisément parce que beaucoup de gens ici n’ont jamais vraiment adhéré à la démocratie. Ils n’ont pas vécu dans un régime démocratique pendant des générations, mais seulement pendant une période relativement courte. »
En ce qui concerne la Tchéquie, le chroniqueur du journal forum24.cz a remarqué :
« Il y a beaucoup de choses que les élites technocratiques tchèques ont négligé après novembre 1989. Il sera extrêmement difficile de remédier à cela, et nous n’aurons peut-être plus l’occasion de le faire. Mais il est beaucoup plus important d’examiner les erreurs qui ont été commises que de ‘croire fermement que tout finira par s’arranger’, comme beaucoup le prétendent, car il n’y a pas de véritables raisons pour cela. »
Une légère amélioration de l’économie tchèque prévue en 2024
« Les Tchèques ne dépensent pas assez. La faible consommation qui a baissé annuellement de 2,3 % constitue ainsi le plus grand frein de l’économie tchèque, » selon le site echo24.cz :
« D’après les experts, l’économie tchèque est dans un état pire encore que prévu. Il n’y a donc pas de bonne surprise. Son amélioration l’année prochaine dépendra dans une large mesure de la volonté des gens de dépenser à nouveau. Mais même si c’est le cas, car l’inflation est déjà en baisse et les salaires réels augmentent légèrement après une chute importante, il est peu probable qu’un changement significatif se produise. »
L’envie de consommer est en berne à l’heure actuelle, les gens craignant à la fois de nouvelles hausses des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, ainsi que l’impact des mesures d’austérité imposées par le gouvernement. « Il y a donc lieu d’accepter tant bien que mal qu’après une mauvaise année en 2022 et une année encore pire en 2023, l’année prochaine ne sera que légèrement meilleure », estime l’auteur d’une analyse publiée sur le site echo24.cz avant de conclure :
« L’inflation est la principale responsable de cette situation. Il s’agit en partie du prix à payer pour la situation géopolitique actuelle, qui a entraîné pendant un certain temps des prix très élevés des énergies. Mais dans une certaine mesure, elle est également due à la surchauffe antérieure de l’économie, aux erreurs commises dans la politique économique locale. »
La littérature tchèque dominée par les femmes écrivains
Une enquête lancée par le journal Deník N a choisi pour la deuxième fois les meilleurs livres de l’année. Ses résultats, comme l’a constaté la chroniqueuse du journal, ont confirmé la position particulièrement forte d’auteures et de sujets féminins dans la littérature contemporaine tchèque :
« Ces sujets prennent de l’ampleur non seulement avec l’émergence d’écrivaines de nombreux romans historiques, mais aussi avec de nouveaux ouvrages de non-fiction qui rattrapent un retard dans ce domaine en Tchéquie. Et c’est à la jeune génération d’auteures qui traitent des sujets contemporains que l’on doit probablement le fait que la Tchéquie soit l’invitée d’honneur de la prestigieuse Foire du livre de Francfort en 2026. »
La sélection finale du journal Deník N comptait cinq femmes parmi les sept finalistes en fiction et cinq sur les dix finalistes en non-fiction. Le journal rapporte en outre que la plupart des livres qui ont atteint la finale ont été écrits par des auteurs tchèques - seuls la romancière polonaise Olga Tokarczuk, lauréate du prix Nobel, et le romancier ukrainien Serhiy Zhadan figuraient parmi eux. « Le message de l’enquête de Deník N est donc plein d’espoir. Pour les femmes, les auteurs débutants et les auteurs tchèques en général », indique-t-il en conclusion.
La vente de carpes vivantes, une tradition controversée
A quelques jours des fêtes de Noël, des bassins remplis de carpes vivantes vont bientôt occuper les rues des villes tchèques. Ainsi revient, comme l’a constaté l’éditorialiste du journal économique Hospodářské noviny, la question annuelle de savoir si cette coutume relève de la cruauté à l’égard des animaux, à laquelle il faut mettre fin, ou s’il s’agit d’une belle tradition qu’il faut préserver pour ne pas perdre l’identité des fêtes de Noël tchèques :
« Quel camp choisir ? Celui des abolitionnistes ou celui des traditionnalistes ? Massacre ou tradition ? Cette année, la chaîne Billa a jeté des hectolitres d’huile sur le feu de ce conflit culturel, car elle a rejoint la chaîne Lidl, qui avait déjà interdit la vente de carpes vivantes devant ses filiales l’année dernière. Déjà à l’époque, de nombreuses personnes s’étaient montrées irritées par cette décision. »
Les réactions n’étaient guère surprenantes, selon l’éditorialiste :
« Les bassins grouillant de carpes vivantes dans les rues sont, pour beaucoup de Tchèques, indissociables de l’ambiance précédant Noël. »
Toutefois, comme le note l’éditorialiste du journal, les perceptions de la tradition changent, la brutalité cédant à un respect mutuel. « Il serait peut-être souhaitable de renvoyer les bassins à carpes de Noël dans les oubliettes de l’histoire », estime-t-il.