Viktor Orbán, « l’ami » d’Andrej Babiš pour la campagne électorale
Viktor Orbán effectue une visite remarquée en République tchèque ce mercredi. A désormais moins de dix jours des élections législatives, le passage du Premier ministre hongrois, qui entretient de très bonnes relations avec son hôte tchèque, doit servir à renforcer certaines des positions défendues par Andrej Babiš durant sa campagne.
Une semaine après la visite d’Andrej Babiš en Hongrie, pour un « Sommet de la démographie » qui l’a conduit jusqu’à la frontière avec la Serbie, là où le gouvernement de Viktor Orbán a construit en 2015 une clôture de barbelés anti-migrants longue de 175 kilomètres, le Premier ministre hongrois rend donc la politesse à son homologue tchèque.
Ce mercredi matin, Viktor Orbán a d’abord été reçu officiellement à la Villa Kramář, résidence du Premier ministre tchèque, accueilli aussi par « un comité de malvenue » composé d’une vingtaine de manifestants qui ont brandi des drapeaux de l’Union européenne ou LGBT.
Sur les hauteurs de Prague, les deux hommes ont discuté de coopération économique et industrielle, de défense ou encore des conséquences de la pandémie de Covid-19, et bien évidemment de migration, un thème qui leur est particulièrement cher. Lundi, le gouvernement tchèque a ainsi répondu favorablement à la demande formulée la semaine dernière par Viktor Orbán pour la participation de cinquante soldats et policiers tchèques à la protection de la frontière entre la Hongrie et la Serbie. Depuis longtemps, les deux dirigeants critiquent l’Union européenne qui, selon eux, ne protègent pas suffisamment ses frontières extérieures.
Au-delà de ces formalités, Andrej Babiš a ensuite convié son hôte du jour à un déjeuner dans un charmant château d’Ústí nad Labem, dans le nord du pays. C’est là, en effet, dans une région parmi les plus défavorisées en République tchèque, que son mouvement ANO a entamé officiellement sa campagne électorale au début du mois de septembre. C’est aussi dans la région d’Ústí nad Labem que le Premier ministre sortant se présente pour les législatives, entre autres contre Ivan Bartoš, le chef du Parti des Pirates qui est un de ses critiques les plus farouches.
C’est donc les bras grand ouverts que Viktor Orbán a été accueilli par un Andrej Babiš qui n’a jamais caché qu’il appréciait le style autoritaire avec lequel son homologue hongrois menait les affaires dans son pays. Interrogé récemment par la Radio tchèque, l’écrivain et traducteur György Varga, ancien ambassadeur hongrois en Tchécoslovaquie et en République tchèque, estime que ce partenariat politique actuel entre Prague et Budapest repose d’abord sur une estime personnelle réciproque :
« Il ne faut d’abord pas oublier qu’Andrej Babiš est un acteur très important dans les domaines de la production agricole et de l’industrie alimentaire en Hongrie aussi. Mais, plus généralement, il ressent une forme d’admiration pour la manière dont Orbán, en organisateur habile, a la situation bien en main. »
« Je pense que Babiš admire la stabilité du gouvernement et du pouvoir en Hongrie. Il admire le fait qu’Orbán n’ait pas d’opposition sérieuse, qu’il n’ait pas à mener de discussions et puisse faire ce qu’il veut. Orbán a réussi à diriger le pays véritablement comme une entreprise, et c’est la manière dont Babiš envisage la politique. »
« C’est donc une admiration très personnelle mais, en même temps, ces relations que Babiš et Orbán entretiennent peuvent aussi exercer une grande influence sur les citoyens tchèques dans le sens où certains se disent que le modèle hongrois est un modèle digne d’être suivi. »
Tous deux partisans du développement de l’énergie nucléaire ou encore d’un nouvel élargissement de l’Union européenne, Andrej Babiš et Viktor Orbán partagent encore d’autres points de vue.
En juin dernier, suite à l’adoption d’une loi très controversée à Budapest, le chef du gouvernement tchèque a ainsi refusé de se joindre à l’appel au respect des valeurs européennes lancé par les dirigeants de dix-sept pays membres à Viktor Orbán, accusé de violer les règles européennes contre la discrimination et de stigmatiser les personnes homosexuelles. Andrej Babiš a décidé de ne pas apposer sa signature au bas de la lettre adressée à la Commission européenne, estimant que la loi hongroise en question ne concernait pas les pratiques sexuelles mais servait à protéger les enfants et leurs parents.
Andrej Babiš n’a pas non plus contredit Viktor Orbán l’année dernière lorsque celui-ci a exigé la démission de la commissaire européenne en charge des Valeurs, la Tchèque Věra Jourová, après qu’elle a qualifié la Hongrie de « démocratie malade ».
Enfin, toujours en juin dernier, à Strasbourg cette fois, les députés de Fidesz, le parti dirigé par Viktor Orbán, avaient compté parmi les rares à voter contre la résolution adoptée à une très large majorité qui pointe du doigt le conflit d’intérêts et les détournements de subventions agricoles dont Andrej Babiš est accusé depuis plusieurs années.
Bref, autant de bonnes raisons qui expliquent pourquoi Andrej Babiš appelle régulièrement Viktor Orbán « mon ami » et valaient bien aussi un petit coup de main de ce dernier qui, ce mercredi en fin d’après-midi, devait participer à un débat organisé par le mouvement ANO à Ústí nad Labem.