Presse : un nouveau style présidentiel et de l’ennui au Château de Prague ?

Petr Pavel et Miloš Zeman

Cette nouvelle revue de presse se penche d’abord sur le nouveau style présidentiel à attendre du chef d’Etat récemment élu Petr Pavel. Un autre sujet abordé : un  coming-out pas comme les autres dans le milieu du football professionnel tchèque. Le magazine s’intéressera également à la position de l’Etat sur la diffusion des fake news pro-russes et à l’attention vouée désormais par les représentants politiques aux régions. La dernière note est consacrée à la position de la Tchéquie à l’égard d’Israël.

« Avec le président Petr Pavel au Château de Prague (siège de la présidence), l’ennui peut nous guetter. Pourvu qu’il en soit ainsi », lit-on dans une note publiée sur le site novinky.cz. Son auteur  explique :

« Près de trente ans se sont écoulés depuis le moment où le premier président tchèque post-1989 a été élu. Sans qu’on s’en rende pleinement compte, on s’est depuis habitué à ce que le Château et la résidence présidentielle de Lány donnent naissance à des initiatives étonnantes, provoquant tantôt l’enthousiasme, tantôt l’indignation du public. Un stéréotype qui a aussi été source de divertissement. Les trois présidents d’après novembre 1989, Václav Havel, Václav Klaus, Miloš Zeman, étaient des figures fortes qui ont cherché, chacune à sa manière, à aller au-delà des prérogatives de leur fonction présidentielle. Une plate-forme qui leur permettait de faire éclore aux yeux la nation leur personnalité. Pour satisfaire son ego créatif, Václav Havel, par exemple, entretenait  beaucoup d’idées et de concepts inédits, dont notamment celui d’une politique non politique. »

« La rencontre de lundi entre les deux présidents, sortant et nouvellement élu, Miloš Zeman et Petr Pavel, semble augurer un nouveau style », estime l’éditorialiste. La conférence de presse tenue à son issue par ce dernier et menée d’un ton sec en serait une preuve. Il y a donc l’espoir, selon lui, que toute la présidence de Pavel soit, dans le bon sens du terme, ennuyeuse ».

Jakub Jankto : un coming-out pas comme les autres

« Le courageux coming-out fait par le jeune footballeur tchèque Jakub Jankto est plus important qu’on ne le croit », peut-on lire lire dans Deník N, un des nombreux périodiques locaux où cette nouvelle a trouvé écho :

« Il s’agit d’un moment charnière non seulement pour le football tchèque, mais pour l’ensemble du sport professionnel. Même si pour beaucoup une telle annonce n’est pas en elle-même choquante, elle l’est pourtant dans l’univers de football. Jusqu’ici en effet, aucun grand footballeur professionnel n’a dévoilé son orientation sexuelle durant sa carrière  active. C’est d’autant plus surprenant que cela se passe en Tchéquie, car la culture de football tchèque n’est pas très ouverte à la diversité ».

L’avalanche de commentaires positifs sur les réseaux sociaux pourrait faire croire que la société tchèque est prête à accueillir Jankto sur la pelouse les bras ouverts. Mais d’après le commentateur de Deník N, ce n’est pas si évident, car pour les supporters tchèques, l’homosexualité dans le milieu du football professionnel s’apparente à du jamais-vu. Il estime donc que tout en étant le premier, ce coming-out pourrait encourager les autres afin qu’il ne soit pas le dernier.

La désinformation, une arme de la Russie pour fragiliser la société tchèque

Comment l’Etat, confronté à la guerre hybride de la Russie et aux activités développées par ses soutiens en Tchéquie, va-t-il réagir ? Une question soulevée par le journal en ligne forum24.cz en lien avec la suppression du poste de chargé gouvernemental pour la lutte contre la désinformation. Le tout au moment où les désinformateurs sévissent dans le pays, le gouvernement demeurant réticent pour ne pas dire passif. L’éditorialiste du journal précise :

« Les efforts pour disloquer la société et affaiblir l’Etat tchèque par le biais des fake news et de mensonges sont faits de manière ouverte et systématique. Ces fausses informations que les gens recueillent ces derniers temps en ligne et qui sont diffusées par les sites prorusses prétendent, par exemple, que les résultats électoraux en Tchéquie, en Slovaquie et en France, auraient été faussés par un même algorithme. Ou encore que le candidat présidentiel battu Andrej Babiš a joué un rôle positif en s’opposant à la prétendue intention du gouvernement d’entraîner le pays dans la guerre. »

Le phénomène des fake new, comme le note l’éditorialiste, n’est pas un sujet pour les experts médiatiques, mais pour des spécialistes juridiques et sécuritaires :

« Depuis de nombreuses années déjà, les fake news sont des armes russes contre la société tchèque. Il est alors essentiel de se défendre, tant à l’aide d’un système de  représailles et de la justice que sur le plan civique. Le gouvernement quant à lui est appelé à agir promptement pour empêcher la fragilisation de l’unité et de la force morale de la société tchèque. »

Montrer un plus grand intérêt envers les régions

« Les politiciens ont découvert la carte de la Tchéquie », titrait un texte mis en ligne sur le site Seznam Zprávy en lien avec la visite effectuée cette semaine par le nouveau président élu Petr Pavel dans la région de Karlovy Vary, dans l’ouest de la Bohême :

Petr Pavel à Jáchymov dans la région de Karlovy Vary | Photo: Slavomír Kubeš,  ČTK

« Outre le nouveau chef d’Etat, le ministre des Finances Zbyněk Stanjura et le chef du mouvement ANO, Andrej Babiš, ont également fait part de leur intention de se rendre dans les différentes régions du pays pour communiquer en personne avec leurs habitants. Certes, cette initiative mérite d’être saluée, car les politiciens et les médias ont été - et pour cause - critiqués pendant des années pour leur prétendu désintérêt à l’égard de ces localités. Evidemment, toute occasion permettant de prêter l’oreille aux difficultés que les gens affrontent est la bienvenue. Effectivement mieux vaut tard que jamais. »

L’éditorialiste rappelle dans ce contexte les voyages effectués par le passé dans les régions par le président sortant Miloš Zeman. Un des rares côtés positifs de son mandat présidentiel que même ses adversaires sont prêts à lui reconnaître, selon lui. Toutefois, il remarque que des gens qui se sentent frustrés existent aussi à Prague et notamment dans les quartiers périphériques. Un constat que cette nouvelle « euphorie régionale » ne devrait pas faire oublier.

Deux regards sur le soutien tchèque à Israël

« Le soutien que les politiciens tchèques réservent à Israël est dépourvu de tout sens critique, mais les citoyens sont plus réticents à cet égard», rapporte un texte publié dans Deník Referendum, un journal de gauche en ligne. Son auteur explique:

Photo: drorlahat,  Pixabay,  Pixabay License

« La représentation politique tchèque porte sur Israël et le conflit israélo-palestinien un regard noir et blanc. Et ce même au moment de la montée au pouvoir de l’extrême-droite en Israël. Le soutien fort de ce pays est un trait qui caractérise traditionnellement la politique étrangère tchèque, certains diplomates allant jusqu’à qualifier les relations mutuelles de ‘spéciales’ ou de ‘stratégiques’. Les origines de cette position remontent à l’époque suivant la chute du régime communiste en 1989 et répondent aux efforts des élites politiques d’alors de s’intégrer dans les structures politiques et de défense de l’Occident. Ainsi, une des priorités de la politique étrangère de l’ancien président Václav Havel a été de rétablir les relations diplomatiques avec Israël, rompues après le putsch communiste de 1948. Ces relations n’ont eu depuis de cesse de se raffermir, sans égard à l’orientation politique de tel ou tel cabinet tchèque au pouvoir. »

Une récente étude effectuée par deux centres de recherche auprès de l’Université Charles de Prague a révélé que la population tchèque était plus réservée à ce sujet. Si la majorité des députés interrogés dans l’enquête ont qualifié les relations tchéco-israéliennes de bonnes, seuls quelque 44 % des personnes interrogées ont partagé cet avis. « Cela ne veut pas pour autant dire que la société tchèque soit pro-palestinienne. Il s’agit ni plus ni moins que de ce que la plupart des Tchèques n’ont pas d’avis précis sur les questions qui sont liées à Israël », ajoute l’éditorialiste de Deník Referendum.