Quand la projection laser rencontre les pinceaux des impressionnistes
Ce week-end encore, avant la fermeture des musées et galeries annoncée par le gouvernement à compter de lundi, les impressionnistes sont à l’honneur au Forum Karlín, à Prague. Depuis le 18 septembre s’y tient une exposition qui, grâce à des moyens modernes, immerge les visiteurs dans la tête de ces peintres qui ont bousculé les règles de leur art.
« Once Upon a Time, Van Gogh, Monet, Renoir… », c’est le nom de la nouvelle exposition consacrée aux impressionnistes au Forum Karlín à Prague. Vous pourrez y admirer le travail et les œuvres des plus grands peintres impressionnistes mais d’une façon pour le moins originale puis qu’aucune toile n’est exposée. Elles sont directement projetées sur plus de 2 000 m² d’écrans, le tout accompagné d’un environnement sonore.
Cela faisait quelques années que l’idée de consacrer une exposition de ce type était venue à l’esprit de Serge Grimaux, le producteur de l’événement et copropriétaire du Forum Karlín depuis juin 2019. Après avoir vu des expositions semblables à différents endroits dans le monde, en Asie ou à l’Atelier des Lumières à Paris par exemple, il a cherché à apporter le concept en République tchèque où cela ne s’était encore jamais fait.
Exposition-spectacle
Il a donc décidé d’équiper sa salle de 30 projecteurs lasers d’une grande précision et de projeter les images des œuvres les plus célèbres de ces peintres sur des écrans, le sol ainsi que sur des monolithes placés au milieu de l’espace afin de créer un environnement surréaliste ou plutôt… impressionniste. Cette exposition est unique de par son côté « caméléon » selon Serge Grimaux. En l’espace de trois heures, il peut démonter l’installation pour accueillir d’autres projets dans sa salle. Plutôt surprenant quand on sait qu’il a fallu plus de cinq mois pour préparer cette exposition-spectacle, le plus gros événement organisé au Forum Karlín depuis mars dernier.
« Les expositions donnent une possibilité aux gens de sortir de chez eux, d’avoir la chance d’être avec d’autres gens en respectant les règles de distanciation sociale et de pouvoir, dans un endroit comme le Forum Karlín contenant normalement 4 000 personnes, en avoir 500 en toute sécurité. Je pouvais donc répondre à un besoin de plus en plus omniprésent à savoir offrir du divertissement, avoir un échange, une communauté et pouvoir créer cette sorte d’endroit magique. »
Les œuvres des maîtres impressionnistes Van Gogh, Monet, Renoir et Degas recouvrent les différentes surfaces à l’intérieur du Forum Karlín de même que celles du précurseur du pointillisme Paul Signac et du Tchèque Bohumil Kubišta appartenant au mouvement cubiste. Certaines sont légèrement animées par endroits à l’image de l’eau qui ondule sous les célèbres nymphéas de Monet. Les tableaux semblent littéralement prendre vie.
Des coups de pinceaux apparaissent
« On prend des extraits de ces œuvres, on les montre intégralement au début puis on rentre dans l’œuvre. L’idée est de faire en sorte que lorsque les gens sont entourés par ces peintures-là, on les fait bouger et des coups de pinceaux apparaissent. On peut donc se mettre dans la tête du peintre. Les impressionnistes étaient l’un des premiers grands courants artistiques à sortir l’art des ateliers. Ils mélangeaient leurs couleurs à l’intérieur, s’en allaient à l’extérieur avec un chevalet, s’installaient au bord d’une rivière ou dans un pré et peignaient une espèce de conjugaison entre la lumière et les ombres. Ils peignaient pour que l’image ne soit pas nécessairement ce qu’il faut voir sur le tableau mais pour donner des éléments qui permettaient de recomposer ce que les autres voulaient voir dans leur tête. Si l’on veut, le pointillisme est la première forme de numérisation d’une image. »
La peinture n’est pas le seul sujet de cette exposition puisqu’une large place est également accordée à la musique. Les visiteurs sont libres de marcher ou de s’asseoir en se laissant transporter par les mélodies de compositeurs reconnus aujourd’hui mais qui, comme les impressionnistes, ont été critiqués au XIXème siècle. L’idée de l’exposition est de mêler ces deux arts afin de créer une expérience multi-sensorielle unique comme le rappelle Serge Grimaux :
Musique, jeu de lumières et de couleurs
« L’intelligentsia de l’art pictural au milieu du XIXème siècle n’appréciait pas l’impressionnisme né avec Monet. Les peintres ne pouvaient pas exposer dans les salons et ont dû créer le ‘Salon des indépendants’. Dans la musique, il y avait un nouveau courant avec des compositeurs comme Satie. Sa musique est répétitive et a été construite de façon à ne pas suivre les règles établies. A cela s’ajoutent Berlioz, Debussy ou Mahler. Ainsi, dans l’exposition les gens peuvent s’imaginer Renoir en train de peindre avec une de ces mélodies en tête. Oui, vous allez voir les œuvres que vous connaissez d’une façon différente, vous allez voir certaines se composer devant vous mais en plus de cela, on leur donne un mouvement et un environnement sonore. »
« Je voulais faire en sorte que les gens puissent, l’espace de quelques instants, oublier les problèmes qu’ils ont depuis six mois. Je voulais qu’ils puissent être ensemble également. Je pense que j’ai atteint ces deux buts-là car jusqu’à présent, les gens semblent beaucoup apprécier cette expérience. »
Et en effet, « Once Upon a Time, Van Gogh, Monet, Renoir… » apporte une touche de couleur en ces temps d’incertitude liés à la deuxième vague de l’épidémie. Depuis septembre dernier, l’exposition rencontre un grand succès et les spectateurs se surprennent à rester le temps de deux cycles de ce programme de 40 minutes afin de profiter pleinement d’une expérience unique dans l’univers des impressionnistes, pointillistes et cubistes.
« J’ai beaucoup apprécié cette exposition car c’est un format différent de ceux qu’on a l’habitude de voir. On était assis dans une pièce, les lumières évoluaient, on voyait les grandes toiles des différents artistes qui se succédaient et qui étaient projetées dans la salle. C’était intéressant car le jeu de lumières, de couleurs sur le sol et sur les murs nous immergeait dans les œuvres des artistes. »
L’exposition constitue une réelle bouffée d’oxygène à un monde du divertissement qui n’est pas près de retrouver sa situation d’avant-crise. La République tchèque comptait énormément sur la venue d’artistes étrangers dans le cadre de tournées internationales. Ces dernières ne reprendront pas pleinement avant le printemps 2022 selon Serge Grimaux qui en sait long sur le milieu. Il ajoute :
« Est-ce que cette exposition va corriger tout cela ? Sûrement pas ! Ce que cette exposition va faire, en plus de rassembler les gens et de leur donner une occasion d’oublier leurs problèmes, c’est de montrer qu’on est en vie. »
Pour plus d'infotmations : https://www.forumkarlin.cz/