Quand les chasseurs de mammouths de Dolní Věstonice disparaissaient lors de la dernière période glaciaire
Les chasseurs de mammouths ont quitté la région de Dolní Věstonice il y a environ 20 000 ans. Leur piste génétique s’est ensuite arrêtée et d’autres chasseurs d’Europe occidentale leur ont succédé sur le territoire de la République tchèque actuelle, selon une étude publiée dans la revue Nature sur la disparition de la culture de chasseurs de mammouths dans le sud de la Moravie il y a 20 000 ans.
On ne le répétera jamais assez : la Tchéquie recèle de trésors archéologiques uniques en Europe. Et au fil du temps, les recherches scientifiques et les nouvelles technologies affinent notre connaissance de la préhistoire de ce territoire. Et la Moravie en particulier est d’une richesse incomparable en termes de vestiges préhistoriques. « Cœur battant de la civilisation gravettienne » (31 000 – 23 000 avant le présent), comme l’expliquait récemment sur notre antenne le grand préhistorien Marcel Otte, la Moravie continue d’être étudiée et explorée.
Justement, l’équipe scientifique autour de Cosimo Posth et Svante Päabo, lauréat du prix Nobel de médecine pour ses travaux sur la paléogénétique, s’est intéressée à la façon dont la répartition des populations préhistoriques et leur profil génétique ont changé après la dernière période glaciaire, il y a environ 24 à 20 000 ans (dernier pic de la dernière période glaciaire). Pour réaliser la carte génétique publiée dans la revue Nature, les dépouilles de 356 hommes et femmes ayant vécu entre 50 000 et 5 000 ans avant J.-C. ont été étudiés. Pendant la période la plus intense de la dernière ère glaciaire, une partie de l’Europe était recouverte de glace et le permafrost s’étendait jusqu’à l’actuelle République tchèque. Le climat est devenu plus froid et plus sec, entraînant d’importantes migrations. Les chasseurs de mammouths du sud de la Moravie n’ont alors pas réussi à faire face à la situation, a expliqué Jiří Svoboda, de l’Institut d’archéologie de Brno de l’Académie tchèque des sciences, à la radio tchèque.
« Cette culture des chasseurs de mammouths de Dolní Věstonice était très spécifique, très développée, mais par conséquent ils étaient très dépendants des mammouths et d’un large éventail d’autres animaux plus petits et d’espèces végétales pour leur alimentation. Il s’agissait d’une société de chasseurs complexe, très sensible aux changements climatiques, et il n’est donc pas surprenant qu’elle ait disparu. »
Sur les plus de 300 restes humains étudiés par les scientifiques, ceux de trois hommes de la localité de Dolní Věstonice, cette région connue notamment pour sa célèbre statuette de femme en céramique. Une analyse complète de leur génome et une comparaison avec les autres dépouilles ont montré qu’après l’apogée de la dernière période glaciaire, la trace génétique des chasseurs de Dolní Věstonice et de Pavlov, autre site majeur en Tchéquie, a disparu. Ces chasseurs de mammouths ont quitté le territoire de l’actuelle Tchéquie, migrant probablement plus à l’est.
« Les recherches archéologiques indiquent que les périodes de grand froid ont paradoxalement poussé les animaux vers l’Europe de l’Est, moins touchée par la glaciation. »
Les nouvelles méthodes scientifiques et les technologies actuelles permettent d’obtenir des échantillons plus complets et surtout moins destructeurs, explique Jiří Svoboda :
« L’analyse génétique implique de percer les ossements ce qui est un gros problème. En outre, ces restes peuvent être contaminés par les personnes qui sont en contact avec les ossements. Dans les années 1990, il y avait une forte pression pour faire des prélèvements un peu partout et trop de squelettes ont été ainsi détruits. Dans le cas présent, nous avons essayé d’éviter cela et attendu que les méthodes se développent, ce qui nous a permis de préserver les ossements de Dolní Věstonice. »
Comme bien souvent derrière ces importantes avancées scientifiques, il y a l’Institut Max Planck de Leipzig, à l’origine de nombreuses découvertes ces dernières années. C’est notamment à lui que l’on doit une nouvelle datation, bien plus ancienne, du crâne de Zlatý Kůň en Bohême. Et c’est également dans ses laboratoires que travaille le Prix Nobel Svante Päabo, co-auteur de cette étude parue dans Nature : l’Institut Max Planck a produit un modèle 3D détaillé des trois squelettes moraves et a également joué un rôle majeur dans le prélèvement d’échantillons de la manière la moins invasive possible.
Aujourd’hui donc, l’hypothèse dominante pour expliquer la disparition de ces populations est écologique. Sous la pression de ce maximum glaciaire : la végétation de ce qui deviendrait un jour la Tchéquie s’est raréfiée, les troupeaux d’animaux se sont déplacés entraînant la baisse des sources de subsistance. Et d’autres peuples venus d’Europe occidentale ont su s’adapter aux changements climatiques, succédant à cette ancienne culture de chasseurs de mammouths.
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