Reconstruction de l’Ukraine : un chantier colossal pour la Tchéquie aussi
Tout en continuant de soutenir la lutte de l’armée ukrainienne contre la Russie, le gouvernement tchèque envisage aussi déjà, depuis plusieurs mois, l’après-guerre dans un pays dévasté par les combats. La nomination, mercredi, d’un chargé spécial de cette mission confirme que Prague a fait de la reconstruction et de la transformation de l’Ukraine une de ses priorités pour les prochaines années dans le cadre de son action à l’international et de sa diplomatie économique.
Alors que des combats particulièrement violents font actuellement rage dans le Donbass, mettant une nouvelle fois à l’épreuve la capacité de résistance des soldats et la résilience du peuple ukrainiens, la République tchèque continue de figurer parmi les pays apportant un soutien particulièrement important à Kyiv. Le chef de la diplomatie, Jan Lipavský, l’a encore répété lors de son passage dans les studios de Radio Prague International la semaine dernière, Prague n’envisage pas d’autre issue à la guerre qu’une victoire de l’Ukraine.
L’annonce par le ministre de la nomination de Tomáš Kopečný aux fonctions de « chargé de la reconstruction de l’Ukraine » entre dans le cadre de cette vision des choses et, comme l’a aussi souligné Jan Lipavský, de l’évolution de la situation sécuritaire et internationale. Mais comme le principal intéressé l’a expliqué à la Télévision tchèque mercredi, sa première mission consistera à gérer de manière plus efficace l’organisation de l’aide à l’Ukraine :
« ‘Coordination’ est le mot-clef. C’est d’abord pour coordonner que cette fonction a été pensée. Nous sommes en présence en République tchèque d’une multitude de gens et d’institutions qui aident l’Ukraine. Il y a bien évidemment l’État en tant que tel, mais aussi des ONG, des entreprises et divers groupes de volontaires. Leurs efforts aident aussi l’économie tchèque. Il ne s’agit pas seulement des exportations de systèmes d’armes, mais aussi de l’aide humanitaire et au développement qui contribue au renouveau des régions détruites par la guerre. »
Alors que l’économie tchèque traverse une période de fort ralentissement du rythme de sa croissance, l’industrie de l’armement ne s’est, elle, jamais aussi bien portée en raison précisément de la guerre en Ukraine. Les entrepôts se sont vidés, les entreprises produisent des armes et des munitions en quantités inégalées depuis la fin de la guerre froide, et elles embauchent. Tomáš Kopečný, qui jusqu’alors occupait les fonctions de ministre adjoint de la Défense, est bien placé pour le savoir.
Sans même tenir compte de l’immense travail réalisé, par exemple, par Člověk v tísni (L’Homme en détresse), qui est la plus grande ONG existante en République tchèque, qu’il s’agisse des ministères de la défense, des affaires étrangères, de l’industrie et du commerce, des transports ou encore de la Santé, ce travail de coordination sera important au sein même du gouvernement.
En plein cœur de l’hiver, les infrastructures énergétiques ukrainiennes notamment, prises pour cible par les forces russes depuis l’automne, sont particulièrement endommagés et nécessitent une aide d’urgence. Une aide cette fois davantage d’ordre international à laquelle la République tchèque entend toutefois bien participer activement elle aussi. Tomáš Kopečný précise de quelle manière :
« Les grandes négociations de format international auxquelles nous avons été conviés grâce à notre rôle actif, à savoir le format G7 + quelques pays d’Europe centrale et de l’Est, concernent précisément les infrastructures énergétiques. Ces négociations ont commencé la semaine dernière et c’est aussi la raison pour laquelle nous avons créé ce poste de chargé de reconstruction. Je pense que c’est là un format dans lequel nous serons en mesure non seulement de coordoner ce que nous avons déjà fait, ce que nous faisons ou ce que nous prévoyons de faire, mais aussi et surtout, grâce à la participation financière des pays plus riches, de fournir un savoir-faire et des solutions tchèques en Ukraine. »
Chantier colossal dont le montant a été évalué à plus de 500 milliards de dollars par la Banque mondiale, la reconstruction de l’Ukraine a déjà commencé dans certaines régions. Un coût qui, selon Tomáš Kopečný, sera supporté par les pays les pluis riches du « monde libre », et ce, malgré l’éloignement de certains d’entre eux, comme le Japon ou l’Australie (qui participe aux négociations du G7), avec les lignes de front :
« Il est clairement entendu que ce conflit concerne aussi les pays géographiquement éloignés, tout simplement parce qu’il concerne directement le monde libre. Si l’invasion de l’Ukraine était un succès pour la Russie, cela renforcerait par exemple la menace de la Chine pour le Japon. Il ne s’agit donc pas d’une guerre isolée géographiquement. Au contraire, c’est une guerre qui montre les possibilités de l’agresseur et qui délimite son champ d’opération. »
Marché de 40 millions d’habitants, l’Ukraine, toujours selon Tomáš Kopečný, s’est engagée sur la voie d’une « modernisation et d’une occidentalisation radicales », représentant ainsi « un énorme attrait pour les investisseurs ». Et en raison de la proximité géographique et culturelle, mais aussi de l’accueil de plus de 400 000 réfugiés ukrainiens en 2022, sa reconstruction participera très probablement à faire de la République tchèque un pays encore plus prospère.
Ainsi, rien que depuis le début de la guerre, alors que 95 % de ce qui a été exporté en Ukraine depuis la République tchèque a été payé par les gouvernements ukrainien, américain ou d’autres pays riches comme les Pays-Bas, la République tchèque a déjà vendu des armes pour un montant de plus de 1,5 milliard d’euros.