Réhabilitation du "baroque stalinien"
"Le baroque stalinien", c'est ainsi que les autochtones sont habitués à appeler l'architecture de Poruba, banlieue de la ville d'Ostrava en Moravie du Nord. Ce quartier construit dans le style du réalisme socialiste s'inspirait de l'architecture soviétique. Décriée pendant des années pour son éclectisme, donnée pour exemple du mauvais goût, Ostrava-Poruba prend aujourd'hui sa revanche. Depuis ce lundi, un secteur de Poruba fait partie des monuments historiques protégés par la loi.
Encore au début des 1950, Poruba n'était qu'un village situé dans la proximité immédiate d'Ostrava, un important centre industriel de Moravie. On a décidé d'y construire des logements pour 150 000 personnes employées en grande partie dans des mines et des usines métallurgiques de la ville. On y a édifié de nombreux immeubles solides, de larges boulevards, des parcs, des terrains de jeu. Les façades ont été agrémentées de petites tours, de statues et de sgrafittes représentant les acquis du peuple, la vie heureuse des ouvriers construisant le socialisme. Aujourd'hui encore ces hommes musclés et ces femmes robustes sur les toits des maisons brandissent des marteaux, des serpes et d'autres symboles communistes mais la charge idéologique qui alourdissait leurs gestes n'est plus ce qu'elle était. Elle n'est plus perçue comme une menace, mais plutôt comme une curiosité. Les spécialistes apprécient la conception urbanistique généreuse de cette ville satellite, ses innombrables cours, parcs, espaces de repos et de loisir. Ils constatent, d'ailleurs, que les architectes des années 1950 ne se sont pas inspirés que de l'exemple soviétique, mais aussi de l'architecture tchèque du passé, notamment celle de la Renaissance. Ils attirent l'attention aussi sur les connotations entre le style historisant soviétique et certaines tendances dans l'architecture américaine du début du 20ème siècle, en comparant, par exemple, certains édifices de Moscou avec le gratte-ciel de la Cour suprême de New York. Les habitants de Ostrava-Poruba, eux, ne semblent pas s'intéresser trop à ce débat. Ils aiment bien leurs immeubles relativement confortables, et ils se sont fait depuis longtemps au "baroque stalinien". Ils espèrent seulement que la soudaine promotion de leur quartier au niveau de monument historique, ne leur apportera pas trop d'inconvénients et que l'Institut du patrimoine ne les empêchera pas de moderniser leurs appartements.