Reine Sammut à Prague : « Vos champignons m’intéressent beaucoup »
Reine de la truffe et de la cuisine provençale, Reine Sammut est à Prague tout au long de cette semaine. Plus précisément au restaurant Avantgarde (dans le quartier de Dejvice), où avec le maître des lieux Patrik Havlíček, la chef française étoilée au Guide Michelin propose un menu 100 % méditerranéen. Radio Prague a rencontré Reine Sammut et lui a d’abord demandé d’en dire un peu plus sur cette invitation dans la capitale tchèque et le choix de ses plats :
Justement, quelle est la composition de ce menu ?
« J’ai choisi principalement des plats qui étaient bien représentatifs de la maison, en hiver je précise. Parce que c’est vrai que je fais de la cuisine méditerranéenne qui est beaucoup autour des légumes, des poissons ou de l’agneau, mais j’ai quand même fait quelque chose qui ressemble à ma cuisine d’hiver. J’ai donc fait un carpaccio de Saint-Pierre à la vanille, une rémoulade de céleri aux truffes avec des Saint-Jacques, parce que c’est la saison de la truffe chez nous en ce moment et qu’on habite dans la région où on produit le plus de truffes. Ensuite, j’ai fait un ragoût de fèves et d’asperges aux truffes aussi. C’est un tout petit peu plus printanier, mais chez nous je commence déjà à servir des asperges et c’est vraiment représentatif de la Provence. Puis il y a un rizotto aux truffes et quelque chose d’un peu différent, un turbot à la vapeur de coriandre servi avec une crème un peu citronnée, yuzu, des brocolis et des petits épinards nouveaux. Enfin, pour finir le salé, j’ai servi un pigeonneau en salmis avec une petite rôtie farcie et une poignée de champignons. Et pour faire digérer tout ça, un sorbet au romarin qui est une herbe avec laquelle on fait souvent des infusions et qui est donc très digestive. Et pour finir une tarte tiède au chocolat amer avec un coulis et un sorbet aux fruits de la passion. »Tous ces produits, vous les emportez avec vous ou y en a-t-il certains que vous trouvez sur place ?
« A vrai dire, j’en ai trouvé beaucoup sur place, même tous pratiquement. Le restaurant a fait venir des truffes et j’ai apporté l’huile d’olive dans ma valise. Je ne pouvais pas imaginer ce que j’allais trouver ou pas, car c’est la première fois que je viens ici, mais si j’avais su, j’aurais pu aussi apporter du jus de truffe. Et les truffes, j’aurais pu les apporter. Cela aurait été plus facile que de les faire venir, surtout que je suppose que ce n’était pas non plus le même prix. Mais bon, pour une première expérience, nous sommes assez bien organisés. J’ai trouvé tout ce qu’il me fallait. »Vous avez évoqué par exemple les champignons dans votre menu. Savez-vous que beaucoup de Tchèques ont pour passion la cueillette des champignons ? A une telle échelle, c’est même un phénomène que l’on ne retrouve que dans très peu d’autres pays, voire peut-être même nulle part ailleurs. Est-ce quelque chose qui peut être intéressant pour vous en tant que chef cuisinière ?
« Ah oui ! C’est très intéressant ! En tous les cas, pour l’avenir, je pense que ce serait une bonne idée de faire une sorte de compte-rendu de la façon dont les choses se passent ici, sur les tendances de cuisine et sur ce que les gens aiment et recherchent, avant d’inviter un chef pour que celui-ci sache dans quelle atmosphère il va se trouver. Parce que bon, moi j’arrive avec ma cuisine, mais je suis aussi très intéressée en tant que cuisinière par tout ce qui se passe ailleurs, par ce que je pourrais y trouver et ce que l’on pourrait échanger. Là, pour le moment, je ne sais pas, mais cette histoire de champignons m’intéresse beaucoup. »Vous êtes une spécialiste de la Provence, mais cette cuisine est-elle envisageable dans d’autres pays justement en partant des produits locaux ?
« Oui, ça m’intéresse, parce que selon les pays où j’arrive, je ne trouve absolument pas les produits qui me conviennent et je n’ai pas envie de tout faire venir de France. Mais je peux m’adapter. S’il n’y a pas de carottes, je peux utiliser des panais, et s’il n’y a pas de navets, je peux utiliser un autre légume. Je peux arriver à adapter quelque chose qui donnera quand même un petit air de Provence à des produits qui sont locaux. C’est vraiment quelque chose qui m’intéresse… Parce que dans ma cuisine en Provence, j’utilise des produits qui à 90 % viennent de moins de cinquante kilomètres à la ronde. On devient très ‘locavores’ justement pour préserver la planète. C’est pour ça que l’idée de me donner un panier de produits locaux pour que je puisse les cuisiner à ma façon méditerranéenne ou provençale me plaît beaucoup. J’aimerais bien faire ça ! »Il va falloir que vous reveniez, alors…
« Oui, et avec plaisir ! »