Revue de presse : la chute du ČSSD – Coronavirus, une crise sans précédent depuis 1968 à Prague

Photo: Site officiel du parti ČSSD

L’affaiblissement sans précédent de la position du Parti social-démocrate (ČSSD) sur l’échiquier politique tchèque. Vers quelles formations politiques les électeurs qui semblent se détourner prudemment du mouvement ANO d’Andrej Babiš pourront s’orienter prochainement ? La propagation du Covid-19, « la plus grande crise que le pays ait connue depuis l’année 1968 » - ce sont les thèmes de notre revue de presse hebdomadaire.

« Le traditionnel parti de gauche, le Parti social-démocrate (ČSSD), ne sait pas très bien ce qu’il veut. C’est pourquoi il va très probablement disparaître » : un avis exprimé dans une analyse publiée dans l’hebdomadaire Respekt en rapport avec la débâcle de ce parti et l’affaiblissement des communistes aux récentes élections régionales et sénatoriales partielles. « Un constat qui semble anticiper le moment où aucun parti de gauche ne sera plus représenté au Parlement », écrit son auteur avant de souligner :

« Si les communistes de Bohême et de Moravie (KSČM) devaient quitter la scène politique, on pourrait s’en féliciter, car ils continuent de vivre dans un passé totalitaire. La disparition de la social-démocratie, le plus ancien parti du pays, serait en revanche une tragédie politique ».

La chute de la social-démocratie, toujours selon le commentateur de Respekt, serait liée à son engagement gouvernemental au côté du mouvement ANO d’Andrej Babiš, une partie de ses membres et de ses électeurs le percevant d’un œil critique. Paradoxalement, c’est le départ d’une autre grande frange de son électorat vers Babiš qui se présente comme une autre explication pertinente de cette chute. D’autant plus que le ČSSD est en mal de leaders charismatiques. Le commentateur écrit en conclusion :

« Le mouvement ANO qui mise sur l’électeur de gauche n’est pas pour autant une formation de gauche classique. On peut estimer que dès qu’il sera dans l’opposition, il oubliera sans hésiter les idées ‘gauchisantes’. Les Pirates, quant à eux, sont dans une certaine mesure orientés à gauche. Mais tout en demeurant libéraux, ils attirent les habitants des villes et les classes moyennes. En Tchéquie, la division droite et gauche est jugée dépassée. N’empêche que certaines classes de la société souhaitent des représentants qui défendent leurs valeurs et leurs intérêts. L’absence de la gauche augmentera le risque de voir les extrémistes prendre leur place. »

Vers où les sympathies des électeurs de Babiš vont-elles prochainement aller ?

Photo: Michaela Danelová,  ČRo

« Certains électeurs mécontents se détournent d’Andrej Babiš. La question est alors de savoir s’ils ne cherchent pas quelqu’un de plus virulent encore ». Tel est le titre d’un commentaire publié sur le site aktualne.cz qui soulève à son tour la possibilité de la montée en Tchéquie des partis de l’extrême droite et qui explique :

« La baisse de la cote du mouvement ANO d’Andrej Babiš qui a été confirmée par le dernier sondage de l’agence Kantar ne signale pas la tendance de ses électeurs à opter désormais pour les partis dits démocratiques. Suite à la crise de coronavirus mal gérée, on peut estimer qu’ils chercheront un parti auquel ils voudront donner leurs voix de protestation. Outre une opposition démocratique, il existe effectivement en Tchéquie une opposition composée de partis extrémistes qui peut tirer de l’impuissance gouvernementale et du chaos un grand profit. Ce sont notamment le parti SPD de Tomio Okamura dont les intentions de vote se situent autour de 8% ainsi que le mouvement Trikolóra de Václav Klaus junior qui, fondé récemment, recueille quelque 3%. Leur éventuelle coalition aux prochaines élections législatives pourrait surprendre ».

Le commentateur du site aktualne.cz retient un autre point issu de ce récent sondage :

« Tandis que lors de la première vague de la pandémie, près de 60% de la population tchèque considérait la situation politique comme satisfaisante, à l’heure actuelle, ce chiffre varie autour de 27 % seulement. Or, il y a un assez grand nombre de gens mécontents qui seront une cible électorale tant pour l’équipe de Babiš que pour le camp démocratique et les formations extrémistes. Le succès de l’opposition démocratique dépend dans une grande mesure de leur volonté de ne pas se limiter uniquement aux critiques à l’adresse du gouvernement actuel, mais de présenter des propositions positives ».

Le Covid-19, une crise que les Tchèques n’ont pas connue depuis l’an 1968

Photo illustrative: Sergej Semjonow/Pixabay,  CC0

La deuxième vague de la pandémie du Covid-19 est accompagnée d’amertume et de colère. C’est ce que souligne un commentaire publié dans le journal Deník N qui rappelle qu’au printemps, la population luttait en bon accord contre un ennemi invisible et inconnu. « A l’heure actuelle, ceux qui nous dirigent et sur lesquels nous voulons compter ont permis qu’il se propage parmi nous », explique-t-il avant d’ajouter :

« En plus, cet ennemi a des alliés, des gens qui refusent de se comporter d’une manière rationnelle et responsable, que cela soit pour des raisons politiques ou par paresse. Cela concerne aussi certaines célébrités locales qui diffusent sur les réseaux sociaux de fausses nouvelles ».

L’auteur d’une note mise en ligne sur le site novinky.cz rapporte que depuis bien longtemps, on n’a pas été confronté à un grand défi. « Bref, on avait de la chance. Mais la vie confortable est finie », remarque-t-il.

Le commentateur du supplément Víkend du quotidien économique Hospodářké noviny constate que la Tchéquie est le seul pays qui ferme les écoles. L’occasion pour lui de remarquer :

« La pandémie a montré une nouvelle fois qu’en Tchéquie, l’enseignement scolaire et l’éducation ne constituent pas une priorité. Ce n’est pas seulement le gouvernement d’Andrej Babiš qui en est responsable, car il s’agit, et ce depuis longtemps, d’un problème clé de notre société ».

Le magazine Respekt rappelle pour sa part que depuis l’occupation du pays par les chars soviétiques en 1968, la Tchéquie n’a jamais été véritablement touchée par une crise. D’après ce qu’il souligne, « on s’est laissé endormir par l’idée que les catastrophes se déroulaient uniquement dans un monde éloigné et incertain, d’où la faible capacité de vigilance ».

Le site echo24.cz s’est penché sur l’impact des mesures de restriction pour les très nombreux entrepreneurs vietnamiens en Tchéquie qui possèdent notamment des restaurants, des bistros et des commerces :

« La situation s’annonce difficile pour la génération âgée de Vietnamiens qui, tout en vivant en Tchéquie depuis des dizaines d’années, maîtrisent mal la langue tchèque et qui, de ce fait, n’arrivent pas à s’y retrouver dans la nébuleuse des restrictions qui sont présentées au jour le jour dans les médias ou sur internet. C’est donc aux traductions de leur progéniture qu’ils doivent recourir. Par ailleurs, souvent chaotiques, ces restrictions demeurent peu compréhensibles même pour les Tchèques ».

Le magazine Reflex observe que la pandémie de coronavirus a confirmé que les Tchèques étaient une nation de coureurs. « En rapport avec la situation actuelle, un tiers d’athlètes se sont mis à courir plus qu’auparavant », précise-t-il en se rapportant à une enquête qui révèle également que près de 30% des Tchèques font un jogging au moins une fois par mois.