Robert Fremr, premier juge tchèque à la CPI

Cour pénale internationale, photo: Commission européenne

Pour la première fois de l’histoire, un Tchèque est devenu juge à la Cour pénale internationale (CPI). Ancien juge à la Cour suprême de République tchèque et au Tribunal pénal international pour le Rwanda, Robert Fremr a pris ses fonctions à La Haye ce vendredi.

Robert Fremr,  photo: Alžběta Švarcová,  ČRo
Pour les Tchèques, Robert Fremr, c’est certes d’abord et avant tout une autorité reconnue dans le droit pénal national et international, mais aussi une anecdote qui résume assez bien le personnage, sa vision des choses et l’orientation prise par sa carrière : en 1987, alors qu’il n’était encore âgé que de 31 ans, quatre ans seulement après l’obtention de son diplôme à l’Université Charles de Prague, Robert Fremr avait été le dernier juge à prononcer une peine de mort en Tchécoslovaquie. Le condamné, auteur du meurtre de deux enfants, n’avait toutefois finalement pas été exécuté, la peine capitale ayant été abolie en 1989. Vingt-cinq ans plus tard, fort de son expérience internationale, Robert Fremr porte un regard différent sur le sujet :

« A l’époque, j’étais vraiment convaincu du bien-fondé de la peine de mort, et je n’ai pas honte de le dire aujourd’hui encore. Mais plus tard, j’ai discuté de la chose avec des collègues d’autres pays et j’ai alors pris pleinement conscience de la question des droits de l’homme qui, avant 1989, était chez nous comme un mirage. Après toutes ces longues discussions, j’en suis arrivé à la conclusion que la société n’avait pas le droit de prendre la vie même du pire des hommes sur Terre. Il y a plusieurs arguments à cela, qui sont d’ordre religieux, sociologique ou philosophique. Mais le plus important selon moi est qu’avec la peine de mort nous nous abaissons au niveau du malfaiteur. Or, au contraire, nous devons lui faire comprendre que même si nous le condamnons à une peine de prison à vie, nous valons mieux que lui. »

Depuis, et comme en témoigne l’évolution de sa position sur la question, Robert Fremr a fait bien du chemin et s’est spécialisé dans les arcanes de la justice internationale, qui, elle non plus, ne reconnaît pas la peine de mort. Après avoir gravi tous les échelons du système judiciaire tchèque jusqu’à exercer les fonctions de juge de la Cour suprême, il a d’abord été nommé au Tribunal pénal international pour le Rwanda, un poste qu’il a occupé en Tanzanie voisine jusqu’en 2008, puis à nouveau de 2010 à 2012. Robert Fremr a également représenté la République tchèque au sein de plusieurs comités d’experts du Conseil de l’Europe spécialisés dans la lutte contre le crime organisé et la corruption, ainsi que dans les questions relatives aux droits de l’homme.

Cour pénale internationale,  photo: Commission européenne
Un parcours qui l’a donc amené à être nommé à la CPI, en décembre 2011, un succès certain pour la diplomatie tchèque qui a mené la campagne en sa faveur. Ce n’est toutefois que quinze mois plus tard, ce 1er mars donc, que Robert Fremr est entré officiellement en fonction à La Haye. Durant son mandat de neuf ans, le juge tchèque espère entre autres contribuer à raccourcir la durée des procédures à la CPI. Pour autant, il n’est pas dupe des limites tant de son nouveau rôle que de celui de la Cour, notamment en raison de l’aspect politique du mode de fonctionnement de celle-ci. Robert Fremr explique pourquoi :

« C’est précisément la grande différence qui existe entre la justice nationale et internationale. En tant que juge tchèque, je me félicite que dans mon pays, mon activité ne fasse l’objet d’aucune influence ou pression politique. Il ne m’est jamais arrivé qu’un politique m’appelle pour me dire quelle décision je devais prendre. En revanche, pour ce qui est des affaires internationales, et notamment à la CPI, ses règles de fonctionnement tiennent compte ouvertement de l’influence politique, et ce pour une raison évidente, à savoir que le Conseil de sécurité de l’ONU en est un acteur essentiel. Le Conseil de sécurité intervient dans la partie juridique, or c’est un corps purement politique. »

La CPI est composée de dix-huit juges de différents pays. Mais son influence est limitée par le fait que les plus grandes puissances mondiales (Etats-Unis, Russie, Inde et Chine notamment) ne lui accordent pas leur soutien. Une réalité que regrette également Robert Fremr, dont l’expérience avec le Rwanda sera néanmoins utile à une juridiction qui, depuis sa création il y a une dizaine d’années, a ouvert une procédure dans sept cas, tous en Afrique.