Du 5 au 16 janvier se sont tenus à Melbourne, les XXes Deaflympics games, Jeux olympiques d'été des sourds et malentendants. Plus de 3500 sportifs, parmi lesquels 46 Tchèques, ont participé au deuxième plus ancien événement multisport au monde. Au total, ce sont six médailles que trois athlètes et un coureur cycliste tchèques ont remporté en Australie à l'occasion d'une manifestation hors du commun.
C'est en France, en 1924, qu'a vu le jour le Comité International des Sports Silencieux (CISS). La même année, à Paris, sont organisés les premiers jeux mondiaux silencieux, réunissant 133 concurrents de neuf pays européens. Pourtant, il fallut encore attendre trente et un ans pour que le Comité International Olympique, en 1955, reconnaisse officiellement le CISS comme fédération internationale à rang olympique. Aujourd'hui, les Jeux olympiques des sourds restent une manifestation très mal connue du grand public, ce dernier la confondant volontiers avec les Jeux paralympiques. Pendant longtemps, la question fut d'ailleurs de savoir si, oui ou non, le CISS devait être rattaché au Comité International Paralympique. Mais derrière cette question se cache une autre interrogation : pourquoi les sourds, qui ne sont pas handicapés physiquement, pratiquent-ils leur activité à part des autres sportifs « valides » ? Mercredi, les quatres représentants tchèques à avoir ramené six médailles de Melbourne ont été présentés à la presse. A cette occasion, le président exécutif du Comité Paralympique Tchèque, Frantisek Janouch, a donc fourni quelques explications :
Le président exécutif du Comité Paralympique Tchèque Frantisek Janouch
« C'est difficile à expliquer, mais je vais dire les choses telles qu'elles sont. Toutes les associations de personnes handicapées se retrouvent, de temps à autre, dans des situations de conflit. Et cela à cause d'une question très étrange: qui est le plus handicapé ? Qui va le plus mal ? En République tchèque, nous avons résolu ce conflit en nous mettant d'accord pour ne plus en parler. C'est la seule solution raisonnable, car autrement, c'est une question à laquelle il n'est pas possible de répondre objectivement. Quoiqu'il en soit, l'UNESCO a réalisé une étude et a mesuré l'importance des différents handicaps selon des critères plus ou moins fiables. Il en est ressorti que les personnes les plus handicapées sont les handicapés mentaux, ensuite les sourds, et, seulement après, les autres handicapés. Pourquoi en est-il ainsi ? Imaginez que vous êtes quelqu'un qui n'entend rien du tout. Depuis que vous êtes tout petit, vous utilisez le langage des signes pour vous exprimer. Ce langage constitue votre monde, votre univers. Mais le langage des signes est un monde dans lequel les noms communs sont déclinés selon un seul cas (la langue tchèque possède sept cas de déclinaison qui s'appliquent aux noms propres et noms communs, plus généraleemnt aux substantifs, adjectifs et pronoms, ndlr) et les verbes ne sont pas conjugués, ils sont tous à l'infinitif. Il s'agit donc d'un langage et d'un monde très primitifs. Et vous, dans un cadre limité par un vocabulaire limité, vous découvrez un autre monde, extérieur au vôtre, différent de celui dans lequel vous vivez. Lorsque vous arrivez à l'école, on vous apprend à lire. C'est une situation comparable à celle que nous avons connue lorsque nous étions forcés d'apprendre le russe. Seulement, à la sortie de l'école, nous ne nous rappelions plus un seul mot de russe et parlions tchèque. Pour les sourds et muets, c'est la même chose, dès qu'ils sortent de l'école, ils communiquent de nouveau avec les signes. Ils apprennent donc à lire, mais c'est la même chose que pour une langue étrangère. Si vous ne la pratiquez pas, vous l'oubliez. C'est pourquoi la grande majorité des personnes qui n'entendent pas ne savent pas lire, et ce malgré qu'ils aient appris à le faire à l'école. Par conséquent, ils vivent et raisonnent dans leur propre monde, primitif, avec des verbes à l'infinitif. Et c'est aussi pour cette raison qu'ils pratiquent leur sport à part des autres, parce qu'ils ont leur propre monde. »
Retrouvez des informations plus complètes sur les Jeux olympiques des sourds et la participation tchèque le 31 janvier dans notre rubrique sportive, diffusée le lundi et le mardi. Une émission spéciale consacrée au sport silencieux qui sera agrémentée d'entretiens exceptionnels avec deux médaillés tchèques.
