Six mois de guerre en Ukraine : rentrer à la maison… ou non ?
Fête nationale ukrainienne, le 24 août marque l’indépendance du pays vis-à-vis de l’URSS, proclamée en 1991. Ironie du calendrier, en 2022, cette date coïncide avec celle des six mois depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
En conséquence, depuis le 24 février, plus de cinq millions de personnes auraient fui l’Ukraine, d’après l’Agence des nations unies pour les réfugiés (UNHCR). La République tchèque a accordé un visa de protection temporaire à plus de 400 000 d’entre eux – des femmes et des enfants pour la plupart, puisque les hommes en âge de travailler ne sont pas autorisés à quitter leur pays en guerre.
Nombre de ces réfugiés sont rentrés en Ukraine dès que les combats ont cessé dans leurs villes d’origine. D’autres ont préféré rester en République tchèque pour le moment. D’autres, enfin, s’imaginent y rester définitivement – ou hésitent encore. Témoignages.
Originaire de Mykolaïv, Anna a fui l’Ukraine pour la République tchèque en mars, accompagnée de sa fille et de son petit-fils. Elle a beaucoup apprécié l’accueil chaleureux qu’elle a reçu à Prague, mais après cinq mois ici, leur chez-eux leur manque. Néanmoins, elle ne prévoit de rentrer qu’une fois la guerre terminée, lorsque leur ville d’origine sera sûre. Pour l’instant, l’armée russe bombarde Mykolaïv presque chaque jour, se désole Anna :
« Pourquoi prendre ce risque ? C’est terrifiant. Mais je veux rentrer à la maison. Mais tant que la guerre dure, on ne peut pas prendre ce risque, surtout pour les enfants. Je ne peux pas me permettre de mettre des enfants en danger. Si j’avais été seule, je n’aurais même pas quitté le pays. Je ne voulais pas partir. Mais lorsqu’après une explosion, des débris de la maison voisine ont atterri dans notre cour, j’ai vraiment pris peur. Mais malgré ça, je veux rentrer à la maison. J’aimerais revenir dans une ville qui n’aurait pas été complètement détruite. J’espère que cela sera possible. »
Julia et son fils ont quitté Odessa pour s’installer à Teplice, dans la région d’Ústí nad Labem. Très dynamique, la jeune femme a rapidement trouvé un travail : au centre d’enregistrement des réfugiés, elle distribue les packs de démarrage gratuits des opérateurs de téléphonie mobile. Mais Julia veut aller de l’avant. Elle prévoit de gérer sa propre entreprise et de vivre dans deux pays. C’est ce qu’elle voulait développer avant la guerre ; le fait d’être obligé de partir à l’étranger a tout accéléré, dit Julia :
« Mon rêve, c’est de créer un type d’entreprise de médias qui sera utile aux Ukrainiens. Par exemple une entreprise qui fait de la production et des productions vidéo, et qui a recours à Internet et aux plateformes modernes. Mon mari est resté en Ukraine ; si tout se passe comme je le souhaite et que mon rêve devient réalité, je pourrais travailler dans deux pays. »
Biologiste de Kyjiv, Anna est mère de plusieurs enfants. Elle a trouvé du travail dans un jardin botanique. Mais il ne s’agit que d’un contrat de 18 mois… A Český Krumlov, ils disposent d’un logement bon marché. Le mari d’Anna travaille et leurs enfants sont inscrits à l’école. A priori, la famille ukrainienne a tout ce qu’il faut pour mener une vie décente en République tchèque – d’autant que les enfants s’y plaisent. Mais Anna hésite :
« Malgré tout, il s’agit de cultures différentes. Et pour moi qui ai 48 ans, il me sera toujours difficile de me sentir chez moi dans un milieu tchèque. Si les enfants étaient autonomes et capables de vivre seuls, je les laisserais ici, et moi je rentrerais à Kyjiv, pour venir en aide à l’Ukraine. »
Originaire de la région du Donbass, Nadia n’a nulle part où retourner. En 2014, l’occupation russe les a chassés, elle et son mari, de leur maison à Donetsk. Ils ont déménagé à Vouhledar, mais après huit années de construction d’une nouvelle vie, la guerre déclarée le 24 février 2022 a réduit leurs efforts à néant, détruisant leur nouvelle maison et leur nouvelle entreprise. Nadia est donc partie pour la République tchèque avec sa mère et sa tante, littéralement sous les tirs des soldats russes.
« Même si notre ville était libérée, je n’aurais nulle part où retourner. Non seulement notre maison, mais toute la ville est détruite. Il y avait des mines là-bas ; elles sont désormais inondées. Il n’y aura pas d’électricité dans la ville. Comment pourrions-nous y retourner ? »
Selon les statistiques officielles, à ce jour, la République tchèque a délivré plus de 417 000 visas de protection temporaire à des citoyens d’Ukraine. Environ 107 000 Ukrainiens ont trouvé du travail dans le pays, tandis que 100 000 réfugiés sont déjà rentrés en Ukraine, selon les estimations du ministère tchèque de l’Intérieur.