Svetlana Tikhanovskaïa reçue à Prague comme la présidente de la Biélorussie
Reçue officiellement par Petr Pavel au Château de Prague, par le chef de la diplomatie et par les présidents des deux chambres du Parlement, interviewée par de nombreux médias, Svetlana Tikhanovskaïa a effectué une visite de quatre jours en République tchèque très remarquée. Lundi, la cheffe de l’opposition biélorusse a inauguré le Bureau des forces démocratiques de la Biélorussie à Prague.
« Les relations entre la République tchèque et le Belarus sont remarquables et portent leurs fruits. Les Tchèques comprennent les Biélorusses et nos liens culturels. »
Elle n’en a officiellement pas le statut, c'est pourtant bien en qualité d'officieuse présidente biélorusse, et en s’exprimant aussi comme une cheffe d’État, que Svetlana Tikhanovskaïa a été accueillie à Prague. Invitée dans le cadre de One World, le grand festival international du film documentaire sur les droits de l’homme qui bat actuellement son plein et où, lundi soir, elle a présenté le fim « The Accidental President » qui dresse son portrait, celle qui est devenue la principale figure de l’opposition au régime d’Alexandre Loukachenko a été reçue avec tous les honneurs dus au rang qui aurait pu (ou dû) être le sien si le déroulement de la dernière élection présidentielle en Biélorussie en 2020, dont l’Union européenne n’a pas reconnu les résultats, n’avait pas été entâché de fraudes.
Face à l’ampleur de la répression qui a suivi l’annonce de la réélection de Loukachenko, Svetlana Tikhanovskaïa, qui se considère comme la vainqueur de ces élections, avait alors été contrainte de fuir son pays. Réfugiée en Lituanie voisine, où se trouvaient déjà ses enfants, c’est donc depuis Vilnius qu’elle a créé et dirige depuis le Conseil de coordination, une structure qui a pour principaux objectifs la fin de la persécution et la libération des prisonniers politiques ou encore l’organisation de nouvelles élections présidentielles cette fois démocratiques en Biélorussie.
Si la capitale de la Lituanie est devenue la base arrière de ce gouvernement biélorusse non officiel en exil, Prague pourrait également en devenir un centre d’activité. C’est du moins le vœu formulé par le président du Sénat tchèque, lundi, au cimetière d’Olšany, lors d’une cérémonie à la mémoire des deux présidents biélorusses en exil qui ont servi à Prague après l’invasion de leur pays par les troupes de la Russie bolchévique. Miloš Vystrčil s’est dit convaincu qu’aujourd'hui encore, la République tchèque pouvait fournir au gouvernement en exil l’espace nécessaire pour œuvrer en faveur d’une Biélorussie libre :
« De 1923 à 1945, le gouvernement anti-bolchévique biélorusse en exil a résidé à Prague et nous sommes aujourd’hui dans une situation où la République tchèque et Prague peuvent de nouveau être un centre pour le fonctionnement du gouvernement biéléorusse en exil. »
À Prague, Svetlana Tikhanovskaïa a remercié la République tchèque et l’ensemble du monde libre pour leur aide et leur soutien aux efforts déployés par les Biélorusses pour recouvrer l’indépendance de leur pays et l’ancrer dans les structures européennes.
Dans un entretien accordé à la Télévision tchèque, celle qui n’a plus aucune nouvelle de son mari emprisonné depuis un an et a été condamnée par un tribunal de son pays à quinze ans de prison après avoir été reconnue coupable par contumace de trahison et de « conspiration en vue de prendre le pouvoir », a néanmoins rappelé la nécessité, aussi, de ne pas oublier tous ceux restés en Biélorussie qui, en raison du climat de terreur généralisé, sont dans l’impossibilité d’exprimer leur opposition :
« L’attention portée à la Biélorussie diminue bien sûr en raison de la guerre en Ukraine, du conflit à Gaza et des attaques terroristes. Mais notre tâche est d’expliquer au monde et aux médias pourquoi la Biélorussie est stratégiquement importante pour la paix et le calme dans l’ensemble de la région. Ce n’est pas un sujet qui peut être reporté indéfiniment. Notre pays et l’Ukraine traversent actuellement une période historique. Nous sommes naturellement conscients que toute l’attention doit se concentrer sur l’Ukraine, car les Ukrainiens se battent non seulement pour eux-mêmes, pour leur territoire, mais aussi pour nous tous. Mais il ne faut pas oublier les millions de Biélorusses qui vivent au pays et ne soutiennent pas le régime en place. »
Après avoir rendu hommage à tous les prisonniers politiques au monument de Milada Horáková en compagnie de Markéta Pekarová Adamová, la présidente de la Chambre des députés, et avant de se rendre au Château de Prague, Svetlana Tikhanovskaïa a remis la Croix du bon voisinage au ministre des Affaires étrangères, Jan Lipavský. C’est en sa compagnie qu’elle a inauguré le Bureau des forces démocratiques de la Biélorussie, un lieu dont le chef de la diplomatie s’est dit convaincu qu’il « servira de pont entre les sociétés civiles biélorusse, tchèque et européenne et contribuera à soutenir les forces démocratiques, les médias indépendants et les prisonniers politiques biélorusses ».