Télévision tchèque : les informations sont-elles manipulées ?
Informations manipulées en faveur du président Miloš Zeman et le parti politique qui porte son nom. Tel est le contenu de la plainte de vingt-trois journalistes de la télévision publique Česká televize adressée aux membres du Conseil de la télévision tchèque la semaine dernière. Ces propos ont été rapidement contestés par une pétition signée par une soixantaine de leurs collègues. Qui a raison ?
Certains journalistes du plus grand médias du pays estiment en effet qu’il y a manipulation d’informations en faveur du Président de la République et de son parti, de la part des autorités du service d’information et de son rédacteur en chef Petr Mrzena. Il s’agit d’un conflit de longue date, comme l’explique Ondřej Aust du site Mediář.cz. :
« Le premier groupe, à savoir les vingt-trois journalistes auteurs de la plainte, sont représentés par Daniela Drtinová et par son collègue et chef du syndicat Adam Komers. Les noms de leur vingt-et-un collègues n’ont pas été rendus publics car ces derniers craignent des sanctions. Selon eux, le conflit entre Mme Drtinová et les autorités du service d’information au sujet de la manipulation volontaire des reportages et des émissions télévisés remonte à la campagne présidentielle, mais les problèmes qu’ils espéraient régler à l’intérieur de la télévision n’ont pas été ou n’ont pas pu être réglés de cette façon. »Par conséquent, une plainte a été adressée, à la fin du mois d’octobre, au Conseil de Česká televize, dénombrant et détaillant cas par cas les manquements d’objectivité et les diverses interventions des chefs du service d’information. Cependant, soixante-et-un autres journalistes se sont mobilisés pour contester les propos de leurs collègues en formulant une lettre ouverte selon laquelle ils n’ont jamais connu une telle ingérance de la part de leurs supérieurs. Ondřej Aust :
« Ensuite il y a cet autre groupe, les soixante-et-un journalistes et employés du service d’information de la télévision – citons, parmi les plus connus, Václav Moravec. Grâce à une sorte de combine journalistique de la part du service de communication de la télévision tchèque, leur contestation s’est retrouvée au coeur de l’attention des médias : d’abord, ils ont officiellement diffusé la lettre, (ou la pétition si l’on veut), pour annoncer quelques minutes après qu’il s’agissait d’une information échappée involontairement, par erreur, et qu’il ne fallait pas faire circuler les noms de ces journalistes… »Un comportement douteux dans un contexte compliqué et peu clair. Qui a raison ? Erik Tabery s’interroge dans le dernier numéro de l’hebdomadaire Respekt sur la validité des arguments présentés par les contestataires :
« Comment est-ce qu’un journaliste de la rubrique internationale peut-il savoir comment se déroule le travail de son collègue de la rubrique de la politique intérieure ? C’est comme si, en foot, un attaquant se mêlait du travail d'un gardien de but... »
C’est pourquoi le Conseil de la chaîne publique a appelé ce mercredi à une examination de la plainte. Le PDG de la Česká televize Petr Dvořák a donc prévu de constituer un groupe de spécialistes du domaine des médias. Le résultat de leurs investigations devrait être présenté lors de la prochaine réunion du Conseil, le 11 décembre prochain. Le président du Conseil Milan Uhde précise :
« Il est particulièrement important de mettre en place un auditeur indépendant. Celui-ci devra disposer de la confiance de tous les partis intéressés dans ce litige et faire preuve d’impartialité absolue, c’est-à-dire ne pas s’exprimer a priori contre les uns ou pour les autres. »
La situation semble difficile pour tout le monde. Qu’adviendra-t-il à ceux dont les propos seront démentis ? Pire encore, si des débats télévisés ou des reportages avaient été véritablement manipulés, qu’en est-il de la légitimité de la représentation politique ? Affaire à suivre pour plus d’éclaircissements...