Législatives : en 2017, les Tchèques avaient dit un grand ANO à Andrej Babiš
Selon les résultats des différents sondages publiés ces dernières semaines, le mouvement ANO, qui est le principal parti de l’actuelle coalition gouvernementale, apparaît le mieux placé pour remporter les élections législatives, qui se tiendront les 8 et 9 octobre. Apparu sur la scène politique tchèque au début des années 2010, la formation dirigée par le Premier ministre Andrej Babiš était déjà arrivée en tête en 2017, avec une nette avance sur les autres partis.
En octobre 2017, les élections législatives en République tchèque avaient confirmé, sans la moindre surprise, la montée en puissance du mouvement ANO. Pouvant être présenté comme de centre-droit libéral, qualifié par ses critiques de populiste, le parti fondé quelques années plus tôt par le milliardaire Andrej Babiš, qui faisait déjà partie de la coalition gouvernementale au pouvoir entre 2013 et 2017, avait nettement remporté le scrutin en recueillant près de 30 % des suffrages.
Un succès qui avait donc presque pris les allures d’un triomphe et avait été acquis malgré les diverses affaires dans lesquelles Andrej Babiš, encore ministre des Finances quelques mois plus tôt, était déjà mis en cause et les accusations de conflits d’intérêts qui le visaient. A l’époque, celui qui allait devenir le nouveau Premier ministre divisait d’ailleurs déjà beaucoup ; la preuve en est, c’est le mot « antibabiš » qui avait élu mot de l’année en République tchèque, deux mois après les élections.
Loin, même très loin derrière ANO donc, le parti conservateur ODS (Parti démocrate civique) était arrivé en deuxième position avec un score de 11,32 %. Principale formation de droite en République tchèque depuis la chute du régime communiste, ODS n’avait devancé qu’avec un très faible écart les Pirates (10,69 %), qui, eux, accédaient ainsi au Parlement pour la première fois de leur histoire.
Succès des Pirates, mais aussi de l’extrême-droite
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Largement relayé dans les médias internationaux et concrétisation de la réussite de leur politique menée dans un premier temps à l’échelle communale, le succès des Pirates, phénomène à l’échelle européenne, s’était confirmé l’année suivante avec l’obtention du deuxième meilleur résultat lors de la municipale à Prague et l’élection qui s’en est suivie de leur candidat Zdeněk Hřib maire de la capitale.
Autre entrée très remarquée au Parlement en 2017 : celle de Liberté et Démocratie directe, avec 10,64 %. Soutenu lors de la campagne entre autres par ce qui était alors encore le Front national de Marine Le Pen, ouvertement xénophobe et anti-européen, le SPD est le parti clairement le plus à droite ces dernières années sur l’échiquier politique tchèque. Comme le mouvement ANO, le SPD est un parti relativement jeune, fondé lui aussi par un homme d’affaires, Tomio Okamura, à la personnalité au moins aussi clivante que celle d’Andrej Babiš.
Deux ans après la crise migratoire qui a divisé l’Europe et l’opinion publique tchèque, qui a aussi fini aux yeux de beaucoup de ranger la République tchèque parmi les pays peu ou pas solidaires, ce résultat reflétait aussi une nouvelle tendance : jamais en effet encore auparavant, une formation d’extrême-droite n’avait bénéficié d’un tel soutien des électeurs tchèques. Près de 540 000 d’entre eux avaient voté en faveur du SPD, lui garantissant ainsi une présence conséquente à la Chambre des députés avec pas moins de vingt-deux mandats (sur un total de 200).
Autre grande première dans l’histoire du pays : ces élections, marquées par un taux de participation dans la moyenne (60,84 %), n’avaient pas abouti à la victoire d’un parti traditionnel de gauche ou de droite. Aux yeux de beaucoup d’observateurs, tchèques comme étrangers, c’est même le populisme qui en était ressorti grand vainqueur : populisme entrepreneurial avec le mouvement ANO et son leader Andrej Babiš, qui possède une des plus grandes fortunes en République tchèque et en Slovaquie, et donc populisme nationaliste avec le SPD.
Près de la moitié (48%) des électeurs avaient voté en faveur de formations qui se présentent comme antisystèmes et prétendent vouloir marquer une rupture plus ou moins radicale avec la politique des partis traditionnels, de gauche comme de droite.
La débâcle des partis de gauche
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Parmi les neuf partis représentés qui avaient obtenu un résultat supérieur à 5 % suffisant pour être représenté à la Chambre basse du Parlement, figuraient d’ailleurs aussi Les Maires et indépendants (STAN). De tendance libérale, cette formation longtemps restée dans l’ombre forme cette année une coalition avec les Pirates susceptible d’intégrer la prochaine coalition gouvernementale.
Principal partenaire d’ANO au sein du gouvernement sortant en 2017, le parti social-démocrate (ČSSD) avait, lui, enregistré le plus mauvais résultat de sa longue histoire avec 7,27 %, juste derrière les communistes et devant les chrétiens-démocrates. Plus généralement, les partis de gauche étaient sortis laminés d’élections qui avaient confirmé la profondeur de leur crise. Directeur de la section centre-européenne de Sciences Po à Dijon, Lukáš Macek, qui analyse régulièrement l’actualité politique tchèque pour les auditeurs de Radio Prague International, avait alors constaté que la social-démocratie souffrait d’une crise de leadership :
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« Ce parti paye cher ses divisions, qui sont caractérisées depuis pratiquement l’origine. Et elles se sont avérées fatales dans le rapport de force que ce parti a vécu avec Andrej Babiš au sein de la coalition sortante. »
Un constat qui, quatre ans plus tard, reste plus ou moins le même : toujours victime de ses divisions stratégiques et politiques, mais aussi de sa coopération avec un Andrej Babiš ultra-dominant au sein du Cabinet, le ČSSD pourrait bien ne pas franchir le seuil des 5 %, condition indispensable pour pouvoir continuer à être représenté à la Chambre des députés.
Et comme il y a quatre ans, la fragmentation de la scène politique risque une nouvelle fois d’aboutir à des négociations longues et très compliquées pour la formation du prochain gouvernement.
En 2017, c’est finalement le ČSSD, qui s’en mordra donc peut-être définitivement les doigts dans quelques semaines, qui avait accepté de reformer une coalition avec le mouvement ANO. Une coalition minoritaire qui, depuis sa nomination en juin 2018, ne doit son existence qu’au soutien tacite des députés communistes. Un retour de facto au pouvoir des communistes qui n’avait certainement pas été la moindre des conséquences des résultats des dernières législatives tchèques.
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