Une grâce présidentielle controversée
Zdenek Ruzicka, nous vous en avons parlé dans notre précédente émission, purgeait une peine de 17 ans de réclusion pour un double meurtre, et vient d'être gracié par le président Havel. Sa grâce relance le débat sur le pouvoir du président en la matière. Omar Mounir.
C'est mardi que le président a accordé sa grâce, et c'est le même jour que Zdenek Ruzicka a retrouvé la liberté. Pour la première fois, le président donne des motifs à un cas de grâce: le criminel aurait agi de la main droite, or, Ruzicka est gaucher. La chancellerie de la présidence parle officiellement d' "erreur judiciaire grave". Si le président n'avait pas motivé sa décision, personne, sans doute, n'y trouverait à redire. Mais en présence d'une explication qui est un désaveu des magistrats, le ministère de la Justice s'est cru en devoir d'agir: Son porte-parole dit que le ministère ne soutient pas cette grâce. C'est donc le conflit ouvert.
Et il y a de quoi. Car on lit dans les motifs de la grâce présidentielle ce qui suit: "Lors de la préparation du procès, des entorses aux règles fondamentales de procédure pénale ont été commises par tous les organes intervenant dans l'instance. Une série de décisions a été annulée en appel, et le jugement n'a été finalement validé que formellement. Un recours constitutionnel a été jugé recevable, et même la Cour constitutionnelle n'a laissé passer la cause que formellement aussi."
Pour le tribunal, le motif du double meurtre était de s'emparer d'une Fiat Uno appartenant à un couple de retraités. Quelques jours après, le complice, un certain Jiri Hladovec, se faisait arrêter au volant de cette voiture et a dévoilé le nom de son complice et les circonstances du meurtre. Il s'en est tiré avec une peine moins lourde. Il convient cependant de préciser que la chancellerie présidentielle mentionne, qu'à la reconstitution du meurtre, justement, il s'est avéré que Hladovec n'aurait jamais mis ses pieds dans des lieux qu'il prétendait pourtant être ceux du forfait.
N'importe comment, cette question ravive le lancinant problème des pouvoirs présidentiels en matière de grâce. Treize personnes ont été en même temps graciées, des femmes et des hommes incarcérés pour abus de confiance, escroqueries, infractions bancaires, coups et blessures et mêmes meurtres. Le cas en particulier d'une Rom de 33 ans, Helena Lakatosova, subit un traitement particulier par la presse et fait déjà parler de lui. L'intéressée est condamnée, dans une affaire d'escroquerie portant sur plusieurs millions de couronnes, à cinq ans de réclusion, avec, pour des raisons de santé, suspension de la peine qui ne sera donc jamais plus appliquée, lit-on en substance dans une information de la CTK. Dans un sondage en date de septembre 1999, les partisans de la limitation du pouvoir de grâce présidentiel étaient 67% tandis que ceux favorables à son maintien n'étaient que 33%.