Une seconde vie en France pour le Zetor tchèque
Née en 1946 à Brno, la marque de tracteur tchèque Zetor est devenu au fil des années une référence dans le monde entier, et un des principaux produits d’exportation tchécoslovaque de la seconde moitié du XXe siècle. Un trésor tchèque qui n’est pas passé inaperçu en France, et à qui certains veulent aujourd’hui redonner une jeunesse. Pierre Doucet, retraité dans le Gers, a entrepris de restaurer un Zetor 25A et l’a récemment fait entrer dans sa collection de tracteurs de l’après-guerre à qui il a donné une seconde vie. Il revient pour nous sur l’arrivée et l’importance de cet engin agricole tchèque en France.
« Ce sont des tracteurs qui sont arrivés en France en 1957, et y étaient vendus neufs. Ils sont restés en France jusque dans les années 1970, parce qu’après, il y a eu l’évolution du relevage. Ce tracteur n’a pas le relevage. Par la suite, il l’a eu, mais c’est à ce moment que l’Etat français a donné des primes, et donc toutes les marques de tracteurs se sont greffées, car il était plus facile de se procurer d’autres tracteurs grâce à l’investissement public. »
Pourquoi avoir décidé de restaurer un Zetor tchèque ?
« Les Zetor ont quand même fait beaucoup dans les années 1950 puisque les Français les achetaient neufs. Ils ont été très importants pour l’agriculture française [industrielle], parce qu’elle a démarré presque par ces tracteurs-là, par d’autres aussi, bien sûr, mais avec les Zetor en particulier parce qu’ils étaient économiques, confortables… »
Le Zetor, « un grand moment pour l’agriculture française »
« Voilà pourquoi les gens se servaient de ces tracteurs. Et moi, je veux leur donner, surtout à eux, leur chance. Il ne faut pas les oublier, parce qu’ils ont été un grand moment pour l’agriculture française. »
Combien de temps vous a pris la restauration du tracteur ?
« Pour le restaurer, ça m’a pris à peu près trois mois. A partir du moment où je l’ai acheté jusqu’au moment où j’ai fini la restauration, il s’est écoulé à peu près un an. »
Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées dans sa restauration ?
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« La principale difficulté a été l’achat des pièces, parce que nous ne trouvions plus de pièces. Il n’y a qu’une personne à Bordeaux qui fournit les pièces de ces Zetor. Mais je n’ai pu trouver que trois pièces en tout du tracteur. Tout le reste a été usiné, re-usiné, refait : tout à l’authentique, mais refait. »
Peut-on maintenant utiliser ce tracteur comme s’il était neuf ?
« Oui, on peut l’utiliser comme neuf. Tout est refait. »
Quelles sont les principales caractéristiques du Zetor ?
« Comparé aux autres tracteurs, il faut mentionner, pour commencer, l’économie de gasoil. On peut aussi évoquer le confort, mais à le confort de cette époque-là, celle où s’en servaient les gens. C’était donc un confort et une grande économie. »
« Un confort et une grande économie »
« Et puis, il y a aussi la simplicité de réparation, parce que ce sont des tracteurs très simples. Je ne comprends pas pourquoi les gens ne veulent pas les restaurer, parce que c’est très simple. »
Aujourd’hui, ces tracteurs ne sont plus du tout utilisés ?
Non. C’est fini. Il n’y en a plus. Mis à part des gens comme nous qui les restaurent, ou qui les utilisent pour nous-mêmes, pour aller faire des promenades, ils n’existent plus. Après, il existe le Zetor beaucoup plus moderne. Il a été modernisé par la suspension, mais il reste toujours très économique. Mais il y a quand même eu beaucoup de choses de faites sur le Zetor jusqu’à aujourd’hui. »
A quel point le Zetor était-il et est-il toujours connu dans le monde agricole français ?
« Oui, c’est une marque qui est connue dans le milieu agricole. Mais pourquoi ? Parce que, bien sûr, dans les années 1970-1980, l’Etat français a donné des primes. Tous les constructeurs de tracteurs se sont mis à vendre des tracteurs en France, et le Zetor a été un peu mis à l’écart. Il n’a pas suivi comme les autres, qui ont bénéficié de ces primes. Mais sinon, le Zetor allait très bien. Je vois des fermes qui ont des Zetor et ils en sont enchantés. Pourquoi ? Parce que c’est la simplicité, le confort. Bien sûr, l’électronique n’est pas aussi complète qu’avec les tracteurs d’aujourd’hui, américains ou anglais, mais question fiabilité, le Zetor, c’est très bien. »
Vous-même, l’utilisiez-vous lorsque vous travailliez en tant que mécanicien agricole ?
« Exactement. J’ai commencé à travailler en mai 1968. C’était l’époque des Zetor. Il fêtait quasiment ses vingt-cinq ans. Les gens étaient très contents même s’il n’avait pas de relevage. L’agriculture française [industrielle] commençait, et elle a commencé avec ça. Il faut donc que nous soyons conscients qu’ils nous ont rendu service. Il faut donc qu’on leur rende service à notre tour en leur refaisant une beauté, en les faisant voir dans les salons, dans les meetings. »
Vous exposez les engins agricoles que vous restaurez, et parmi ceux-ci le Zetor, n’est-ce pas ?
« Oui. J’ai exposé notamment à Dunes dans le Tarn-et-Garonne. C’était une très grande foire où il y avait beaucoup de tracteurs. Mais j’ai vu que dans l’allée où j’étais garé avec trois tracteurs, le plus regardé était le Zetor, et aussi un vieux tracteur qu’un mécanicien agricole avait fabriqué. »
« Il ne faut pas le jeter, il ne faut pas le renier ! »
« Mais le Zetor a été très regardé. Pourquoi ? Parce que je le mettais en valeur et je disais aux gens : ‘les agriculteurs ont commencé avec ça. Il ne faut pas le jeter, il ne faut pas le renier’. J’ai eu beaucoup de visites et maintenant même des appels pour ça. »
Quel type d’appels ? Pour l’acheter ? Le voir ?
« L’acheter, non. Je ne veux pas le vendre. Je ne suis pas vendeur du tout. Mais le voir, oui, et aussi, des gens qui ont chez eux, dans leur ferme, de vieux Zetor qui n’ont pas servi depuis trente ou trente-cinq ans. Ils me demandent de venir les voir et de leur faire un devis. J’irai les voir dès que possible, parce qu’il faut le faire. »
Avez-vous eu l’occasion de rencontrer d’autres amoureux du Zetor ?
« Oui, j’ai vu beaucoup de monde, et surtout des anciens qui avaient commencé par ces tracteurs. Ils m’ont dit : ‘Vous avez raison de faire ça, parce qu’il faut le faire voir et se souvenir que ce sont des tracteurs qui ont commencé l’agriculture française [industrielle]’. Il ne faut pas le renier, il faut le dire. C’est pour ça que je vais dans des salons, que je le montre un peu partout. »