Une semaine en Tchéquie à travers la presse
Cette nouvelle revue de presse propose d’abord deux regards sur le mouvement écologiste Extinction Rébellion. Le fossé entre les grandes villes et la campagne, confirmé par les élections dans les pays de l’Europe centrale, est un autre sujet traité. Il sera également question d’un atlas des théories de conspirations et des transformations de l’enseignement supérieur. Un rappel enfin du centenaire de l’Office tchèque des statistiques.
« L’atmosphère carnavalesque des protestatations peut être perçue comme une tentative joyeuse et inédite d’attirer l’attention sur l’urgence de la crise climatique. La ‘révolte’ est portée dans l’esprit des dernières acquisitions scientifiques qui prétendent que le rythme du réchauffement climatique est plus rapide que ce que l’on pensait et que l’on ne dispose plus de beaucoup de temps pour trouver des solutions. Les ‘révoltés’ ont réussi à modifier la sensibilisation sur l’étendue du problème. En effet, de plus en plus nombreuses sont les populations qui prennent conscience que le changement climatique n’est pas un problème abstrait qui ne concerne que les générations futures, mais qu’il est d’une actualité brûlante. »
Mais il y a aussi, comme le remarque l’éditorialiste, un côté plus sombre du mouvement Extinction Rébellion qui apparaît lorsqu’on veut prendre son message tout à fait sérieusement et formellement. La révolte, en effet, n’a pas pour seul but de souligner le problème, elle vise aussi à le résoudre. Dans cette logique, une restructuration de fond en comble de l’économie devrait être entreprise d’ici à 2025, et non pas dans les prochaines décennies. Et au lieu de la société libre telle que nous la connaissons aujourd’hui, c’est un bouleversement révolutionnaire qui se chargerait de cette transformation. Le commentateur écrit en conclusion :
« Difficile d’évaluer qu’elle est la part des révoltés qui privilégient le côté symbolique du mouvement Extinction Rébellion et celle des autres. Il est évident que la montée de l’angoisse amène une partie du public à prêter l’oreille à ceux qui proposent des solutions non démocratiques. Les démocrates, quant à eux, sont appelés, dans leur propre intérêt, à offrir une gamme de solutions plus large et à être sensibles aux craintes exprimées dans les rues des capitales mondiales ».
En Europe centrale, le fossé entre les capitales et la province se creuse
Les résultats des dernières élections dans les pays de l’Europe centrale traduisent un fossé marquant entre les capitales et la province. C’est ce que rappelle un commentaire intitulé « Prague, Budapest, Varsava, les capitales déconnectées de leurs pays » publié dans le quotidien Hospodářské noviny de mercredi :« Aux élections locales en Hongrie, l’opposition s’est imposée à Budapest, pendant qu’aux élections législatives polonaises, le parti Droit et Justice, qui a dominé dans l’ensemble du pays, a essuyé une défaite à Varsovie. La situation est identique en Tchéquie, où le mouvement ANO d’Andrej Babiš, vainqueur des dernières élections régionales, n’est arrivé qu’en cinquième position à Prague. Il s’avère que la ligne de démarcation au sein de la société marque le conflit primaire entre les capitales et la province. »
« Comment expliquer cette tendance et jusqu’où cela peut-il aller ? », s’interroge le journaliste. En cherchant une explication de taille, il indique d’abord que les grandes villes sont une cause perdue pour les populistes, leurs habitants restant insensibles à leur discours qui porte sur la prétendue trahison des élites ou sur les menaces liées à l’identité nationale. De même, la qualité de vie, les opportunités et les expériences sont dans les grandes villes foncièrement différentes de celles des petites villes ou à la campagne. Il n’est pas étonnant que cela se répercute sur les préférences politiques. « Le constat étant le même dans les autres pays du monde, un Pragois peut dès lors se sentir plus proche d’un Varsovien ou d’un Londonien que d’un habitant d’une petite ville tchèque », constate le commentateur, qui indique enfin :
« Les différences entre les grandes villes et la campagne ont toujours existé, mais jamais encore le fossé entre les perceptions du monde n’a été aussi profond. Les échecs des populistes ces derniers temps dans les capitales d’Europe centrale n’est pas le signe d’une effervescence de la politique démocratique traditionnelle. Ils confirment juste que les capitales sont des univers à part. Les gens qui vivent en dehors des grandes villes continuent d’avoir le sentiment d’être marginalisés. Or, au lieu de s’amoindrir, l’éventualité d’un conflit grave semble augmenter. »
Atlas des théories de conspirations
Suivre les traces et rassembler les théories de conspirations qui circulent sur les sites tchèques : tel est l’objectif du projet Atlas des conspirations mené par l’Université Charles dans le cadre du programme « Les Nouvelles études des médias ». Le quotidien Deník N précise à ce propos :« Le cocktail de désinformations, de manipulations et de fake news qui prolifèrent sur Internet, agit sur beaucoup de personnes comme un hypnotiseur. D’un côté, nous avons les ‘traditionnelles’ fake news : celles liées aux franc-maçons et aux illuminati, ou celles prétendant que la Terre est plate et que les pyramides égyptiennes servaient de terrain d’atterissage aux vaisseaux extra-terrestres. Mais aujourd’hui, ce sont l’antisémitisme et les accusations selon lesquelles les élites tchèques vont à contre-courant des intérêts des gens qui sont en vogue. Très populaire est aussi l’information sur les retombées néfastes des réseaux 5G sur la santé. Par ailleurs, sur la base d’une interpellation d’un député du parti d’extrême droite SPD, celle-ci a récemment fait l’objet d’un débat à la Chambre de députés. »
L’Atlas des conspirations offre non seulement une description des fake news, mais présente aussi la liste des sites qui les diffusent. Leur gamme est très variée. Outre ceux qui traitent des sujets « classiques », il en existe d’autres spécialisés notamment dans les thèmes anti-islam et anti-migration. Un rôle à part, selon Deník N, appartient à ceux qui diffusent les fausses informations en provenance de Russie.
L’enseignement supérieur après 1989
Plus de liberté et plus d’étudiants : tels sont deux des principaux traits des transformations de l’enseignement supérieur tchèque depuis 1989. L’auteur d’un article s’inscrivant dans le cadre de la série que le quotidien Mladá fronta Dnes consacre au 30e anniversaire de la révolution de Velours observe à ce propos :« Au lendemain de la chute du régime communiste, les universités ont renouvelé leur gestion avec des organes académiques élus. Depuis, au lieu d’être désignés par le ministère de l’Enseignement, les recteurs, eux aussi, sont élus. Ces trente dernières années ont été marquées par une augmentation considérable du nombre d’étudiants. Ce constat concerne notamment l’Université Charles : près de 48 000 étudiants sont actuellement inscrits contre quelque 20 000 en 1989. Les écoles de sciences techniques et économiques qui ont élargi leur champ de disciplines accueillent elles aussi plus d’étudiants que sous le régime communiste. Tout cela sans oublier l’accueil des étudiants étrangers : près de 9 000 cette année, soit dix fois plus qu’en 1989, rien qu’à l’Université Charles. »
Mladá fronta Dnes rapporte enfin que les étudiants universitaires se recrutent principalement à Prague et en Bohême centrale, puis dans une moindre mesure dans les régions d’Ústí nad Labem, dans le nord du pays, et en Bohême du Sud.
Les 100 ans de l’Office tchèque des statistiques
A l’occasion, en septembre dernier, du centenaire de l’Office tchèque des statistiques, le site echo24.cz a rappelé :« Durant son existence et au gré des événements historiques, l’Office tchèque des statistiques a eu à relever de nombreux défis. A noter en premier lieu les recensements réguliers de la population, dont le premier remonte à 1921. En 1919, les experts en statistiques ont préparé des documents pour la participation de la délégation tchécoslovaque à la Conférence de la paix é Paris chargée de la réorganisation de l’ordre européen. Sous l’occupation nazie, plusieurs fonctionnaires de l’office, parmi lesquels son président, ont été mis en prison ou exécutés. La génération d’après-guerre était contrainte de travailler dans des conditions qui ne favorisaient pas des statistiques objectives et non partisanes. »
Depuis la chute du régime communiste, les statistiques tchèques accomplissent de nouveau leur mission publique authentique. L’Office tchèque des statistiques s’occupe aussi des résultats des élections.